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Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_institutionnelle
L'analyse institutionnelle vincennoise
On parle généralement d'analyse institutionnelle,
tout court. Le qualificatif « vincennoise » permet d'identifier
un des mouvements d'« analyse institutionnelle » qui
s'est particulièrement implanté à l'université
de Vincennes, puis à Saint-Denis.
Sommaire
* 1 Conflit sur la paternité de l'analyse institutionnelle
* 2 Georges Lapassade
* 3 René Lourau
* 4 Remarque sur le terme de « moment »
* 5 Bibliographie
o 5.1 Synthèses
o 5.2 Documents
* 6 Liens internes
Conflit sur la paternité de l'analyse institutionnelle
Le syntagme « analyse institutionnelle » est utilisé
également en psychothérapie institutionnelle. Lorsqu'il
veut aller vite, Jean Oury définit l'analyse institutionnelle
comme analyse permanente de notre aliénation sociale. Lorsqu'on
lui demande des références théoriques, il renvoie
à François Tosquelles. Félix Guattari s'en
affirmait le créateur (voir par exemple, Jean Oury dans Pratique
de l'institutionnel et politique, Matrice, 1985, p. 48). Le Centre
d'études, de recherches et de formation institutionnelles
(CERFI) que ce dernier créa, éditeur de la revue Recherches,
se proposait d'outrepasser le seul champ psychiatrique pour interroger
partout où les questions de l'inconscient et les problématiques
des pouvoirs se mêlent inextricablement. Mais au titre de
prétendant on trouve une autre personnalité : Georges
Lapassade.
Georges Lapassade
Ce dernier, agrégé de philosophie, se formant à
la psychosociologie, à la sociologie, à la dynamique
des groupes, participe à divers mouvements marxistes (autour
de la revue Arguments, autour du groupe et de la revue Socialisme
ou barbarie). Activiste autogestionnaire, il s'engage dans la pédagogie.
C'est ainsi qu'il est amené à rencontrer F. Oury et
R. Fonvieille lorsqu'ils sont en train de fonder une « pédagogie
institutionnelle » bientôt duelle.
Le projet général de G. Lapassade est avant tout
politique : changer la société. Notre société
se bureaucratise, les choix et les décisions tendent à
échapper à l'individu, raptés par le système
bureaucratique. L'individu devient de plus en plus aliéné
à ce système, de plus en plus hétéronome.
On perçoit ici l'influence de Cornelius Castoriadis qui a
développé l'opposition entre autonomie (« la
législation ou la régulation par soi-même »)
et hétéronomie (« la législation ou la
régulation par un autre ») dans une série de
textes publiés dans la revue Socialisme ou barbarie (repris
plus tard dans son livre L'institution imaginaire de la société).
Avec René Lourau, il va alors créer et théoriser
un mode d'analyse sociale qui est en même temps une technique
d'intervention : l'analyse institutionnelle.
René Lourau
Dans L'analyse institutionnelle, sa thèse d'État,
R. Lourau redonne au concept d'institution sa qualité dynamique
en s'appuyant sur la dialectique hégélienne (universalité,
particularité, singularité). L'institution est définie
par le mouvement dialectique de trois moments :
* L'universalité, qui en est l'unité positive…
« c'est dans ce moment que le concept est pleinement vrai,
c'est-à-dire vrai abstraitement, généralement.
» R. Lourau, L'analyse institutionnelle, Paris, Les Éditions
de Minuit, 1970, p. 10.
* La particularité, qui est la négation du moment
précédent, de la positivité du concept. En
effet, quel que soit le cas considéré, « Toute
vérité générale cesse de l'être
pleinement dès qu'elle s'incarne, s'applique dans des conditions
particulières, circonstancielles… » R. Lourau,
L'analyse institutionnelle, op. cit., p. 10.
* La singularité, la négation de la négation,
le moment de l'unité négative, qui consiste en des
formes sociales par lesquelles s'incarne l'institution.
Il complète ce modèle à l'aide d'un autre,
qui s'inspire de C. Castoriadis, et qui fait jouer trois autres
moments : l'institué, l'instituant et l'institutionnalisation.
Ces trois termes sont présents dans les textes que ce dernier
a publié dans Socialisme et barbarie, mais c'est R. Lourau
qui va les préciser et les articuler. Par ailleurs, l'accent
va être mis sur le moment de l'institutionnalisation, qui
reste secondaire par rapport aux deux autres chez C. Castoriadis
(chez lequel, d'ailleurs, aucun des trois termes n'est central).
L'institué, qui englobe tout ce qui est établi, lois,
comme allant-de-soi, correspond au moment de l'universalité.
L'instituant (en fait une multitude de forces instituantes) qui
est ce qui met l'institué en tension, le nie, le remet en
cause, correspond au moment de la particularité. Des processus
d'institutionnalisation par lesquels la contradiction entre l'institué
et l'instituant est résolue, ce qui correspond au moment
de la singularité. L'institué peut assimiler une partie
de l'instituant, c'est-à-dire qu'il se modifie dans ce sens.
Une partie de la tension entre les deux disparaît donc. Une
autre partie n'est pas prise dans ces processus d'institutionnalisation,
la tension se maintient alors. La nouvelle forme de l'institué
peut générer de nouvelles formes d'instituant.
Enfin, à la suite d'une analyse du texte de S. Freud «
Psychologie des foules et analyse du Moi », R. Lourau détermine
trois types de déviances qui finiront par être considérées
comme une troisième triade dialectique constituant le concept
d'institution :
* Idéologique, « …qui émet des doutes
sur les finalités, la stratégie générale
de l'organisation… » Ibid., p. 282.,
* Libidinal, « ...qui occupe une trop grande place dans la
structure libidinale du groupe, et jette le doute, par sa seule
présence, sur le sérieux de l'idéologie ou
de l'organisation. » Ibid.,
* Organisationnel, « ...qui attaque de front -et non plus
par l'intermédiaire de désaccords théoriques
ou de comportements physiques anxiogènes- le point où
se rencontrent les problèmes les plus pratiques et matériels,
d'une part et, d'autre part, les questions les plus théoriques
: l'organisation. » Ibid., p. 283.
Remarque sur le terme de « moment »
Ce terme provient de Georg Hegel. Selon P. Ville (Situations de
tiers-triangulation, premier semestre de l'année universitaire
1998-1999), il a été abondamment traduit et compris
en France comme moment temporel. Le mouvement dialectique étant
alors compris comme une succession de moments : l'un puis l'autre,
etc. Or, il semble que le terme allemand das Moment se réfère,
non pas à un intervalle de temps, mais à une force
en action. Le moment d'une force physique est le produit de sa norme
par la distance à l'axe sur lequel elle s'applique corrélée
en fonction de l'angle qu'elle produit avec celui-ci. L'exemple
le plus simple, c'est le bras de levier : la force exercée
multipliée par la longueur du levier. On obtient alors, non
plus une succession d'intervalles de temps mais un jeu de forces
dynamique, des rapports de forces fluctuants.
À côté du concept d'institution, on trouve
d'autres, tels « analyseur », « transversalité
», qui proviennent de la psychothérapie institutionnelle
(Félix Guattari, Psychanalyse et transversalité),
d'autres, plus spécifiques (l'implication, qui allait avoir
beaucoup plus de succès).
À ses débuts, l'analyse institutionnelle prétendait
être à la fois un outil de régulation des tensions
micro-sociales et de changement global de la société
(autogestion). Aujourd'hui, cette époque est révolue.
« De leur côté, les pratiques institutionnalistes,
avant la prise de conscience d'un échec de leur prophétie
utopiste sur ce point, se voulaient être l'instrument d'un
changement social radical, révolutionnaire (et pas seulement
au sens de la révolution copernicienne), à travers
la dialectique retrouvée de l'instituant et de l'institué.
Pour Michel Lobrot ou pour Georges Lapassade, à une certaine
époque, la pédagogie institutionnelle devait ainsi
permettre, dès la classe, à travers une simulation
pédagogique, l'apprentissage d'une autogestion sociale en
grandeur réelle. » Jacques Ardoino, « Les microsociologies
», in Pratiques de formation, n° 28, Vincennes, PUV.
Bibliographie
Synthèses
* Rémi Hess, Michel Autier, L'analyse institutionnelle, PUF,
1993 (ISBN 2130451950)
Documents
* Lion Murard et Michel Rostain, « Faut-il fonctionnariser
la recherche en sciences sociales ? », Le Monde, 27 juillet
1977
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