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Origine : Echange mail
“ Celui qui fait au peuple de fausses légendes
révolutionnaires,
celui qui l’amuse d’histoires chantantes, est aussi
criminel
que le géographe qui dresserait des cartes menteuses pour
les navigateurs ”
Lissagaray P.O, 1896, “ Histoire de la commune de 1871 ”,
Préface
La démocratie a cessé d’être un but pour
devenir une évidence. Sa mise en oeuvre dans un « tissu
associatif » considéré comme une illustration
des vigueurs citoyennes et foyer de démocratisation mériterait
d’être étudié de près. Nous relatons
ici une expérience d’analyse interne collective débutée
il y a plus d’un an, et toujours en cours, menée en
tant qu’adhérents impliqués dans un Système
d’Echange Local , le SEL (X). Nous partons de nos convictions
pour interroger l’association dans son fonctionnement (Partie
A) et tenter de poser à plat l’imaginaire groupal qui
la structure (Partie B). Nos hypothèses décrivent
un collectif où la résurgence des mécanismes
du capitalisme bureaucratique se fonde sur une idéologie
alliant systémique et New Age où l’échange
interindividuel magnifié permet d’articuler une conception
machinique de l’organisation (économie, management,
technologie) avec une spiritualité désengagée
et pacificatrice (Partie C). Le déploiement de ces significations
imaginaires sociales à l’intérieur d’une
composante importante du mouvement “ altermondialiste ”
renvoie à l’état actuel des forces contestataires,
sujettes à la récupération, à l’équivoque
des questions “ écologiques ” et au déferlement
technologique incontrôlé (Partie D). La profondeur
et l’ampleur de ces évolutions les font grosses de
nouvelles hétéronomies en face desquelles les constructions
d’alternatives de terrain, aujourd’hui promues à
juste titre, ne peuvent faire l’économie d’un
travail permanent et lucide sur leur propre institution (Partie
E). Dans cette perspective, ce travail se veut un appel à
des analyses internes généralisées, dont les
fondements théoriques et pratiques sont à élaborer,
posant comme à sauver une posture anthropologique de critique
collective sans complaisance.
Evidences démocratiques et clôture des collectifs
Il y a souvent, lorsqu’il est question de démocratie,
un double sentiment d’évidence : évidence de
sa supériorité intrinsèque, culturelle et historique,
que vient prouver sa survie après le douloureux XXième
siècle et sa propagation actuelle à l’ensemble
de la planète, mais également évidence de ses
insuffisances permanentes et des logomachies perpétuelles
qui l’accompagnent, qui en font, au final, un rêve à
la fois inaccessible et trivial. Bref, comme le disait W.Churchill,
c’est “ le pire des régimes à l’exception
de tous les autres ”. On peut - on doit - avec C.Castoriadis,
y opposer d’autres évidences, moins répandues
: que la civilisation occidentale ne semble avoir su qu’exporter
l’accumulation sans fin des marchandises et la destruction
systématique de tout ce qui l’entrave ; que la “
survie ” de nos sociétés est due, pour l’essentiel,
à des traits échappant, encore, à l’emprise
de cet imaginaire capitaliste, et qu’elle est, ostensiblement,
chaque jour un peu plus précaire ; que la démocratie
est avant tout le versant politique d’une brisure incessante
de la clôture de la pensée, d’un projet d’émancipation
historiquement et culturellement situé et, qu’en tant
que tel, elle n’a rien d’inéluctable ni d’universel
; que les précieuses caractéristiques instituées
qu’on lui croit propre (représentativité électorale,
droits de l’Homme,..) sont des formes héritées
et/ou défensives que rien ne vient plus irriguer ; et qu’enfin,
tout laisse croire à la disparition, depuis une cinquantaine
d’années, des forces qui portaient l’occident
dès le XIIIième siècle dans son projet d’auto-institution
explicite, d’interrogation critique permanente, de création
de formes sociales permettant cette recherche d’autonomie
individuelle et collective.
Ce retrait des populations dans l’apathie et le conformisme,
que masquent les “ évidences démocratiques ”,
à largement à voir avec le phénomène
bureaucratique tel qu’il s’est généralisé
durant le siècle dernier à toutes les sphères
de la vie sociale, et particulièrement les organisations
politiques. Le mécanisme d’auto-entretien est bien
connu ; la confiscation du pouvoir par un appareil anonyme légitimé
par le désengagement concomitant de la base, une hiérarchie
pyramidale sclérosée au nom de l’organisation
rationnelle, la disparition progressive, pour celle-ci, de toute
finalité hors son maintien propre, la dépossession
pour l’individu de ses actes, et sa prise en tenaille dans
des contradictions insurmontables. Les nombreuses analyses dont
il a fait l’objet, notamment à travers la paroxystique
aventure russe, et qui ont dégagés l’alternative
autogestionnaire, ont été recouvertes depuis par le
vieux “ réalisme ” représentatif, le participationnisme
et l’idéologie manageriale. Cette résignation
rationalisée se traduit par une désertion durable
et massive des lieux de paroles politiques, qui n’est que
la face visible du piétinement dramatique que représente
aujourd’hui l’organisation interne des collectifs.
Des appels et des travaux contemporains posent pertinemment la
question d’une démocratie participative, ou associationniste
(Hirst 1998 p.ex.). Saluant les réflexions et les pratiques
qui s’y consacrent, nous pensons que la question est bien
moins celle d’une juste formule organisationnelle à
trouver que celle des possibilités, pour un groupe, de mener
des analyses permanentes et collectives de sa propre institution
; Notre objectif est de créer un outil collectif permettant
de construire un mouvement d’articulation permanent entre
des moments d’analyses collectives capables de fournir à
l’organisation des éléments de description sur
ses processus d’auto-institution, et des moments de participation
pleine aux différents moments de la vie de l’organisation.
Nous nous inscrivons donc dans une démarche de recherche-action
(Barbier, 1996), relevant plus précisément de l’analyse
institutionnelle (Hess, Savoye 1993, pour une synthèse ).
Ne répondant à aucune demande explicite de l’institution,
étant l’un et l’autre impliqués a priori
dans la structure étudiée, nous pourrions qualifier
notre approche comme relevant de l’observation participante
(ou de “ socianalyse participante ”) complète
(Lapassade 1991), autre nom de l’analyse interne (Boumard
1989). L’enjeu de celle-ci est de travailler sur l’institution,
ici entendue comme le soubassement imaginaire de tout collectif
constitué (Giust-Desprairies 2003), mode sur lequel celui-ci
opère le mouvement de sa propre clôture, fait être
son ordre hétéronomique qui soustrait à l’espace
public du débat les enjeux contradictoires qui le traversent.
Ces quelques lignes d’introduction présentent brièvement
nos positions théoriques, dont la mobilisation à l’intérieur
d’un dispositif doit révéler celles de l’association.
En voulant mêler sociologie et politique, distance et implication,
recherche savante et savoirs profanes, la démarche semble
cumuler les difficultés et les risques. D’un bout à
l’autre, ce texte porte la marque de nos tâtonnements
hybrides, et nous espérons que le laborieux de la lecture
ne découragera ni l’attention portée, ni le
regard critique.
A. - Les cinq phases de l’institution de notre dispositif
d’analyse interne
Membres de l’association SEL (X) depuis trois et deux an,
l’un de nous étant membre du CA et trésorier
en second mandat, nous créons le “ pôle SELanalyse
” en septembre 2003 dans le but d’“ étudier
ce qui se passe dans un SEL : Objectifs, moyens, résultats,
évolutions, dérives, esprit et pratiques, bilans,
… ” . Le dispositif, modifiable, est constitué
d’une réunion gérée par les participants
(organisation, contenu de l’ordre du jour, reconduction, horaires,
etc...), dont un volontaire peut rédiger un compte-rendu
qui, avalisé par le groupe, est proposé à publication
dans le bulletin interne de l’association. Ce sont ces traces
écrites qui détermineront pour beaucoup les rapports
entre le “ pôle ” et l’association. Leur
évolution sur un peu plus d’un an (d’octobre
2003 à février 2005), que nous découpons, pour
fixer les idées, en cinq phases, dessine en creux le dérangement
provoqué, dont nous analyserons plus loin les modalités.
1. La phase état de grâce, ne dura que le temps de
la première réunion, où six membres impliqués
- élus ou ex-élus du CA - furent présents,
venus autant pour sonder que pour encourager une “ nouvelle
initiative ”, qui semble répondre à un besoin
explicite et récurent de débat . Se posa “ la
question de l’huissier ” qui divisait l’association
: peu après sa création, en 1996, le SEL (X) vécu
une “ personnalisation ” forte du pouvoir autour de
deux leaders, membres fondateurs, qui confisquèrent les décisions,
verrouillèrent l’information, anesthésièrent
les lieux de délibération tout en dynamisant l’association
autour de projets aussi ambitieux que peu discutés. Cet “
Ancien Régime ”, comme il est aujourd’hui appelé,
pris fin, comme de juste, par une “ révolution ”
en assemblée générale en décembre 2001,
menée par une liste “ d’opposants ” , et
où une douzaine d’adhérents avaient convoqué
un huissier de justice afin de garantir le respect des statuts.
Depuis, les “ requérants ” exigent de régler
les frais de cette intervention avec les fonds de l’association,
tandis que les autres renvoient les intéressés à
leur propre initiative : au-delà du simple aspect financier,
la discussion souleva la confiance que chacun a ou n’a pas
quant à la capacité de l’association de s’auto-gouverner,
et, au-delà, la “ question (...) de savoir comment
quelques personnes ont pu, en toute impunité, prendre durablement
le contrôle du SEL (X), qui compte plusieurs centaines d’adhérents
adultes ” , comme nous l’écrivons dans le compte-rendu
de la réunion. Ce dernier ne fut pas commenté par
les participants, mais tronqué de la moitié à
la demande du responsable du “ comité collégial
de rédaction ” du bulletin interne, qui souhaitait
une version plus “ soft ” concernant cette “ question
brûlante ”.
2.
3. Cet événement inaugura la phase agonistique, caractérisée
par une participation moindre aux réunions (deux personnes
en moyenne, soit une dizaine de personnes sur huit mois, dont une
seule revient épisodiquement) et des censures partielles,
successives et inexpliquées des comptes-rendus. Ceux-ci évoquent
la liberté d’expression, la difficulté de constituer
un collectif, les accrochages dus à la surimplication et
au “ surtravail ”, l’ “ (In)utilité,
(in)efficacité et (im)pertinence de la monnaie dans les SELs
en général et dans le nôtre en particulier ”,
les “ processus de bureaucratisation par l'installation de
permanents "salariés" ”, la “ nécessaire
implication de tous et la culpabilisation des nouveaux par les anciens
”, la confusion entre “ débats de fonds [et]
règlements de compte personnels ”, le passage de “
l’exclusion d'un appareil technobureaucratique à l'auto
exclusion de membres fortement impliqués ”, “
une stratégie consumériste défendable : rester
à distance pour éviter tout enlisement dans de stériles
conflits idéologico-personnels ” , l’impossibilité
de planifier la convivialité, etc... Nous retrouvant seuls,
au bout de quelques mois, nous diagnostiquons : “ Il semblerait
que notre pôle répète les phénomènes
classiques, dont le SEL lui-même est victime : comme souvent,
une initiative saluée et accompagnée dans ses débuts
se voit “ désertée ” par la suite. (...)
Comme de juste, l’état de grâce de notre pôle
débutant semble avoir pris fin (à lier avec les malentendus
par mails interposés, la place décroissante donnée
aux CR dans le bulletin interne…), dans un contexte de bureaucratisation
de l’association (...) Semble alors s’ouvrir une période
mature de travail (...). ” . Nous rédigeons en juin
2004 un texte proposant l’hypothèse d’une résurgence
des mécanismes du capitalisme bureaucratique au sein de l’association
(création d’un impôt, existence d’un salariat
en unité locale, fétichisation de celle-ci...) : “
Il apparaît que [l’] association soit en voie de reproduire
les mécanismes contre lesquels elle est censée lutter
”. En février 1999, le CA décide d’octroyer
aux nouveaux adhérents un “ cadeau de bienvenue ”
d’un montant de 500 unités locales, tandis que parallèlement,
pour mettre fin au bénévolat (trop “ judéo-chrétien
”), la décision est prise de rémunérer,
toujours en unités locales, les trop rares volontaires qui
oeuvrent pour l’association (photocopies, travail informatique,
saisie des bons d’échanges de comptabilité,
permanences, ect..). Cette monnaie étant créée
ex nihilo, le solde global des comptes des adhérents n’est
plus nul, comme l’exige le fonctionnement normal d’un
SEL, mais excédentaire de 600.000 unités locales .
Afin de pallier cette “ menace inflationniste ”, se
met en place un prélèvement trimestriel sur tous les
comptes. Nous analysons “ [L’unité locale] n’est
plus un simple moyen ‘affectivement neutre’ de se rencontrer
et d’échanger nos richesses, il devient peu à
peu chargé d’un imaginaire ‘positif’, symbolisant
la richesse elle-même (...) Pour pallier le manque d’investissement
des adhérents dans l’organisation, on recrée
une forme de salariat à l’heure, qui risque, au mieux,
de renforcer le sentiment d’extériorité face
aux décisions et aux tâches, au pire de concentrer
plus encore la monnaie entre les mains de quelques-uns. Son financement
par un impôt contribue à légitimer les soldes
positifs en les rapprochant de la moyenne des comptes, et à
discréditer les soldes négatifs en les marginalisant
[ : chaque adhérent étant tenu de se maintenir dans
une fourchette, d’ailleurs laxiste pour les comptes positifs].
(...) Chacun veut s’insurger contre l’hégémonie
économique, mais le SEL reprend à son compte les réflexes
dominants : répondre aux problèmes politiques par
des mesures monétaires, donc recréer un homo oeconomicus
motivé par le calcul rationnel de ses intérêts
financiers. ” .
4.
5. La censure totale de ce texte, ouvrant la phase crisique, donna
lieu à de vifs échanges en CA, accompagna la décision
d’organiser un “ grand débat ” à
la rentrée, provoqua la suspension momentanée du bulletin
interne par la démission du responsable, et suscita quelques
textes de réponses.
6.
7. Cet interlude très bref ne dura que le temps d’un
été, pour laisser place à une phase de blocage,
où les réunions du pôle n’aboutirent à
rien, les débats prévus au sein de l’association
furent mort-nés, et les tensions se multiplièrent
dans l’association et au CA.
8.
9. Il semble se dessiner depuis quelques mois une phase de normalisation,
avec la formation d’un noyau dur au sein des réunions
“ SELanalyse ” (tout en produisant moins de comptes-rendus
- régulièrement censurés -) qui s’est
donné quelques projet pour l’année : élaborer
une bibliographie sur “ l’économie solidaire
” pour introduire les discussions, rédiger un article
commun sur les problèmes rencontrés dans l’association
pour une revue de quartier et mener des entretiens enregistrés
auprès des adhérents.
10.
B. - Un dérangement qui révèle trois
conflits de significations
C.
Hormis cette dernière phase sur laquelle nous reviendrons,
cette évolution entre l’association et les membres
successifs du “ pôle ” semble dessiner une ligne
de partage entre deux imaginaires, qu’on peut matérialiser
à travers trois “ points de contacts ”.
1. - Simple transparence ou réalités à élaborer
? Malgré l’adoption d’un style télégraphique
et humoristique pour contourner la “ censure ”, les
problèmes de publication des comptes-rendus des réunions
du pôle s’installèrent, sans avertissements ni
justifications, excepté l’invocation a posteriori de
problèmes techniques. Les explications vinrent peu à
peu, de la part de certains membres du CA, qu’un mail résume
bien : revendiquant sa très forte implication dans l’association,
l’un d’eux reconnaît que ce “ pôle
partait d’un bon sentiment ”, mais qu’il délivre
“ des bribes (…) incompréhensibles ” qui
accusent le “ manque d'intelligence ” du lecteur et
laissent planer un doute sur “ l'intérêt réel
” de “ ce type d'information ” . Mais dès
le rétablissement d’un style plus “ littéraire
”, l’anathème “ d’incompréhension
” demeura, se suffisant à lui-même. Les quelques
textes qui répondirent aux comptes-rendus évoquant
la résurgence de mécanismes pervers dans l’association
le firent sur le mode de la dénégation de bon sens,
ou plus élaborée : pour réfuter nos hypothèses,
V. propose “ aux voltigeurs du concept ” de se “
lancer dans les néologismes pour décrire nos mécanismes
; (...) de nouvelles expressions décrivant au plus juste
ces nouvelles réalités ” . C’est le plus
un anti-intellectualisme très démagogique qui refuse,
au mieux, le terme de capitalisme, au pire “ les concepts
et les livres [qui] ne servent à rien sinon il suffirait
de lire la Bible pour être dieu et de lire Marx pour réussir
une révolution ! ” .
Censure, absence d’explication, dénégation,
refus du débat, semblent être en contradiction totale
d’avec la valeur hautement revendiquée de “ transparence
”, présente dans la charte de l’association,
et d’autant plus impérieuse semble-t-il depuis que
l’obscurantisme pratiqué par “ l’ancien
régime ” ait été l’objet d’éclaircissements
. La plupart des SELs de France s’en revendiquent, qui publient
les comptes de tous les adhérents et l’associent au
fonctionnement démocratique. Cette contradiction est éludée
par « l’accusation d’incompréhension »
qui dérogerait à la règle de transparence,
et celle d’intellectualisme qui dessine un clivage identitaire.
L’un comme l’autre renvoient moins aux textes eux-mêmes
qu’aux aspects négatifs - mais tus - du collectif :
une complexité grandissante de son fonctionnement qui échappe
progressivement à ses membres et l’impossibilité
de poser sérieusement les problèmes autrement qu’en
terme interpersonnels. En affirmant que le fonctionnement de l’association
peut être objet d’attention, qu’il est à
découvrir constamment loin des litanies consensuelles, le
dispositif analytique renvoie à l’incompréhension
d’une réalité opaque et équivoque, ainsi
qu’à l’impossibilité tautologique de pouvoir
tenir ensemble a priori la représentation d’un collectif
transparent à lui-même.
2.- Neutralité relationnelle ou confrontations de subjectivités
? Les comptes-rendus de la réunion de “ SELanalyse
” inquiétèrent également à propos
de leur caractère “ orienté ”, qui rendait
incertaine “ l'interprétation qu'en font les personnes,
lecteurs et lectrices, récents adhérents ou nouvellement
arrivés au SEL ” . D’autres textes jugent notre
initiative “ malvenue pour la simple raison qu’elle
a (...) pour effet final de discréditer et connoter péjorativement
ce qui fait la valeur des SELs ” . Ces arguments s’appuient
sur les phénomènes, courants, que connaît l’association
: turn-over très fort (1800 adhérents depuis sa création,
pour une moyenne de 250 adhérents réguliers, soit
une moyenne de 150 adhésions/départs par an) et désertion
récurrente des instances de pouvoir (quorum rarement atteint,
donc CA élu en AG extraordinaire sans minimum requis, démissions
et absentéisme en CA). Il s’agit alors de “ recruter
”,de “ fidéliser ” et de faire participer
en présentant une association conviviale, consensuelle et
dynamique. Le souci de neutralité est tel que l’impôt
est appelé “ mutualisation ” (ou encore “
cotisation ”, “ participation en unité locale
”, et même “ don obligatoire ”), et le salariat,
“ bénévolat rémunéré ”.
Mais cette neutralité est aussi justifiée théoriquement
: le propre des SELs est la création d’une monnaie,
qui “ permet de faire des échanges en situation affective
la plus proche de la neutralité, (...) de neutraliser le
pathos en créant une distance affective ”, et “
dépassionner les investissements humains ” . On nous
proposera même de monétariser les réunions du
“ pôle SELanalyse ” ou, plus simplement, de les
présenter de manière plus consensuelle, plus emballée,
embellie, plus marketing... De même, l’introduction
parallèle d’un nouveau système de comptabilité
décentralisée (Cf. plus bas) se fait afin de contenter
“ ceux que le centralisme dérange ”, sans bilan,
débat, projet autre que celui d’accompagner puis d’avaliser
la direction prise sans concertation par la majorité silencieuse
: "Le but de la vie est de chercher à harmoniser tout
ce qui peut l'être", "tout simplement sans philosopher
ni politiser" ...
Neutralité des propos, des termes, de la monnaie, des échanges...
voire des actes : la censure n’est que “ problème
technique ”. L’association réaffirme le refus
d’être autre chose qu’un lieu de rencontre et
d’échanges conviviaux, et conjure ainsi les conflits
(fréquents et souvent violent, même physiquement) que
le pôle contiendrait comme une boîte de Pandore. En
renvoyant chacun à sa subjectivité propre, en poussant
chacun à prendre en public les positions qu’il tient
en privé, en soulevant collectivement des objets d’études
apparaissant comme “ destructeurs ”, le “ pôle
SELanalyse ” grippe la fluidité relationnelle que l’association
semble vouloir garantir par la circulation monétaire .
3.- Collection d’individus ou collectivité intégrée
? Une critique du dispositif fait masse: celle qui lui reproche
le peu de participation de la part des adhérents. Surprenant,
ce critère est celui que s’impose le SEL (X), qui prend
comme exemple d’autres associations “ à succès
” quand il ne s’agit pas d’entreprises. Le problème
majeur qu’elle se pose obstinément est celui de ses
effectifs, sa peur princeps celle de sa disparition faute d’adhérents.
La collectivité n’est vue que comme une collection
d’individus, comme le montre bien les réponses au texte
“ le SEL est-il soluble dans le capitalisme ”, qui imputent
les “ dysfonctionnements ” imputés aux «
comportements déviants ”, aux “ gens qui sont
interdits à la banque de France puis qui sont interdits dans
le sel parce qu'ils ne savent pas gérer leur budget, leur
vie, leur temps...” , à la rareté des personnes
suffisamment “ apaisées affectivement pour se sentir
bien nourries par la grande respiration réciprocitaire de
la ronde des rapports humains ” . L’initiative des “
cadeaux de bienvenue ” était d’ailleurs également
prise afin “ de rompre avec les habitudes de consommation
liées à l'utilisation traditionnelle de l'argent (thésaurisation,
prix de l'argent, crainte du "découvert", notion
de faillite…) ” , c’est-à-dire de corriger
les mauvaises habitudes individuelles. Elles seraient à l’origine
de l’apparition de “ pauvres ” (comptes débiteurs)
et de “ riches ” (comptes créditeurs), chacun
ayant sa pathologie particulière, héritée du
monde extérieur, que l’échange heureux viendra
contrebalancer. Les conflits qui surviennent ne sont perçus
que comme une série d’affrontements d’individus
; la “ question de l’huissier ” a fait l’objet
d’une médiation à huis clos -en vain-, sans
fournir l’occasion de débats publics contradictoires
; et la diversité des adhérents et de leurs motifs
de participation à l’association est une source de
fierté qui impose une tolérance sans confrontation.
Le “ pôle SELanalyse ” n’est d’ailleurs
qu’une initiative individuelle sans autre signification qui
puisse interroger l’association, sinon qu’il bégaye
une vieille lubie : “ les nouveaux s'en foutent et les anciens
[en] ont déjà discuté pleins de fois (…)
soit entre eux, soit avec des sociologues soit aux journées
d'été soit dans des CA. ” . Ce syndrome “
fin de l’histoire ” s’articule sur une collectivité
finie (“ aucun système n’est parfait ”)
constituée de particules s’agrégeant horizontalement
sur le modèle des “ solitudes interactives ”
contemporaines, sans pouvoir constituer de collectifs durables de
travail ; toutes les activités ne reposent que sur une seule
personne. Le “ pôle SELanalyse ” en tant que collectif
qui persévère malgré ses aléas est à
l’image de l’association. Mais en refusant de se juger
à l’aune de la quantité d’adhérent
qu’il charrie, il rompt avec la logique atomisante de séduction
du plus grand nombre, et en affirmant que son existence, surtout
quand elle est déniée, est un fait collectif, il renvoie
chacun au conformisme banal que constitue toute proclamation précipitée
d’individualisme.
C. - “ l’Esprit du SEL ” : esprit du
capitalisme et spiritualité
D.
Transparence, neutralité et collection sont fortement interdépendantes,
et leur recoupement forme deux registres de significations apparemment
contradictoires :
La Machine. La place majeure accordée à la rationalité
technique, qu’il s’agisse des technologies de communication
ou de la vulgate économiste, ainsi que déni de la
collectivité au profit d’un souci quasi-entrepreneurial
du nombre (d’adhérents, de participants, d’échanges,
...) misant sur l’image que l’association présente
et se présente, dessinent une conception machinique du collectif.
Vu comme un marché économique, l’association
est un simple réseau d’échanges. Ces derniers
sont considérés comme “ le cœur du SEL
”, et c’est leur volume qui traduit la vigueur de l’association
: la monnaie locale à cessée depuis longtemps de remplir
sa fonction de “ reconnaissance de dette ” pour devenir
un levier de changement pour une politique gestionnaire mécaniste.
On retrouve ici une pensée macro-économique fortement
libérale, sinon économiciste, qui passe d’une
orientation "keynésienne" (cf. cadeaux de bienvenue
pour soutenir la consommation) à des mesures plus monétaristes
par peur de l’inflation (impôt, salariat, appel à
l’épargne). On retrouve ici évidemment tout
l’imaginaire capitaliste, qu’il s’agisse de la
lecture des problèmes qui se posent comme des solutions proposées
: l’individu est conçu comme un homo oeconomicus maximisant
spontanément son intérêt “ financier ”.
Les relations humaines sont pensées dans un cadre managerial
: aux multiples désertions, on oppose des stratégies
visant à rendre attractif aussi bien l’association
(bulletin interne “ positif ”, recherche de dynamisme
sur le modèle d’associations concurrentes, visibilité
par des prestations extérieures, etc...), que les travaux
d’organisation : En décembre 2003 s’est crée
un éphémère “ pôle coordination
des énergies ” destiné à recruter des
volontaires et à distribuer les tâches, en s’inspirant
directement de conseils en relations humaines, prônant une
inepte “ méthode du consensus ” (sans débat,
par une “ reformulation des problèmes ” ). D’autres
font l’éloge d’une “ horizontalité
”, de “ relations en réseau ” , voire de
la “ systémique ” (Cf. plus bas), qui paraissent
évacuer d’emblée toute notion de direction collective
concertée. Cela amène naturellement à une véritable
administration des choses, sensible aussi bien dans l’établissement
conventionnel des ordres du jour que dans la surenchère technologique
: utilisation systématique - et chaotique - des listes internet,
du courrier électronique, du site de l’association,
de la numérisation des archives, des logiciels de publications
en lignes des comptes et annonces de chacun, ainsi que de l’élaboration
interactive du bulletin interne. Sous “ l’Ancien Régime
” a été menée une expérience de
“ vote électronique ” que, semble-t-il, seul
le souvenir du contexte malsain dans lequel il s’inscrivait
interdit aujourd’hui de reproduire. Le SEL (X) parachève
ainsi sa machinisation non métaphorique, où chaque
événement, comme un rouage, prend place dans un vaste
agencement ordonné, planifié, articulé, qu’il
suffit d’accompagner, de nourrir, de lubrifier pour que tout,
paroles, actes et comportements forment un tout fonctionnant suivant
la logique même des choses.
Le Cocon. La réduction de tous les phénomènes
aux comportements individuels irrationnels car viciés par
le “ monde extérieur ”, leur renvoi systématique
à des pathologies personnelles, l’imposition d’un
devoir pacificateur de neutralité bienveillante et le postulat
d’une transparence de tout et de tous décrivent une
collection d’individus isolés, soucieux de leur émancipation
personnelle, vivant au gré des rencontres ponctuelles, conviviales
et festives. Vu comme une communauté conviviale, le SEL (X)
est un “ espace d’entraide, de solidarité, d’humanisme
et de convivialité ” où tout un chacun vient
“ chercher ce qu’il veut ”, mais avant tout pour
“ se tenir chaud ”. L’association est, “
dans une société dont la barbarie économique,
sociale et environnementale ne cesse d’augmenter chaque jour
(...), un petit îlot ” dans lequel chacun peut «
échanger pour changer » , à la fois le monde,
mais surtout soi-même puisque la spiritualité occupe
une place prépondérante dans l’association :
astrologie, massages en tout genre, relaxations, développement
personnel, stages de créativité, etc... sont les activités
les plus visibles, au point qu’une association très
dynamique, aujourd’hui adhérente du SEL (X), en est
née . Autant que celles concernant la vulgate bouddhiste,
les références à la convivialité sont
omniprésentes, et aucune rencontre n’est concevable
sans victuailles, censées permettre des échanges “
authentiques ” et évacuer toute conflictualité,
fréquemment dramatisée et systématiquement
« psychologisée ». Témoin de cette volonté
d’asepsie relationnelle, la question récurrente d’une
“ assurance pour les échanges ” permettant d’indemniser
les contractant lors d’échanges inéquitables.
Une valeur centrale, et largement fantasmée, est celle de
la fête : moment paroxystique de la jouissance collective
qui extrait l’individu de “ l’opacité de
la solitude ” pour lui faire partager cette “ auto-affirmation
de la transparence des consciences ” (Starobinski 1957). Lieu
de transformation, le SEL (X) est un cocon qui se veut protégé
du monde extérieur, “ sans agressivité ”
, où “ nous venons chercher (..) moins de l'entraide
qu'un milieu protégé où les relations humaines
ne soient plus altérées." . Centres de toutes
les transformations, les individus qui le composent n’en sont
pas moins des chrysalides, dont les interactions ne sont qu’un
accompagnement sans douleur, échange de monologues sans accrocs,
maïeutique sans dialectique, ou plutôt conciliation a
priori des contraires.
Un noyau imaginaire cohérent : l’échange
émancipé / émancipateur
Evidemment, ces deux représentations, aussi antinomiques
peuvent-elle paraître, sont ici nécessairement complémentaires
et ne peuvent que former un système de significations imaginaires
suffisamment cohérent pour éluder, au moins partiellement,
les contradictions manifestes de l’association : les liens
véritables ne se tissent qu’à travers dons,
trocs, vente en euros, donc en enfreignant les impératifs
de comptabilité systématique, ou autour des lieux
de délibération réguliers (CA) pourtant décriés
; la majeure partie du travail, littéralement inestimable,
n’est nullement rémunérée ; le salariat,
et les suspicions qui accompagnent tout transfert de monnaie à
huis clos, ne font que renforcer le désengagement des adhérents
; la “ neutralité ” vis-à-vis de la monnaie
ne s’acquière qu’en négligeant les appels
constants à la fétichisation ; l’omniprésence
d’une ostentatoire bienveillance ne fait que rendre explosif,
et motif à désengagement, toute anicroche, ect...
pour ne parler que des plus triviales. Toutes sont une illustration
de la contradiction fondamentale du capitalisme bureaucratique .
Il semblerait que se soit fait un deuil du politique, et la comparaison
des contenus des bulletins internes de “ l’ancien régime
” et de ceux de la période actuelle “ post-révolutionnaire
” invite à penser que l’épisode traumatique
du recours à l’huissier en a achevé le processus
par le départ du noyau “ politique ” ou “
intellectuel ” (on y compta un sociologue et un “ idéologue
”, et pas des moindres) qui s’accommodait de l’autocratie
et une résignation générale à la bureaucratie
actuelle plus impersonnelle. Il en ressort un imaginaire groupal
où la charge organisationnelle est confiée aux machines,
qu’elles soient technologiques, économiques ou comportementales
(management), dont l’autorégulation technique doit
permettre aux individus de se consacrer exclusivement au tissage
domestique d’un cocon protecteur porteur de toutes les promesses
de transformation personnelle. L’intermédiaire magnifié,
l’échange, est alors cet entre-deux nourrissant les
équilibres des mécanismes autonomes et fournissant
à chacun les contacts humains indispensables aux révolutions
intimes. Il permettrait alors des rencontres pacifiées, dénuées
de toute altérité et de toute contrainte durable grâce
au comptage monétaire qui le symbolise. La monnaie locale
s’en trouve d’autant plus fétichisée qu’on
veut la distinguer nettement de l’argent, et devient l’incarnation
identitaire d’un lien social dénoué, contrôlable
et libéré, rapprochant un à un les individus
en voie d’apaisement dans une trame relationnelle transparente.
Les seules interrogations formulables dans ce cadre accréditent
et légitiment l’état actuel autour de la difficulté
pour chacun de quitter ses habitudes “ extérieures
” et de s’impliquer dans les activités de l’association.
Les questions soulevées par le “ pôle SELanalyse
” n’y occupent aucune place légitime : non monétarisées,
polémiques, analytiques, elles semblent incarner le “
contre échange ”, l’endettement insaisissable,
le spectre du déchirement, l’ouverture sur l’abîme.
D. - Un analyseur des idéologies contemporaines
E.
Cet imaginaire, qui tient à la fois du mythe libéral
de la main invisible, de la prophétie religieuse ou paléo-communiste
(« l’administration des choses ») et d’un
schéma familial particulièrement infantilisant, est
propre dans ses singularités à l’association
en question, mais difficile de ne pas en trouver trace ailleurs,
et d’abord dans les autres SELs : bien qu’il soit impossible
d’étendre, sans arbitraire - et désespoir -
notre constat au niveau national, deux points méritent que
la question se pose. D’abord les statistiques : Les SELs sont
82% à limiter les comptes au débit contre 57% au crédit
, sans savoir si les deux limites sont symétriques, comme
l’impose la règle de ne favoriser ni le positif ni
le négatif, structurellement interdépendants. Ils
sont 20% à créer de la monnaie ex nihilo, 44% à
opérer des “ prélèvements ” sur
les comptes (impôts), et 79% à pratiquer la rémunération
interne (salariat) : ces mesures mécanistes sont les trois
piliers de l’imaginaire du SEL (X). Enfin, si le caractère
urbain de ce dernier peut être un facteur décisif quant
à son évolution, il semble être un fait massif
et croissant parmi les systèmes d’échanges locaux
français.
Des fondements idéologiques : de la systémique
au New Age
Selidaires, l’association de coordination nationale des SELs,
soutient un « atelier systémique » , qui constitue
de fait LA réponse nationale aux problèmes d’organisation
. Celui-ci propose “ la fin de tout conflit interne ”
en présentant les “ Les dix commandements de l’approche
systémique ”, inspirés du “ Macroscope
” de Joël De Rosnay, précisés par “
4 points : être dans le plaisir, être dans le désir,
ne plus vivre dans la peur, vivre dans une confiance partagée
”... Il se déroule tous les ans aux rencontres européennes
d’été : “ en vue d’une organisation
sans hiérarchie, sans méthode et dans le chaos (…)
mélange de psychologie rationnelle américaine, d’orientalisme,
d’anarchisme et de l’étude de tous les systèmes
en général afin de s’en inspirer au sein de
l’organisation humaine ” …
Bien que passé de mode, la systémique semble servir
ici d’interface entre la machine et le cocon décrit
plus haut. Le dernier livre, aussi confus que cauchemardesque, du
prophète symbiotique (De Rosnay 1995) entre en résonance
troublante avec l’imaginaire de l’association : les
préoccupations écologiques se sont dégagées
de leur anti-modernité première pour embrasser sans
retenue toutes les technologies, annonçant “ la symbiose
de Gaïa et du cybionte ”, superorganisme planétaire
et numérique. La démocratie, ou plutôt “
rétroaction sociétale ” (p.232), “ juste
milieu entre l’anarchie et le totalitarisme (...) depuis l’origine
des civilisation ” (p.222), est totalement confondue avec
l’auto-organisation des hyménoptères pollinisateurs
(p.61)... Dans cette optique où la délibération
collective est organiquement confondue avec une bio-eco-nano-cyber-technologie,
et impose de mystérieux “ managers de la complexité
(...) nouvelle génération de dirigeants capables d‘apporter
des solutions neuves pour surmonter la crise actuelle du leadership
politique (...) ” (p.239), on voit mal de quoi les populations
pourraient réellement décider, sinon d’aspects
subalternes concernant des points de détails de leur vie
quotidienne (comme ils sont d’ailleurs proposés aujourd’hui
dans les “ conseils de quartiers ” qui fleurissent dans
les municipalités). La vie spirituelle y est généreusement
laissée à discrétion, mais on trouvera une
surprenante et facile complémentarité dans le corpus
propre au développement personnel inscrit depuis la fin des
années 70 dans un paradigme cybernétique et cognitiviste,
qui “ rend inutile toute mise en cause de la structure sociale
de sorte que la contestation du système a cessé d’être
le passage obligé vers la réalisation de soi ”
(Lacroix, 2000, p.75). La très congruente idéologie
du New Age déploie un “ ciseau idéologique ”
visant à développer un “ Moi fort ” à
travers le “ combat économique ”, tout en affirmant
une “ négation du Moi ”, nourri par “ le
lâcher-prise (..), le retrait, le désengagement, le
repli dans l’intériorité ” (p.32), alliant
une technophilie holiste et un parti pris anti-intellectualiste
au nom d’une “ conscience globale ”. Evidemment,
la disparition de tout “ corps intermédiaire entre
le territoire du moi et la fusion planétaire ” amène
à refuser toute influence de la réalité sociale
et condamne d’avance toute tentative de critique ou de libre-examen
(Lacroix 1996 pp.94-128). “ En fait je dirais que le monde
n'est rien d'autre qu'un générateur d'événements
aléatoires à basses fréquences créé
pour expérimenter des réalités primaires ou
subliminales. S'énerver et s'agiter suite aux chaos du monde
relève donc de l'infantilisme. ” : Impossible de ne
pas voir dans le SEL (X), où de tels propos restent sans
réponses, le déploiement latent mais largement sensible
de telles doctrines, qui tiennent ensemble des caractéristiques
hétéroclites mais qui semblent former in fine un paradigme
global. Celui-ci prend évidemment racine dans le délabrement
que vivent nos sociétés, mais s’étaye
particulièrement sur la “ crise écologique ”
comprise comme un retrait de la nature “ en nous, entre nous
et autour de nous ” (Bourg 1995), une dysharmonie métaphysique
à la fois intérieure et civilisationnelle lourde de
menace.
De la contestation au projet d’autonomie
Ces caractéristiques ne sont en rien exceptionnelles dans
la société d’aujourd’hui, mais leur établissement
dans une dynamique collective qui revendique son appartenance au
mouvement politique contestataire contemporain, qui la reconnaît
en retour, interroge fortement.
Les SELs sont apparus aux lendemains de crises économiques
et d’offensives antisociales, dans le monde anglo-saxon (1983
à Vancouver, 1984 en Grande-Bretagne) comme en France (1994
en Ariège). Réaction à la paupérisation
des classes moyennes, ils se proposent avant tout comme un “
moyen complémentaire au monde marchand ” pour satisfaire
“ des besoins pratiques ”. Leurs versions françaises,
plus politiques, insistent également sur la “ création
de liens sociaux ” dans la perspective très “
écolo ” d’un développement de politiques
alternatives et d’un changement des mentalités (Henry
& al.1999). En s’inscrivant dans l’héritage
des utopies socialistes du XIXième siècle visant un
renversement des rapports entre le politique et l’économique,
tout en s’inspirant des expériences locales de coopération
précédente (ouvrière ou proudhonienne, mais
particulièrement les créations de monnaies franches
des années 30 en Autriche et en France), ces systèmes
d’échanges présents sur tous les continents
et regroupant près de 30.000 personnes en France appartiennent
en plein au “ mouvement altermondialiste ” actuel ("Think
global act local").
Ce dernier est la continuité d’un mouvement qui s’est
enclenché en France au début des années 90
(Aguiton, Bensaïd 1997), autour d’une critique sociale
dénonçant les inégalités (au nom de
l’égalité, de la transparence) et contre l’atomisation
sociale (au nom de la communauté et de la solidarité)
(Boltanski & Chiapello 1999). Les SELs participent visiblement
à ce renouveau, qui affichent autant l’exigence de
convivialité communautaire que la mise en pratique d’une
“ économie solidaire ”.
Cette critique anticapitaliste succède, sans s’y articuler
véritablement, à celle qui s’est développée
durant les “ Trente Glorieuses ”, la critique artiste,
ou plutôt culturelle, axée sur la dénonciation
de l’oppression (au nom de l’autonomie) et du désenchantement
(au nom de l’authenticité), massivement étayée
autour de la critique anti-bureaucratique. Elle paraît aujourd’hui
être le corpus dans lequel le néo-management trouve
son nouveau souffle depuis vingt ans (id.), en cherchant à
établir des organisations réticulaires où la
“ manipulation séductrice et perverse ”, à
travers les relations interpersonnelles “ horizontales ”
et une confusion des rôles, acculent à l’intériorisation
des contraintes, le “ savoir-être ”, par l’autodiscipline
et la surimplication : “ ici, entre l’autorité
et la démocratie, la disproportion des forces a si démesurément
grandi que leur opposition n’apparaît plus à
la conscience ” (Mendel 2001 pp.218-231). Actuellement, l’abandon
quasi total de la critique culturelle laisse en friche la construction
de collectifs autonomes par les mouvements contestataires, politiques,
pédagogiques ou universitaires, et amène ces derniers
à être particulièrement perméable à
la vigueur de ce “ gauchisme entrepreneurial ” (Le Goff
1999, Quentin, Nafissa 2005) qui se réclame autant de l’approche
“ systémique ” que des doctrines relatives au
“ développement personnel ”.
Les ultimes évolutions du SEL (X) semblent un révélateur
particulièrement pertinent des transformations sociales en
cours : installation progressive d’un “ carnet de JEU
” (Jardin d’Echange Universel) individuel en parallèle
de la comptabilité centralisée ; révision prévue
des statuts afin de supprimer toute règle de quorum en assemblées
générales et de baser les candidatures sur la spontanéité
individuelle in situ ; suppression probable du bulletin interne,
au moins en tant que tribune d’opinion . Il serait d’ailleurs
pertinent de se demander dans quelle mesure l’impact du “
pôle SELanalyse ” a concouru à cette évolution
, comme les mouvements anti-bureaucratiques des années 60
ont accompagné les transformations contemporaines... On assiste
aujourd’hui à l’émergence d’un mode
d’organisation original, une réseaucratie, qui balaye
les formes bureaucratiques obsolètes en s’appuyant
sur trois phénomènes civilisationnels qui se recoupent
largement : la récupération par le capitalisme des
formes contestataires à visée émancipatrices
qui sont aujourd’hui incapables de mettre en crise l’ensemble
de l’institution de la société ; la pénétration
fulgurante et discrète des problématiques “
environnementales ” depuis trente ans sur lesquelles se développe
un discours équivoque, hygiéniste, catastrophiste
et radical (Alphandéry & al. 1991) qui tend à
intégrer l’ordre politique dans une “ Nature
” d’origine scientifique (Latour 1999) ; et, enfin,
l’autonomisation et l’explosion spectaculaire de la
techno-science jusque dans l’intimité (NTIC, bio/nano-technologie,
...) vues comme une compensation de “ l’impuissance
des humains ” y compris dans le domaine politique (Vedel 2003).
Ce déferlement tout azimut des significations imaginaires
sociales de la Mégamachine (Latouche 1995), l’extension
illimitée de la pseudo-maîtrise pseudo-rationnelle,
à toutes les composantes de la vie humaine comprend évidemment
la dimension pratique de l’exercice de la critique - les collectifs
contestataires- et l’élément spirituel lui-même.
Le mode délirant sur lequel la technologie triomphante s’assimile
progressivement à l’ordre “ naturel ” menacé,
par un transfert du fantasme de toute-puissance de ce dernier à
la technosphère, dessine une forme d’hétéronomie
largement archaïque (Mendel 2001). C’est le signe le
plus inquiétant de la disparition pure et simple d’un
élément central de la culture occidentale : le projet
d’autonomie tel qu’il a été porté
durant plus de quatre siècles, et, plus concrètement,
du type d’individu qui le portait, capable d’interrogation
critique autant que d’engagement lucide. Faire vivre, ou même
; ne pas faire mourir, ce qui reste de cet inestimable héritage
est l’enjeu que doivent soulever les forces d’émancipation,
le travail de tous ceux qui se préoccupent encore de l’évolution
de nos sociétés.
E. - Projet des analyses internes
F.
Dans quelle mesure le travail ici relaté peut servir un tel
projet ? La question appartient à qui voudra bien la saisir
: nous proposons quelques éléments de réponse,
qui sont autant d’appels à débats.
Le “ mouvement altermondialiste ” s’est construit,
contrairement à la seconde partie du mouvement ouvrier qui
s’est pensé à l’intérieur d’une
philosophie politique généralisante, sur le souci
de construire des contre-pouvoirs à partir des pratiques
concrètes, des initiatives de terrain, des “ alternatives
locales ” (Landrieu, Lena 2002). Se pose immédiatement
la question, fût-ce dans le cadre d’une apologie des
“ multitudes ”, de l’organisation des collectifs,
dans une perspective d’une “ société des
petits groupes ”. Cette question impose la nécessité
de changer concrètement les rapports entretenus avec l’institution,
qui semblent aujourd’hui dominés par la fatalité
bureaucratique, qui affirme un lien évident, nécessaire,
organique, entre l’organisation collective et sa sclérose
sous la domination d’un appareil traversé de luttes
fratricides et insipides. Deux attitudes opposées émergent
de cette conception : l’apathie politique, pour la quasi-totalité
de la population, et une forme de spontanéisme lors des mobilisations
militantes qui se déroulent encore : qu’il s’agisse
des coordinations (Denis, 1996), ou des groupes de soutien aux “
sans ”, leur caractère éphémère
apparaît comme un gage contre la bureaucratisation et/ou la
récupération. L’un comme l’autre, jusque
dans leur confusion, semblent un impensé de la critique sociale
actuelle : la résurgence de l’oppression à l’intérieur
des collectifs paraît un point aveugle des mouvements contestataires
contemporains, tout autant d’ailleurs que la problématique
de la “ récupération ”, qui impose la
question de ce qui était récupérable dans le
projet contestataire initial . L’une comme l’autre élude
la question de savoir dans quelles mesures son noyau imaginaire
était congruent au fantasme d’extension illimité
de la maîtrise rationnelle, et dans quelles mesures sa mise
en pratique n’a pas trait aujourd’hui avec les ravages
du néo-managment d’inspiration gauchiste.
On peine, par exemple, à trouver à propos des SELs
autre chose que de la “ défense militante ” (Bayon
1999), décrivant “ une utopie anticapitaliste en pratique
” (Laacher 2004) modulant leurs échecs ou leurs insuffisances
face à des ambitions démesurées en regard de
leur intégration douteuse dans une macro-économie
de marché (Bowring 2000). L’enthousiasme quasi général
avec lequel ont été accueillies les créations
de SELs en France, la “ gauche ” y voyant “ la
construction démocratique de l’économie ”,
la “ droite ” des entrepreneurs “ plus libéraux
que les libéraux ” montre toute l’ambiguïté
politique qu’ils renferment, laissée en l’état
par des arguments économiques, mais qui semble la philosophie
propre de l’“ économie solidaire ” (Caillé
2003) : quel est l’individu ici promu, quels automatismes
organisationnels s’établissent, quelle conception du
collectif s’institue par ce biais ? Lassé d’arguties,
on se convainc de l’inattaquable beauté du lien social
créé (Gilet 2004). Mais quel lien ? Peut-on réinventer
une socialité basée sur une “ fragile fiction
communautaire ” qui se condamne ipso facto en se construisant
au détriment de l’expression des opinions (Hamidi,
Mayer 2003) ? Et pour quoi faire ? Pour parler concrètement
: sommes-nous si sûrs de ne pas planifier une administration
intime qui monétariserait les relations, accompagnant progressivement
un “ capitalisme cognitif ” (Corsani & al. 2001)
dans l’extension du délire comptable au temps (Plassard
2004) et aux relations (Wervicq 2003) affirmant que “ ce qui
ne coûte rien ne vaut rien ” , et si oui, souhaite-t-on
le rétablissement du don généralisé,
et quels modes de traitement des litiges pourraient le distinguer
des tendances actuelles au primitivisme ?
Explicitée ou non, ces questions sont là. La désertion
généralisée, ou précarité voulue,
observable au SEL (X) comme partout, en est une réponse muette,
éclatée mais massive et prégnante. La tentative
d’instituer des dispositifs qui les portent, quels qu’ils
soient, n’est que la formalisation de ce que chacun opère
quotidiennement, et ces bilans intimes que chacun tient à
chaque expérience collective sont le symptôme d’une
privatisation de la parole collective. La mise en place d’un
dispositif qui y soit consacré n’est pas la ghettoïser,
c’est distiller dans un collectif l’insuffisance permanente
des institutions qui le structure.
Nous voulons l’analyse interne comme une rupture d’avec
le fantasme autogestionnaire, immédiatement présent
dès qu’il est question de modes d’organisation
alternatifs : celui d’un fonctionnement à la fois inaccessible,
parfait et totalement trivial, qui promet de donner ce qui est en
fait à découvrir continuellement, à l’instar
de “ l’évidence démocratique ” que
nous évoquions en introduction. Pas plus que les élections
régulières, la panoplie libertaroïde (rotation
des tâches, mandats révocables, décisions en
pleinière, etc..) n’est en rien la garantie d’une
organisation démocratique. Elle peut permettre, et plus que
tout autre dispositif politique connu, le questionnement collectif
explicite et pratique, à condition qu’elle en soit
issue. En tant que Graal politique, elle ne peut, elle ne fait,
que l’anesthésier. En tant que confusion avec l’auto-organisation
“ naturelle ” du marché, comme c’est largement
le cas aujourd’hui ( Quentin Nafissa 2005), elle ne peut autre
chose qu’en faire une curiosité historique.
Autant que l’autogestion, les analyses internes ne peuvent
échapper à l’examen. Le dispositif “ SELanalyse
” mériterait de fortes critiques, et celles ébauchées
par les adhérents du SEL (X) révèlent nos implications,
demandes, besoins, ambitions et égarements. Ils sont autant
de matériel à l’analyse d’un collectif
qui les révèle autant qu’il les suscite : anti-intellectualisme
et intellectualisme se répondent cycliquement et révèlent
autant les ambitions des auteurs que les positions de l’association.
Mais on peut dresser de vagues hypothèses sur le devenir
malheureux de n’importe quelle analyse interne instituée
; ce ne sera jamais que la forme que prennent aujourd’hui
les forces qui réduisent les analyses internes à la
clandestinité : relais intellectuel du discours orthodoxe,
organe monopolistique d’inquisition, véhicule d’un
délire de transparence ou d’une volonté de maîtrise
d’un collectif sur lui-même, occasion publicitaire pour
une introspection de complaisance, monopole de l’autorisation
à l’analyse, repli sur soi d’une communauté
fantasmatiquement autarcique, ou, et surtout, mise à distance
pour elle-même, recul nihiliste qui suspend toute l’aventure
humaine en refusant de l’arrimer à une fin qui ne soit
transcendante... Il faudra se résoudre un jour, et dans un
même mouvement, à voir comme pleinement absurde et
la volonté de garantir l’aspiration à l’autonomie
par une forme institutionnelle quelconque, et le refus de construire
des institutions capables de l’incarner, fût-ce partiellement
et imparfaitement.
Que les espoirs soient aujourd’hui ténus de voir nos
sociétés quitter le chemin de la barbarie ne peut
être une raison invoquée pour faire l’économie
d’une évaluation collective et rigoureuse des tentatives
de constructions alternatives. Au contraire, leur caractère
opportun “ d’expérimentations locales ”
impose doublement un travail d’analyse impliquée et
critique, qui ne doit être ni caution intellectuelle ni complaisance
propagandiste et encore moins condamnation démobilisatrice,
mais mise en œuvre de l’essence même de ce qui
doit être sauvé.
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