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Objet: (fr) Interview d'un anarchiste israelien
Date: Tue, 22 Feb 2005)
A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S http://www.ainfos.ca/
http://ainfos.ca/index24.html
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Interview : L'Anarchisme israélien : être Jeune, Homo
et Radical sur la Terre Promise Par Aaron Lakoff
Yossi est un jeune résidant de Jérusalem et un membre
du Mouvement International de Solidarité (ISM).Il fait partie
de nombreux mouvements sociaux en Israel et en Palestine, y compris
celui des Anarchistes Contre le Mur et de Black Laundry, un groupe
gay radical.Yossi travaille actuellement à l'Alternative
Information Center (Centre Alternatif de l'Information - AIC).Il
nous parle de l'Anarchisme en Israel, de ses liens avec la lutte
palestinienne, et de la culture anarchiste radicale et de la culture
gay. Aaron : Pouvez-vous me parler du mouvement Anarchiste en Israel
?
Yossi : Bien, l'anarchisme en Israel, ou on peut dire en Palestine,
n'a jamais été un grand mouvement ou un mouvement
populaire.C'est parce que le Sionisme était un mouvement
nationaliste, et la plupart des réfugiés qui sont
venus ici croyaient dans le Nationalisme et dans le Sionisme, et
ils ont soutenu l'idée d'un Etat Juif.Et ils ont choisi de
venir ici et pas dans un autre endroit. Ils ont choisi de venir
en Palestine et d'y établir l'Etat Juif. Donc, l'Anarchisme
leur était très étrange - il ne faisait pas
partie de leur ordre du jour.Bien qu'il y ait eu beaucoup de socialistes
qui soient venus ici, ils étaient en même tempssocialistes
et nationalistes . Ils n'essayaient pas de surmonter les visions
nationalistes du Socialisme. Donc pour des raisons historiques,
l'Anarchisme était insignifiant ici.
Dans la culture palestinienne ou arabe, l'anarchisme n'est pas
non plus bien connu. Ce n'est pas un courant de pensée populaire.
Il n'y a aucun philosophe anarchiste dans la culture arabe.
Aussi, pour ces raisons, nous n'avons pas de contexte historique
depuis le 19ème siècle, ou même depuis le milieu
du 20ème siècle. Les premiers anarchistes qui sont
venus ici en Israel sont repartis vers l'Europe quand ils ont compris
qu'Israel n'était pas le bon endroit pour eux.
Certains anarchistes sont nés dans des familles sionistes
et ont choisi l'anarchisme comme idéologie, mais encore une
fois, c'étaient de tous petits groupes.
Dans les années 60, il y en a eu un peu plus en raison du
mouvement étudiant en Europe, et les gens ont été
influencés par toutes les révolutions à l'extérieur
de la Palestine et d'Israel. Seulement à la fin des années
60 et au début des années 70, on a pu voir de plus
en plus de groupes anarchistes, mais la plupart du temps ils venaient
des mêmes milieux.
Dans les années 80, le mouvement s'est développé
en raison du mouvement punk. Les fans de Punk sont entrés
dans le mouvement anarchiste.
Le mouvement pour les droits des animaux était vraiment important
ici et il l'est toujours et au début, c'était très
anarchiste. Tout ceci s'est produit dans les années 80-90.
On a commencé à avoir de plus en plus de livres et
de brochures sur l'Anarchisme dans les années 90.
A la fin des années 90, beaucoup de gens sont devenus anarchistes
en raison de la vague anti-globalisation qui balayait le monde,
et c'est aussi venu jusqu'en Israel. Jusqu'au début de l'Intifada,
il y avait beaucoup de groupes qui étaient anarchistes, affiliés
anarchistes, ou non-hiérarchiques.
Aaron : Pour revenir à 1948, vous avez mentionné
que des Anarchistes êtes venus en Israel et avaient trouvé
que ce n'était pas un endroit pour eux.
Mais si nous regardons à l'époque d'Emma Goldman,
juste avant 1948, il y avait de grands mouvements Anarchistes Juifs
en Europe et aux Etats-Unis. N'est-il pas étonnant qu'aucun
d'eux ait réussi à pénétrer en Israel
?
Yossi : Ok, le mouvement Anarchiste détestait le mouvement
Sioniste. Il n'y avait pas que des Anarchistes - il y avait aussi
des Communistes.
Beaucoup de communistes sont venus ici et ont découvert que
tous ces slogans socialistes étaient réellement socialistes
seulement pour les Juifs. Il y avait tellement de campagnes racistes.
L'une d'elles était Hebrew Labour (Travaillistes Hébreu)
: "To make capitalist Jews take all the Jewish labour"
(Ndt : Pour faire des Capitalistes, Juifs prenez tout le travail
Juif) et c'était la plus grande campagne du mouvement sioniste
en Palestine.
Les gens sont venus ici et ont constaté que leurs visions
communistes n'avaient rien à voir avec la politique raciste
qu'il y avait ici.
Beaucoup d'entre eux sont partis et sont allés dans des endroits
comme l'Espagne, mais bon nombre d'entre eux n'ont eu pas d'autre
choix que de rester ici en raison d'Hitler et parce qu'ils ne pourraient
pas aller aux Etats-Unis.
Il y a eu quelques anarchistes qui sont venus ici en tant que réfugiés,
mais ils ne voulaient pas venir ici.
On peut le voir tout au long de l'histoire anarchiste qui est tout
à fait juive. Ils étaient très, très
anti-Sionistes ? ils critiquaient toujours le mouvement sioniste,
en disant qu'il ne répondait pas aux problèmes des
Juifs.
Aaron : Vous avez mentionné différents sujets dans
lesquels les Anarchistes en Israel ont été impliqués
au cours des décennies, et puis vous avez mentionné
l'Intifada. Alors récemment, il s'est créé
les Anarchistes Contre le Mur. Pouvez-vous me parler un peu de ce
groupe et ce que vous faites ?
Yossi : Quand l'Intifada est apparu, il y a eu deux processus qui
se sont déroulé en même temps. La Gauche traditionnelle,
que nous appelons en Israel la Gauche Sioniste, est devenue de plus
en plus à Droite.
Ils ont commencé à montrer de nouveau leur véritable
visage raciste. En même temps, la Gauche radicale est devenue
de plus en plus radicalisée.
On peut dire que la Gauche traditionnelle et la Gauche radicale
se sont polarisées.
Ce processus a entrainé plus d'actions de la part de la Gauche
radicale.
Pendant l'ère Oslo, la Gauche radicale était devenue
beaucoup plus silencieuse. Aujourd'hui, depuis le début du
second Intifada, il y a une manifestation presque tous les jours.
Beaucoup de nouveaux mouvements se sont créés et travaillent
vraiment dur contre la situation.
Toute cette énergie, et des gens qui vont voir ce qui se
passe dans les Territoires Occupés, ont rendu davantage de
gens hostiles à l'Etat. Les gens pouvaient voir que l'Etat
était l'ennemi quand l'Etat vous tire dessus. Il cesse d'être
théorique, et cela devient bien plus vivant de voir le véritable
visage de l'Etat.
Quand la construction du Mur de l'Apartheid a commencé en
2002 et 2003, beaucoup de gens ? très jeunes, des punks,
des gays, des lesbiennes, et des transexuels de Tél-Aviv
- sont venus dans un village en Palestine.
C'était un village très conservateur, mais ils ont
été invités par le village à venir et
à construire une tente de la Paix contre le mur.C'était
à Mas'ha. Cela a dûré 5 mois, et les Israéliens
et les Internationaux ont réalisé ce qui se passait
avec la barrière, ce que c'était, où elle allait
être construite, etc...
Tout au long de ces 5 mois, une chose nouvelle est arrivée
à la Gauche radicale. C'était la première fois
que nous rencontrions quotidiennement des Palestiniens et que nous
vivions avec eux. C'était aussi une chose nouvelle pour les
Palestiniens. C'était vraiment un endroit de dialogue.
De cela est ressorti un lien très étroit entre les
Anarchistes Juifs et les Palestiniens. Naturellement les Anarchistes
étaient toujours contre l'occupation et l'oppression de l'Etat
Sioniste, mais je crois que ce camp a introduit ces questions dans
nos vies quotidiennes. Je pense que c'était les premiers
pas des Anarchistes Contre le Mur.
Lors des derniers jours du camp, nous avons commencé à
faire des actions.
Nous avons effectué des actions directes contre le mur dans
d'autres villages. Nous avons essayé d'arrêter la construction
du mur à Mas'ha et le camp a été détruit
par l'armée. Ils nous ont ordonnés ne jamais revenir
là-bas. C'était le début d'un groupe d'actions
directes qui était organisé anarchiquement, sans hiérarchie,
et directement démocratique.Nous avons commencé à
faire de plus en plus d'actions dans les villages partout en Palestine
et tout le long du tracé du mur.
Puis, il y a eu une nouvelle action à Mas'ha quand l'un des
Anarchistes Contre le Mur a été reçu des balles
dans les jambes.Il était sérieusement blessé
et il a failli mourir lors de son transport à l'hôpital.
C'était fin décembre 2003. Avant ce jour-là,
le groupe changeait toujours de nom.
Lors d'une action, nous étions les "Juifs contre les
Ghettos", un autre jour, c'était : "le Goupe de
Mas'ha", nous n'étions pas attachés à
un nom.
Mais ce jour-là, nous utilisions le nom des "Anarchistes
contre les Barrières".
Nous avons eu beaucoup de médias ce jour-là, bien
plus que nous n'en avions eu auparavant. Les médias étaient
vraiment intéressés par nous.
Les gens ont commencé réellement à se demander
ce qu'était l'Anarchisme.
Ce n'était pas très connu en Israel - les gens connaissaient
le mot, mais ils ne savaient pas ce qu'il signifiait.
Après cette action, nous sommes devenus beaucoup plus actifs
dans le combat contre le mur ou contre l'occupation parce que beaucoup
de villages palestiniens commençaient à savoir qu'il
y avait un groupe israélien qui venait et faisait des choses
en Palestine.
Les Palestiniens ont commencé à se rebeller contre
le mur alors qu'il venait de plus en plus près de leurs maisons,
et il y avait beaucoup de villages, en particulier Budrus - un des
symboles de l'opposition non-violente au Mur ? où nous sommes
allés pendant près d'un an pour arrêter autant
que possible la construction.
Nous sommes réellement allés à Budrus presque
chaque semaine pendant longtemps. Chaque jour, on se faisait tirer
dessus. Parfois, des gens étaient tués.
A ce jour, il y a 6 ou 7 Palestiniens qui ont été
tués par l'armée israélienne dans des manifestations
non-violentes contre la barrière. Ces Palestiniens ont été
tués dans les manifestations à chaque fois que les
Israéliens n'étaient pas là, parce que l'armée
n'aime pas utiliser des balles réelles quand il y a des Israéliens
dans le secteur. Aussi nous agissions un peu comme des boucliers
humains. Ce n'est pas la raison pour laquelle nous étions
là, mais le fait que nous y soyons rendait l'armée
un peu moins violente. L'armée pense que notre sang est meilleur.
Aaron : Quand un Palestinien est abattu dans une manifestation
non-violente, il tombe sous le radar des médias. La chose
intéressante était que quand l'anarchiste israélien
a été touché à Mas'ha, cela a attiré
les médias israéliens et internationaux parce que
c'était un Israélien qui avait tiré sur un
Israélien. Comment cette action ce jour-là a changé
ce que vous faisiez en tant qu'Anarchistes et comment le reste d'Israel
vous a vu ?
Yossi : Tout d'abord, nous avions toujours pensé : "Nous
sommes Juifs.
L'armée ne peut pas nous tirer dessus. Cela n'arrivera pas".
C'est pour ça qu'il y a eu tant de publicité dans
les médias - l'armée ne pouvait tout simplement pas
tirer sur des Juifs. Les colons font toujours des choses bien pires
que nous . Ils agissent très violemment envers les soldats,
mais personne n'a jamais rêver de leur tirer dessus.
C'est ce jour-là où j'ai réellement compris
que l'Etat était mon ennemi.
L'armée est mon ennemi. Je n'ai rien à voir avec l'armée.
Je me suis déjà fait tirer dessus avec des balles
en caoutchouc et du gaz lacrymogène, mais c'était
la première fois que je voyais quelqu'un se faire tirer dessus
avec des balles réelles. Beaucoup d'entre nous se sont rendus
compte que cette armée et cet état n'étaient
pas les nôtres.
Le public israélien et les médias israéliens
nous ont réellement soutenus chaleureusement pendant les
deux premiers jours. Un Juif s'était fait tirer dessus, ce
n'était pas gentil. Les gens pensaient que puisque nous avions
détruit la barrière, nous devrions être punis
pour cela, mais pas en nous tirant dessus.
Comme il y avait de plus en plus de manifestations, de plus en plus
de gens se faisaient tirer dessus, et même des Israéliens
étaient blessés, ce qui a généré
de plus en plus d'attention sur nous dans les médias.
Mais les médias ont commencé à nous traiter
comme des voyous. Ils nous ont accusé d'agir de façon
irresponsable et de nous associer avec des terroristes.
En fait, au cours de l'an dernier, on a pu voir bien plus de répression
contre la Gauche israélienne.
Tali Fahima est un exemple. Elle n'a jamais été dans
le mouvement Anarchiste, mais elle est en prison maintenant pour
avoir fait des choses que pour lesquelles chacun d'entre nous pourrait
aussi être arrêté : être en contact avec
un terroriste, violer une zone militaire fermée, etc...
La répression contre nous devient plus sévère.
L'état nous traine devant les tribunaux, bien qu'ils perdent.
Ils n'ont même pas encore gagné un cas, mais il est
très important pour l'Etat de nous trainer devant les tribunaux
et prenne notre énergie et notre argent.
Aaron : Il y a beaucoup de groupes en Israel qui travaillent dans
le mouvement de la Paix pour mettre un terme l'occupation; Gush
Shalom, Ta Ayush, et La Paix Maintenant sont juste quelques uns.Comment
les anarchistes diffèrent-ils de ces groupes dans leurs actions
?
Yossi : Tout d'abord, il y a beaucoup de groupes dans le mouvement
de la Paix qui sont très proches de nous.
Black Laundry, par exemple, est un groupe gay contre l'Occupation
qui travaille beaucoup avec les Anarchistes Contre le Mur et vice
versa. Ta Ayush est très actif et nous travaillons avec eux.
Nous ne sommes pas organisés de la même manière,
nous ne travaillons pas avec les mêmes méthodes, mais
nous travaillons ensemble.
En termes d'idéologie, nous n'avons pas une liste de nos
demandes.
Naturellement, la plupart d'entre nous voudrait une 'solution de
Pas d'Etat'. Nous sommes contre tout type de séparation,
et nous sommes Contre le Mur peu importe où il va être
construit.
Nous sommes aussi contre l'Autorité Palestinienne. Nous voyons
l'Autorité Palestinienne comme un autre outil de l'oppression.
Nous travaillons avec eux certaines fois, mais nous ne soutenons
pas l'Autorité Palestinienne comme le fait Gush Shalom .
Nous ne sommes pas d'accord avec eux sur de nombreux points. Nous
agissons différemment de la plupart des groupes vis à
vis de la police.
Nous n'informons jamais la police d'une action.
Mais au bout du compte, nous nous soutenons et nous travaillons
ensemble.
Il y a des disputes, mais nous maintenons un dialogue. Il y a une
coalition contre la barrière de la part de nombreux groupes
parmi la Gauche radicale, et il n'y a pas de gros problèmes
à ce sujet. S'il y a des problèmes cruciaux, toutes
ces discussions sans fin sur l'anarcho-communisme ou l'anarcho-syndicalisme
deviennent insignifiantes.
Ca va tout à fait bien en Israel, et la Gauche radicale agit
ensemble à tout moment.
Aaron : Avez-vous des critiques sur la façon dont les autres
groupes de la Gauche israélienne opèrent ?
Yossi : Naturellement! Et ils ont beaucoup de critiques à
notre égard.
Ils pourraient dire que les Anarchistes courent toujours d'un village
à un autre, que nous ne sommes pas organisés, que
nous faisons beaucoup de choses imprudentes.
Nous avons les mêmes critiques sur les autres groupes : ils
ne peuvent pas faire du tout des choses spontanées, ils ont
des règles strictes. Mais cela n'a rien à voir avec
le fait que nous travaillons toujours ensemble.
Aaron : Vous avez mentionné que l'Anarchisme n'est pas une
tradition dans la culture palestinienne. Comment sentez-vous que
l'Anarchisme ait un lien avec la lutte palestinienne?
Yossi : Naturellement, nous sommes toujours dans des manifestations
avec le Hamas, le Jihad islamique, des Nationalistes, des racistes,
et nous combattons à leurs côtés avec les mêmes
objectifs.
Mais il y a toujours un problème : Comment concilions-nous
l'Anarchisme, le droit des animaux, le droit des femmes, et le droit
des gays tout en travaillant avec des gens qui sont contre ?
C'est dur. Nous travaillons avec des Palestiniens tout le temps
et nous disons toujours que nous ne voulons pas d'Etat palestinien.
Je ne combats pas pour un Etat palestinien, je combats pour la fin
de l'occupation et c'est le principal objectif. Et nous ne sommes
pas seuls dans ce combat.
Il y a beaucoup de Palestiniens qui ne sont pas Anarchistes, mais
qui sont à Gauche : des Communistes, des Socialistes. Il
y a tellement de gens qui se battent pour le même objectif;
une solution d'un seul Etat est très proche de notre objectif.
Je pense toujours que la chose principale est de se libérer
de l'oppression de l'autre. Avant que vous vous libériez
de l'oppression de votre propre société, vous devez
vous libérer de l'oppression de l'autre société,
qui est habituellement beaucoup plus cruelle. C'est évident
en Palestine.
D'abord, nous devons mettre un terme à l'occupation et rendre
leurs droits aux Palestiniens. Après ça, nous pourrons
parler de la façon dont nous voulons vivre ici. Si les Palestiniens
choisissaient d'avoir une solution d'un seul Etat, nous serons avec
eux. S'ils choisissaient d'avoir leur propre état, nous serons
avec eux. Nous n'avons rien à dire à ce sujet. Il
y a des Palestiniens qui travaillent avec nous pour le même
type de solution.
Aaron : Ici, vous avez des Anarchistes qui protestent avec le Hamas,
le Fatah, et de nombreuses factions de la lutte palestinienne.
Essentiellement, ils combattent toujours pour le même objectif.
Comment voyez-vous le rôle des Anarchistes ? Pour influencer
les Palestiniens pour qu'ils adoptent une société
d'Anarchistes ?
Yossi : Il est important de voir que nous ne travaillons pas en
Palestine pour éduquer. Après tout, nous sommes les
occupants.
Nous ne sommes pas là pour leur dire quoi faire, mais nous
sommes là pour les aider à se libérer de l'oppression
de notre état. C'est notre but principal.
Nous ne sommes pas là pour les éduquer sur le droit
des animaux ou sur les autres choses pour lesquelles nous combattons.
Nous avons des conversations avec eux ou nous les influençons
à un niveau personnel, mais nous ne sommes pas là
en tant que groupe pour les faire changer d'avis.
Nous ne distribuerons jamais de tracts en Arabe pour expliquer ce
qu'est l'Anarchisme et pourquoi ils devraient nous rejoindre, parce
que ce n'est pas notre façon de faire.
Cependant, nous essayons d'influencer quand il s'agit du droit des
femmes. Quand nous parlons avec les villages, nous disons que nous
voulons voir les femmes dans les manifestations.
Les femmes de notre groupe essayent de mettre en place des actions
de femmes avec des Palestiniennes pour impliquer des femmes dans
la lutte contre l'occupation.
Je pense que la principale chose dont nous devons nous souvenir
est que nous ne sommes pas là pour éduquer, parce
que tout pendant qu'ils seront occupés par notre Etat, nous
n'avons aucune raison de venir ici et de prêcher.
Aaron : A titre personnel, qu'est ce que cela signifie pour vous
d'être un anarchiste, mais également d'être un
Juif qui vit dans un Etat Juif?
Yossi : Ouais, il y a quelque chose de drôle dans la question.
Être Juif dans la Diaspora, d'après ce que j'ai compris,
est bien différent. Vous ressentez votre identité
juive.
Mais vous ne ressentez pas cela en Israel. Vous ne vous inquiétez
pas du Judaisme en Israel. Nous disons : « Fuck it ».
C'est comme le Christianisme aux Etats-Unis. Demandez-vous à
des Chrétiens Anarchistes aux Etats-Unis comment ils ressentent
le Christianisme dans leurs vies quotidiennes? Non. Ils sont athées,
ils sont anti-Chrétiens, et ils sont contre le Christ la
plupart du temps.
Mon sentiment ici est que j'ai un certain rapport avec le Judaisme.
Je suis un athée naturellement, mais le Judaisme et l'Hébreu
font partie de ma culture. Ainsi j'ai quelque chose de Juif en moi
comme un Canadien a quelque chose de Canadien en lui. Mais encore,
je ne me sens pas Juif dans sa signification religieuse.
Je ne m'inquiète pas si j'épouserai une juive ou une
non-juive, ou sur "la conservation du Peuple Juif'. Je n'ai
aucun problème avec l'assimilation. Ma culture est une culture
hébreu, une culture israélienne. Ceci n'a rien à
voir du tout avec la religion.
Aaron : Pouvez-vous expliquer ce qu'est le groupe Black Laundry
et son lien avec la lutte palestinienne et le mouvement Anarchiste?
Yossi : Black Laundry est un groupe qui s'est créé
au début du deuxième Intifada, comme beaucoup d'autres.
Il a été formé à Tel Aviv, juste avant
la pride parade. A la Pride Parade, il y a beaucoup de beaux garçons
qui dansent nus sur des gros camions avec un bon nombre d'entreprises
qui essayent de vous vendre quelque chose. C'est tout à fait
répugnant la plupart du temps, très capitaliste.
C'était la première Pride Parade après le début
de l'Intifada et nous y sommes venus avec le slogan : 'Aucune fierté
dans l'Occupation!'. Nous essayions de dire qu'il n'y a aucune véritable
libération sans la libération de nos voisins.
Nous, en tant que communauté gay, nous avons un intérêt
dans l'arrêt de l'oppression des autres groupes, et d'autres
groupes ont des intérêts dans l'arrêt de l'oppression
contre nous.
Nous essayons toujours de lier les luttes : Libération des
Palestiniens, droits des Gays, liberté sexuelle, oppression
du corps, oppression capitaliste, droits des animaux...
Nous essayons de connecter tout cela, habituellement en travaillant
d'une façon artistique. Nous essayons de faire une exposition
en dehors de notre travail. Nous travaillons beaucoup à l'intérieur
de la communauté gay au sujet des Palestiniens en leur enseignant
que leur combat fait partie d'un plus grand combat contre l'oppression.
Etre Gays et riches dans le centre de Tel Aviv ne vous libèrent
pas parce que cela ne libère pas votre communauté.
Pour la lutte palestinienne, Black Laundry n'a jamais fait d'actions
à l'intérieur de la Palestine. Les membres de notre
groupe vont toujours aux manifestations palestiniennes, mais nous
n'avons jamais organisé nos propres actions là-bas.
A Mas'ha seulement, il y avait une bonne connection entre nous et
beaucoup de femmes du village, et il y avait les réunions
de quelques femmes avec Black Laundry.C'est toujours très
dur. On ne vous permet pas d'être Gay dans la culture palestinienne.
Je travaille énormément en Palestine occupée
mais ce n'est pas quelque chose que je mentionnerais dans une manifestation.
Mais encore, je ne suis pas là pour éduquer les Palestiniens
ou pour leur dire comment agir.
Et ce n'est pas qu'Israel soit la société la plus
libérée.
La principale population Gay en Israel qui soit opprimée,
ce sont les Palestino-Israéliens. Si le Shin Bet (service
secret israélien) attrape deux Palestiniens qui font l'amour
dans un parc israélien, ils les forcent souvent à
devenir des collaborateurs en disant que s'ils ne coopèrent
pas, ils le diront à leurs familles. Parfois, c'est une menace
de mort. C'est fréquent que des Palestiniens Gays soient
forcés de devenir des collaborateurs.
Beaucoup d'eux ont fui en Israel, et ils sont ici illégalement,
mais personne ne leur donne des droits de réfugiés.
Quand ils sont pris, ils sont habituellement renvoyés dans
leurs villages. On ne permet même pas à des couples
Gays Palestino-Israéliens de rester ensemble.
Encore une fois, c'est Israel qui n'est pas bien pour les homos.
Beaucoup de juifs homos sont opprimés ici à Jérusalem,
ainsi ce n'est pas comme si la société palestinienne
était sombre et cruelle et que la société israélienne
était ouverte et libre.
Aaron : On entend souvent qu'Israel est remarquablement ouvert
à la culture Gay....
Yossi : Non, c'est le centre de Tel Aviv qui est ouvert aux homos
qui ont de l'argent et qui sont des consommateurs ou font partie
du système.
Israel n'est pas ouvert aux homos pauvres qui viennent des familles
Juives-orientales, il n'est pas ouvert aux Palestiniens, et il n'est
pas ouvert aux homos religieux.
Israel peut déclarer une chose, mais habituellement il agit
différemment.
La situation ici ressemble beaucoup à celle des Etats-Unis,
et vous ne diriez pas que les Etats-Unis aiment bien les Gays. Peut-être
San Francisco, mais pas en général.
--- Aaron Lakoff (1) est membre de l?International Solidarity Movement
et journaliste pour la radio CKUT de Montreal.
Il voyage actuellement et travaille dans toute la Palestine.
Pour voir ces précédents témoignages et ses
photos : http://aaron.resist.ca
Notes issues de la publication en anglais sur www.ainfos.ca
:
(1) Aaron Lakoff est sympathisant du courant anarchiste avec un
petit "a".
(2) Depuis le début des années 70 tôt, et jusqu'à
la fin des années 90, les anarchistes israéliens étaient
en contact, et collaboraient occasionnellement avec des personnes
du 'Matspen 'communiste libertaire israélien qui avait commencé
quelques années plutôt (début des années
60).
Provenance : http://www.endehors.org/
& http://www.ism-france.org/
Source : http://www.ainfos.ca/en
et http://aaron.resist.ca
Traduction : MG pour ISM-France
****** Agence de Presse A-Infos ******
Information d'intérêt pour et au sujet des anarchistes
INFO: http://ainfos.ca/org
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