Message Internet:
Salut tout le monde,
Pour info, un entretien avec un anarchiste israelien (les anarchistes
contre le mur) qui travaille à l’AIC (Alternative Information
Center).
Interview : L’Anarchisme israélien : être Jeune,
Homo et Radical sur la Terre Promise
Par Aaron Lakoff
Aaron Lakoff est membre de l’International Solidarity Movement
et journaliste pour la radio CKUT de Montreal. Il voyage actuellement
et travaille dans toute la Palestine. Pour voir ces précédents
témoignages et ses photos : http://aaron.resist.ca
Yossi est un jeune résidant de Jérusalem et un membre
du Mouvement International de Solidarité (ISM).
Il fait partie de nombreux mouvements sociaux en Israel et en Palestine,
y compris celui des Anarchistes Contre le Mur et de Black Laundry,
un groupe gay radical.
Yossi travaille actuellement à l’Alternative Information
Center (Centre Alternatif de l'Information - AIC).
Il nous parle de l'Anarchisme en Israel, de ses liens avec la lutte
palestinienne, et de la culture anarchiste radicale et de la culture
gay.
Aaron : Pouvez-vous me parler du mouvement Anarchiste en Israel
?
Yossi : Bien, l'anarchisme en Israel, ou on peut dire en Palestine,
n'a jamais été un grand mouvement ou un mouvement
populaire.
C’est parce que le Sionisme était un mouvement nationaliste,
et la plupart des réfugiés qui sont venus ici croyaient
dans le Nationalisme et dans le Sionisme, et ils ont soutenu l'idée
d'un Etat Juif.
Et ils ont choisi de venir ici et pas dans un autre endroit. Ils
ont choisi de venir en Palestine et d'y établir l'Etat Juif.
Donc, l'Anarchisme leur était très étrange
- il ne faisait pas partie de leur ordre du jour.
Bien qu’il y ait eu beaucoup de socialistes qui soient venus
ici, ils étaient en même tempssocialistes et nationalistes
. Ils n'essayaient pas de surmonter les visions nationalistes du
Socialisme.
Donc pour des raisons historiques, l'Anarchisme était insignifiant
ici.
Dans la culture palestinienne ou arabe, l'anarchisme n'est pas
non plus bien connu. Ce n'est pas un courant de pensée populaire.
Il n'y a aucun philosophe anarchiste dans la culture arabe.
Aussi, pour ces raisons, nous n’avons pas de contexte historique
depuis le 19ème siècle, ou même depuis le milieu
du 20ème siècle. Les premiers anarchistes qui sont
venus ici en Israel sont repartis vers l'Europe quand ils ont compris
qu’Israel n'était pas le bon endroit pour eux.
Certains anarchistes sont nés dans des familles sionistes
et ont choisi l'anarchisme comme idéologie, mais encore une
fois, c'étaient de tous petits groupes.
Dans les années 60, il y en a eu un peu plus en raison du
mouvement étudiant en Europe, et les gens ont été
influencés par toutes les révolutions à l’extérieur
de la Palestine et d'Israel.
Seulement à la fin des années 60 et au début
des années 70, on a pu voir de plus en plus de groupes anarchistes,
mais la plupart du temps ils venaient des mêmes milieux.
Dans les années 80, le mouvement s'est développé
en raison du mouvement punk. Les fans de Punk sont entrés
dans le mouvement anarchiste.
Le mouvement pour les droits des animaux était vraiment
important ici et il l’est toujours et au début, c'était
très anarchiste. Tout ceci s’est produit dans les années
80-90.
On a commencé à avoir de plus en plus de livres et
de brochures sur l'Anarchisme dans les années 90.
A la fin des années 90, beaucoup de gens sont devenus anarchistes
en raison de la vague anti-globalisation qui balayait le monde,
et c’est aussi venu jusqu’en Israel.
Jusqu’au début de l'Intifada, il y avait beaucoup de
groupes qui étaient anarchistes, affiliés anarchistes,
ou non-hiérarchiques.
Aaron : Pour revenir à 1948, vous avez mentionné
que des Anarchistes êtes venus en Israel et avaient trouvé
que ce n’était pas un endroit pour eux. Mais si nous
regardons à l’époque d'Emma Goldman, juste avant
1948, il y avait de grands mouvements Anarchistes Juifs en Europe
et aux Etats-Unis.
N'est-il pas étonnant qu'aucun d'eux ait réussi à
pénétrer en Israel ?
Yossi : Ok, le mouvement Anarchiste détestait le mouvement
Sioniste. Il n’y avait pas que des Anarchistes - il y avait
aussi des Communistes.
Beaucoup de communistes sont venus ici et ont découvert
que tous ces slogans socialistes étaient réellement
socialistes seulement pour les Juifs.
Il y avait tellement de campagnes racistes. L’une d'elles
était Hebrew Labour (Travaillistes Hébreu) : "To
make capitalist Jews take all the Jewish labour" (Ndt : Pour
faire des Capitalistes, Juifs prenez tout le travail Juif) et c’était
la plus grande campagne du mouvement sioniste en Palestine.
Les gens sont venus ici et ont constaté que leurs visions
communistes n'avaient rien à voir avec la politique raciste
qu’il y avait ici.
Beaucoup d'entre eux sont partis et sont allés dans des
endroits comme l'Espagne, mais bon nombre d'entre eux n'ont eu pas
d’autre choix que de rester ici en raison d’Hitler et
parce qu'ils ne pourraient pas aller aux Etats-Unis.
Il y a eu quelques anarchistes qui sont venus ici en tant que réfugiés,
mais ils ne voulaient pas venir ici.
On peut le voir tout au long de l’histoire anarchiste qui
est tout à fait juive. Ils étaient très, très
anti-Sionistes – ils critiquaient toujours le mouvement sioniste,
en disant qu’il ne répondait pas aux problèmes
des Juifs.
Aaron : Vous avez mentionné différents sujets dans
lesquels les Anarchistes en Israel ont été impliqués
au cours des décennies, et puis vous avez mentionné
l'Intifada.
Alors récemment, il s’est créé les Anarchistes
Contre le Mur.
Pouvez-vous me parler un peu de ce groupe et ce que vous faites
?
Yossi : Quand l'Intifada est apparu, il y a eu deux processus qui
se sont déroulé en même temps. La Gauche traditionnelle,
que nous appelons en Israel la Gauche Sioniste, est devenue de plus
en plus à Droite.
Ils ont commencé à montrer de nouveau leur véritable
visage raciste. En même temps, la Gauche radicale est devenue
de plus en plus radicalisée.
On peut dire que la Gauche traditionnelle et la Gauche radicale
se sont polarisées.
Ce processus a entrainé plus d'actions de la part de la
Gauche radicale.
Pendant l’ère Oslo, la Gauche radicale était
devenue beaucoup plus silencieuse. Aujourd’hui, depuis le
début du second Intifada, il y a une manifestation presque
tous les jours.
Beaucoup de nouveaux mouvements se sont créés et
travaillent vraiment dur contre la situation.
Toute cette énergie, et des gens qui vont voir ce qui se
passe dans les Territoires Occupés, ont rendu davantage de
gens hostiles à l'Etat. Les gens pouvaient voir que l'Etat
était l'ennemi quand l'Etat vous tire dessus. Il cesse d'être
théorique, et cela devient bien plus vivant de voir le véritable
visage de l'Etat.
Quand la construction du Mur de l’Apartheid a commencé
en 2002 et 2003, beaucoup de gens – très jeunes, des
punks, des gays, des lesbiennes, et des transexuels de Tél-Aviv
- sont venus dans un village en Palestine. C'était un village
très conservateur, mais ils ont été invités
par le village à venir et à construire une tente de
la Paix contre le mur.
C'était à Mas'ha. Cela a dûré 5 mois,
et les Israéliens et les Internationaux ont réalisé
ce qui se passait avec la barrière, ce que c’était,
où elle allait être construite, etc...
Tout au long de ces 5 mois, une chose nouvelle est arrivée
à la Gauche radicale. C’était la première
fois que nous rencontrions quotidiennement des Palestiniens et que
nous vivions avec eux. C'était aussi une chose nouvelle pour
les Palestiniens. C'était vraiment un endroit de dialogue.
De cela est ressorti un lien très étroit entre les
Anarchistes Juifs et les Palestiniens. Naturellement les Anarchistes
étaient toujours contre l’occupation et l'oppression
de l'Etat Sioniste, mais je crois que ce camp a introduit ces questions
dans nos vies quotidiennes. Je pense que c'était les premiers
pas des Anarchistes Contre le Mur.
Lors des derniers jours du camp, nous avons commencé à
faire des actions.
Nous avons effectué des actions directes contre le mur dans
d'autres villages.
Nous avons essayé d'arrêter la construction du mur
à Mas'ha et le camp a été détruit par
l'armée. Ils nous ont ordonnés ne jamais revenir là-bas.
C'était le début d'un groupe d'actions directes qui
était organisé anarchiquement, sans hiérarchie,
et directement démocratique.
Nous avons commencé à faire de plus en plus d'actions
dans les villages partout en Palestine et tout le long du tracé
du mur.
Puis, il y a eu une nouvelle action à Mas'ha quand l’un
des Anarchistes Contre le Mur a été reçu des
balles dans les jambes.
Il était sérieusement blessé et il a failli
mourir lors de son transport à l'hôpital.
C’était fin décembre 2003. Avant ce jour-là,
le groupe changeait toujours de nom. Lors d’une action, nous
étions les "Juifs contre les Ghettos", un autre
jour, c’était : "le Goupe de Mas’ha",
nous n’étions pas attachés à un nom.
Mais ce jour-là, nous utilisions le nom des "Anarchistes
contre les Barrières".
Nous avons eu beaucoup de médias ce jour-là, bien
plus que nous n’en avions eu auparavant. Les médias
étaient vraiment intéressés par nous. Les gens
ont commencé réellement à se demander ce qu'était
l'Anarchisme.
Ce n’était pas très connu en Israel - les gens
connaissaient le mot, mais ils ne savaient pas ce qu'il signifiait.
Après cette action, nous sommes devenus beaucoup plus actifs
dans le combat contre le mur ou contre l’occupation parce
que beaucoup de villages palestiniens commençaient à
savoir qu'il y avait un groupe israélien qui venait et faisait
des choses en Palestine.
Les Palestiniens ont commencé à se rebeller contre
le mur alors qu’il venait de plus en plus près de leurs
maisons, et il y avait beaucoup de villages, en particulier Budrus
- un des symboles de l'opposition non-violente au Mur – où
nous sommes allés pendant près d’un an pour
arrêter autant que possible la construction.
Nous sommes réellement allés à Budrus presque
chaque semaine pendant longtemps. Chaque jour, on se faisait tirer
dessus. Parfois, des gens étaient tués.
A ce jour, il y a 6 ou 7 Palestiniens qui ont été
tués par l'armée israélienne dans des manifestations
non-violentes contre la barrière.
Ces Palestiniens ont été tués dans les manifestations
à chaque fois que les Israéliens n'étaient
pas là, parce que l'armée n'aime pas utiliser des
balles réelles quand il y a des Israéliens dans le
secteur. Aussi nous agissions un peu comme des boucliers humains.
Ce n'est pas la raison pour laquelle nous étions là,
mais le fait que nous y soyons rendait l'armée un peu moins
violente.
L'armée pense que notre sang est meilleur.
Aaron : Quand un Palestinien est abattu dans une manifestation
non-violente, il tombe sous le radar des médias.
La chose intéressante était que quand l'anarchiste
israélien a été touché à Mas'ha,
cela a attiré les médias israéliens et internationaux
parce que c'était un Israélien qui avait tiré
sur un Israélien.
Comment cette action ce jour-là a changé ce que vous
faisiez en tant qu’Anarchistes et comment le reste d'Israel
vous a vu?
Yossi : Tout d'abord, nous avions toujours pensé : "Nous
sommes Juifs. L’armée ne peut pas nous tirer dessus.
Cela n’arrivera pas".
C'est pour ça qu’il y a eu tant de publicité
dans les médias - l'armée ne pouvait tout simplement
pas tirer sur des Juifs. Les colons font toujours des choses bien
pires que nous . Ils agissent très violemment envers les
soldats, mais personne n’a jamais rêver de leur tirer
dessus.
C'est ce jour-là où j’ai réellement
compris que l'état était mon ennemi. L'armée
est mon ennemi. Je n'ai rien à voir avec l'armée.
Je me suis déjà fait tirer dessus avec des balles
en caoutchouc et du gaz lacrymogène, mais c'était
la première fois que je voyais quelqu'un se faire tirer dessus
avec des balles réelles.
Beaucoup d’entre nous se sont rendus compte que cette armée
et cet état n’étaient pas les nôtres.
Le public israélien et les médias israéliens
nous ont réellement soutenus chaleureusement pendant les
deux premiers jours. Un Juif s’était fait tirer dessus,
ce n’était pas gentil. Les gens pensaient que puisque
nous avions détruit la barrière, nous devrions être
punis pour cela, mais pas en nous tirant dessus.
Comme il y avait de plus en plus de manifestations, de plus en
plus de gens se faisaient tirer dessus, et même des Israéliens
étaient blessés, ce qui a généré
de plus en plus d'attention sur nous dans les médias.
Mais les médias ont commencé à nous traiter
comme des voyous. Ils nous ont accusé d’agir de façon
irresponsable et de nous associer avec des terroristes.
En fait, au cours de l’an dernier, on a pu voir bien plus
de répression contre la Gauche israélienne.
Tali Fahima est un exemple. Elle n'a jamais été dans
le mouvement Anarchiste, mais elle est en prison maintenant pour
avoir fait des choses que pour lesquelles chacun d’entre nous
pourrait aussi être arrêté : être en contact
avec un terroriste, violer une zone militaire fermée, etc...
La répression contre nous devient plus sévère.
L'état nous traine devant les tribunaux, bien qu'ils perdent.
Ils n'ont même pas encore gagné un cas, mais il est
très important pour l'Etat de nous trainer devant les tribunaux
et prenne notre énergie et notre argent.
Aaron : Il y a beaucoup de groupes en Israel qui travaillent dans
le mouvement de la Paix pour mettre un terme l’occupation;
Gush Shalom, Ta Ayush, et La Paix Maintenant sont juste quelques
uns.
Comment les anarchistes diffèrent-ils de ces groupes dans
leurs actions ?
Yossi : Tout d'abord, il y a beaucoup de groupes dans le mouvement
de la Paix qui sont très proches de nous.
Black Laundry, par exemple, est un groupe gay contre l’Occupation
qui travaille beaucoup avec les Anarchistes Contre le Mur et vice
versa.
Ta Ayush est très actif et nous travaillons avec eux. Nous
ne sommes pas organisés de la même manière,
nous ne travaillons pas avec les mêmes méthodes, mais
nous travaillons ensemble.
En termes d’idéologie, nous n'avons pas une liste
de nos demandes. Naturellement, la plupart d'entre nous voudrait
une 'solution de Pas d'Etat'. Nous sommes contre tout type de séparation,
et nous sommes Contre le Mur peu importe où il va être
construit.
Nous sommes aussi contre l'Autorité Palestinienne. Nous
voyons l’Autorité Palestinienne comme un autre outil
de l'oppression.
Nous travaillons avec eux certaines fois, mais nous ne soutenons
pas l’Autorité Palestinienne comme le fait Gush Shalom
.
Nous ne sommes pas d’accord avec eux sur de nombreux points.
Nous agissons différemment de la plupart des groupes vis
à vis de la police. Nous n'informons jamais la police d’une
action.
Mais au bout du compte, nous nous soutenons et nous travaillons
ensemble. Il y a des disputes, mais nous maintenons un dialogue.
Il y a une coalition contre la barrière de la part de nombreux
groupes parmi la Gauche radicale, et il n'y a pas de gros problèmes
à ce sujet.
S'il y a des problèmes cruciaux, toutes ces discussions
sans fin sur l'anarcho-communisme ou l'anarcho-syndicalisme deviennent
insignifiantes. Ca va tout à fait bien en Israel, et la Gauche
radicale agit ensemble à tout moment.
Aaron : Avez-vous des critiques sur la façon dont les autres
groupes de la Gauche israélienne opèrent ?
Yossi : Naturellement! Et ils ont beaucoup de critiques à
notre égard. Ils pourraient dire que les Anarchistes courent
toujours d'un village à un autre, que nous ne sommes pas
organisés, que nous faisons beaucoup de choses imprudentes.
Nous avons les mêmes critiques sur les autres groupes : ils
ne peuvent pas faire du tout des choses spontanées, ils ont
des règles strictes.
Mais cela n'a rien à voir avec le fait que nous travaillons
toujours ensemble.
Aaron : Vous avez mentionné que l'Anarchisme n'est pas une
tradition dans la culture palestinienne.
Comment sentez-vous que l'Anarchisme ait un lien avec la lutte palestinienne?
Yossi : Naturellement, nous sommes toujours dans des manifestations
avec le Hamas, le Jihad islamique, des Nationalistes, des racistes,
et nous combattons à leurs côtés avec les mêmes
objectifs.
Mais il y a toujours un problème : Comment concilions-nous
l'Anarchisme, le droit des animaux, le droit des femmes, et le droit
des gays tout en travaillant avec des gens qui sont contre ?
C'est dur. Nous travaillons avec des Palestiniens tout le temps
et nous disons toujours que nous ne voulons pas d’Etat palestinien.
Je ne combats pas pour un Etat palestinien, je combats pour la fin
de l’occupation et c'est le principal objectif. Et nous ne
sommes pas seuls dans ce combat.
Il y a beaucoup de Palestiniens qui ne sont pas Anarchistes, mais
qui sont à Gauche : des Communistes, des Socialistes.
Il y a tellement de gens qui se battent pour le même objectif;
une solution d'un seul Etat est très proche de notre objectif.
Je pense toujours que la chose principale est de se libérer
de l'oppression de l'autre. Avant que vous vous libériez
de l'oppression de votre propre société, vous devez
vous libérer de l'oppression de l'autre société,
qui est habituellement beaucoup plus cruelle. C'est évident
en Palestine.
D'abord, nous devons mettre un terme à l’occupation
et rendre leurs droits aux Palestiniens. Après ça,
nous pourrons parler de la façon dont nous voulons vivre
ici. Si les Palestiniens choisissaient d'avoir une solution d'un
seul Etat, nous serons avec eux. S'ils choisissaient d'avoir leur
propre état, nous serons avec eux. Nous n'avons rien à
dire à ce sujet. Il y a des Palestiniens qui travaillent
avec nous pour le même type de solution.
Aaron : Ici, vous avez des Anarchistes qui protestent avec le Hamas,
le Fatah, et de nombreuses factions de la lutte palestinienne. Essentiellement,
ils combattent toujours pour le même objectif. Comment voyez-vous
le rôle des Anarchistes ? Pour influencer les Palestiniens
pour qu’ils adoptent une société d'Anarchistes
?
Yossi : Il est important de voir que nous ne travaillons pas en
Palestine pour éduquer. Après tout, nous sommes les
occupants.
Nous ne sommes pas là pour leur dire quoi faire, mais nous
sommes là pour les aider à se libérer de l'oppression
de notre état. C'est notre but principal.
Nous ne sommes pas là pour les éduquer sur le droit
des animaux ou sur les autres choses pour lesquelles nous combattons.
Nous avons des conversations avec eux ou nous les influençons
à un niveau personnel, mais nous ne sommes pas là
en tant que groupe pour les faire changer d'avis.
Nous ne distribuerons jamais de tracts en Arabe pour expliquer
ce qu’est l'Anarchisme et pourquoi ils devraient nous rejoindre,
parce que ce n'est pas notre façon de faire.
Cependant, nous essayons d'influencer quand il s’agit du
droit des femmes. Quand nous parlons avec les villages, nous disons
que nous voulons voir les femmes dans les manifestations.
Les femmes de notre groupe essayent de mettre en place des actions
de femmes avec des Palestiniennes pour impliquer des femmes dans
la lutte contre l’occupation.
Je pense que la principale chose dont nous devons nous souvenir
est que nous ne sommes pas là pour éduquer, parce
que tout pendant qu'ils seront occupés par notre Etat, nous
n'avons aucune raison de venir ici et de prêcher.
Aaron : A titre personnel, qu’est ce que cela signifie pour
vous d’être un anarchiste, mais également d’être
un Juif qui vit dans un Etat Juif?
Yossi : Ouais, il y a quelque chose de drôle dans la question.
Être Juif dans la Diaspora, d’après ce que j’ai
compris, est bien différent. Vous ressentez votre identité
juive.
Mais vous ne ressentez pas cela en Israel. Vous ne vous inquiétez
pas du Judaisme en Israel. Nous disons : « Fuck it ».
C’est comme le Christianisme aux Etats-Unis. Demandez-vous
à des Chrétiens Anarchistes aux Etats-Unis comment
ils ressentent le Christianisme dans leurs vies quotidiennes? Non.
Ils sont athées, ils sont anti-Chrétiens, et ils sont
contre le Christ la plupart du temps.
Mon sentiment ici est que j'ai un certain rapport avec le Judaisme.
Je suis un athée naturellement, mais le Judaisme et l'Hébreu
font partie de ma culture. Ainsi j'ai quelque chose de Juif en moi
comme un Canadien a quelque chose de Canadien en lui. Mais encore,
je ne me sens pas Juif dans sa signification religieuse.
Je ne m'inquiète pas si j'épouserai une juive ou
une non-juive, ou sur "la conservation du Peuple Juif'. Je
n'ai aucun problème avec l'assimilation. Ma culture est une
culture hébreu, une culture israélienne.
Ceci n'a rien à voir du tout avec la religion.
Aaron : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le groupe Black Laundry
et son lien avec la lutte palestinienne et le mouvement Anarchiste?
Yossi : Black Laundry est un groupe qui s’est créé
au début du deuxième Intifada, comme beaucoup d'autres.
Il a été formé à Tel Aviv, juste avant
la pride parade. A la Pride Parade, il y a beaucoup de beaux garçons
qui dansent nus sur des gros camions avec un bon nombre d’entreprises
qui essayent de vous vendre quelque chose. C’est tout à
fait répugnant la plupart du temps, très capitaliste.
C'était la première Pride Parade après le
début de l'Intifada et nous y sommes venus avec le slogan
: 'Aucune fierté dans l’Occupation!'. Nous essayions
de dire qu'il n'y a aucune véritable libération sans
la libération de nos voisins.
Nous, en tant que communauté gay, nous avons un intérêt
dans l’arrêt de l'oppression des autres groupes, et
d'autres groupes ont des intérêts dans l’arrêt
de l'oppression contre nous.
Nous essayons toujours de lier les luttes : Libération des
Palestiniens, droits des Gays, liberté sexuelle, oppression
du corps, oppression capitaliste, droits des animaux...
Nous essayons de connecter tout cela, habituellement en travaillant
d'une façon artistique. Nous essayons de faire une exposition
en dehors de notre travail. Nous travaillons beaucoup à l'intérieur
de la communauté gay au sujet des Palestiniens en leur enseignant
que leur combat fait partie d'un plus grand combat contre l'oppression.
Etre Gays et riches dans le centre de Tel Aviv ne vous libèrent
pas parce que cela ne libère pas votre communauté.
Pour la lutte palestinienne, Black Laundry n'a jamais fait d’actions
à l'intérieur de la Palestine. Les membres de notre
groupe vont toujours aux manifestations palestiniennes, mais nous
n'avons jamais organisé nos propres actions là-bas.
A Mas'ha seulement, il y avait une bonne connection entre nous
et beaucoup de femmes du village, et il y avait les réunions
de quelques femmes avec Black Laundry.
C'est toujours très dur. On ne vous permet pas d'être
Gay dans la culture palestinienne. Je travaille énormément
en Palestine occupée mais ce n'est pas quelque chose que
je mentionnerais dans une manifestation.
Mais encore, je ne suis pas là pour éduquer les Palestiniens
ou pour leur dire comment agir.
Et ce n'est pas qu'Israel soit la société la plus
libérée.
La principale population Gay en Israel qui soit opprimée,
ce sont les Palestino-Israéliens.
Si le Shin Bet (service secret israélien) attrape deux Palestiniens
qui font l’amour dans un parc israélien, ils les forcent
souvent à devenir des collaborateurs en disant que s'ils
ne coopèrent pas, ils le diront à leurs familles.
Parfois, c'est une menace de mort. C’est fréquent que
des Palestiniens Gays soient forcés de devenir des collaborateurs.
Beaucoup d'eux ont fui en Israel, et ils sont ici illégalement,
mais personne ne leur donne des droits de réfugiés.
Quand ils sont pris, ils sont habituellement renvoyés dans
leurs villages. On ne permet même pas à des couples
Gays Palestino-Israéliens de rester ensemble.
Encore une fois, c'est Israel qui n'est pas bien pour les homos.
Beaucoup de juifs homos sont opprimés ici à Jérusalem,
ainsi ce n'est pas comme si la société palestinienne
était sombre et cruelle et que la société israélienne
était ouverte et libre.
Aaron : On entend souvent qu'Israel est remarquablement ouvert
à la culture Gay....
Yossi : Non, c'est le centre de Tel Aviv qui est ouvert aux homos
qui ont de l'argent et qui sont des consommateurs ou font partie
du système. Israel n'est pas ouvert aux homos pauvres qui
viennent des familles Juives-orientales, il n'est pas ouvert aux
Palestiniens, et il n'est pas ouvert aux homos religieux.
Israel peut déclarer une chose, mais habituellement il agit
différemment.
La situation ici ressemble beaucoup à celle des Etats-Unis,
et vous ne diriez pas que les Etats-Unis aiment bien les Gays. Peut-être
San Francisco, mais pas en général.
Source : http://aaron.resist.ca
Traduction : MG pour ISM-France
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