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La spécificité de l’analyse institutionnelle
pour approcher la réalité d’une institution,
c’est d’avoir donné de celle-ci une définition
dialectique et surtout d’en avoir proposé une analyse
fondée sur l’intervention. L’analyse institutionnelle
est donc à la fois une théorie et une pratique de
l’institution qui prend sa place dans les courants de la recherche-action
(action-research — R. Hess, La Sociologie d’intervention
, 1981).
Elle est née en France vers 1943 sur le terrain de la psychiatrie,
lorsque F. Tosquelles créa à Saint-Alban (Lozère)
la thérapeutique institutionnelle pour lever les freins bureaucratiques
qui pèsent sur les hôpitaux psychiatriques. Il fut
relayé par Jean Oury et Félix Guattari à la
clinique de La Borde à Cour-Cheverny, près de Blois,
dans les années cinquante (J. Oury, Psychiatrie et psychothérapie
institutionnelle , 1976; F. Guattari, Psychanalyse et transversalité
, 1973). Cette expérience s’est située dès
le départ au carrefour de la psychanalyse, de la psychosociologie
et de la politique.
Entre 1958 et 1963, un courant pédagogique — s’appuyant
sur les premières recherches institutionnalistes —
émerge du mouvement Freinet sous l’impulsion de R.
Fonvieille et Fernand Oury. Alors que ce dernier est plus influencé
par la psychanalyse (F. Oury et A. Vasquez, Vers une pédagogie
institutionnelle , 1967), R. Fonvieille et les membres du Groupe
de pédagogie institutionnelle s’inscrivent dans une
perspective plus politique et autogestionnaire (M. Lobrot, La Pédagogie
institutionnelle , 1966; G. Lapassade, L’Autogestion pédagogique
, 1971; R. Lourau, Analyse institutionnelle et pédagogie
, 1971).
Entre 1964 et 1968, G. Lapassade et R. Lourau transposent le modèle
institutionnaliste dans le domaine de l’intervention psychosociologique
et sociologique. Se crée alors la socianalyse institutionnelle,
forme de l’analyse institutionnelle qui se fonde sur l’intervention,
celle-ci jouant un rôle de laboratoire en vue de la conceptualisation
de l’analyse (G. Lapassade, Groupe, organisation, institution
, 1966; R. Lourau, L’Analyse institutionnelle , 1970).
Alors que Cornelius Castoriadis a introduit en 1965 les concepts
d’«instituant» et d’«institué»
(L’Institution imaginaire de la société , 1975)
permettant de «dialectiser» l’approche de l’institution,
Lourau a travaillé essentiellement la question de l’institutionnalisation
sociale, qui apparaît comme un «principe d’équivalence
élargi» (R. Lourau, L’État inconscient
, 1978) et M. Authier et R. Hess ont montré que l’on
pouvait voir dans l’institution la tentative de définition
(et donc la falsification ) d’un mouvement social initial
(L’Analyse institutionnelle , 1981).
Ces recherches, qui ont pris de nombreuses formes, se sont largement
diffusées, notamment en Europe, en Afrique et en Amérique
latine. En s’institutionnalisant comme théorie, l’analyse
institutionnelle a vu surgir à sa périphérie
de nombreuses variantes. Citons, en France, à partir de 1971,
le courant sociopsychanalytique (Gérard Mendel) et en Angleterre
et, aux États-Unis, à partir de 1975, un courant anglo-saxon
de l’institutional analysis dont la recherche vise à
l’évaluation institutionnelle. Ces courants ont tendance
à «dédialectiser» l’approche de
l’institution. L’utilisation qu’ils font de ce
dernier concept se rapproche de celles qui étaient faites
par la philosophie du droit (Hegel, Hauriou, Renard), le marxisme
ou la sociologie de Durkheim.
Les dernières recherches institutionnalistes s’organisent
autour d’une analyse institutionnelle menée par les
acteurs sociaux à l’intérieur de leurs propres
établissements (analyse interne) et vers un approfondissement
du concept d’«implication», c’est-à-dire
de la relation que les acteurs sociaux entretiennent avec leurs
institutions (collectif, L’Analyse de l’implication
dans les pratiques sociales , 1983).
Source Encyclopædia Universalis 1997
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