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Analyse institutionnelle
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre. Juillet 2006

Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_institutionnelle


L'analyse institutionnelle vincennoise

On parle généralement d'analyse institutionnelle, tout court. Le qualificatif « vincennoise » permet d'identifier un des mouvements d'« analyse institutionnelle » qui s'est particulièrement implanté à l'université de Vincennes, puis à Saint-Denis.

Sommaire
* 1 Conflit sur la paternité de l'analyse institutionnelle
* 2 Georges Lapassade
* 3 René Lourau
* 4 Remarque sur le terme de « moment »
* 5 Bibliographie
o 5.1 Synthèses
o 5.2 Documents
* 6 Liens internes


Conflit sur la paternité de l'analyse institutionnelle

Le syntagme « analyse institutionnelle » est utilisé également en psychothérapie institutionnelle. Lorsqu'il veut aller vite, Jean Oury définit l'analyse institutionnelle comme analyse permanente de notre aliénation sociale. Lorsqu'on lui demande des références théoriques, il renvoie à François Tosquelles. Félix Guattari s'en affirmait le créateur (voir par exemple, Jean Oury dans Pratique de l'institutionnel et politique, Matrice, 1985, p. 48). Le Centre d'études, de recherches et de formation institutionnelles (CERFI) que ce dernier créa, éditeur de la revue Recherches, se proposait d'outrepasser le seul champ psychiatrique pour interroger partout où les questions de l'inconscient et les problématiques des pouvoirs se mêlent inextricablement. Mais au titre de prétendant on trouve une autre personnalité : Georges Lapassade.

Georges Lapassade

Ce dernier, agrégé de philosophie, se formant à la psychosociologie, à la sociologie, à la dynamique des groupes, participe à divers mouvements marxistes (autour de la revue Arguments, autour du groupe et de la revue Socialisme ou barbarie). Activiste autogestionnaire, il s'engage dans la pédagogie. C'est ainsi qu'il est amené à rencontrer F. Oury et R. Fonvieille lorsqu'ils sont en train de fonder une « pédagogie institutionnelle » bientôt duelle.

Le projet général de G. Lapassade est avant tout politique : changer la société. Notre société se bureaucratise, les choix et les décisions tendent à échapper à l'individu, raptés par le système bureaucratique. L'individu devient de plus en plus aliéné à ce système, de plus en plus hétéronome. On perçoit ici l'influence de Cornelius Castoriadis qui a développé l'opposition entre autonomie (« la législation ou la régulation par soi-même ») et hétéronomie (« la législation ou la régulation par un autre ») dans une série de textes publiés dans la revue Socialisme ou barbarie (repris plus tard dans son livre L'institution imaginaire de la société).

Avec René Lourau, il va alors créer et théoriser un mode d'analyse sociale qui est en même temps une technique d'intervention : l'analyse institutionnelle.

René Lourau

Dans L'analyse institutionnelle, sa thèse d'État, R. Lourau redonne au concept d'institution sa qualité dynamique en s'appuyant sur la dialectique hégélienne (universalité, particularité, singularité). L'institution est définie par le mouvement dialectique de trois moments :

* L'universalité, qui en est l'unité positive… « c'est dans ce moment que le concept est pleinement vrai, c'est-à-dire vrai abstraitement, généralement. » R. Lourau, L'analyse institutionnelle, Paris, Les Éditions de Minuit, 1970, p. 10.
* La particularité, qui est la négation du moment précédent, de la positivité du concept. En effet, quel que soit le cas considéré, « Toute vérité générale cesse de l'être pleinement dès qu'elle s'incarne, s'applique dans des conditions particulières, circonstancielles… » R. Lourau, L'analyse institutionnelle, op. cit., p. 10.
* La singularité, la négation de la négation, le moment de l'unité négative, qui consiste en des formes sociales par lesquelles s'incarne l'institution.

Il complète ce modèle à l'aide d'un autre, qui s'inspire de C. Castoriadis, et qui fait jouer trois autres moments : l'institué, l'instituant et l'institutionnalisation. Ces trois termes sont présents dans les textes que ce dernier a publié dans Socialisme et barbarie, mais c'est R. Lourau qui va les préciser et les articuler. Par ailleurs, l'accent va être mis sur le moment de l'institutionnalisation, qui reste secondaire par rapport aux deux autres chez C. Castoriadis (chez lequel, d'ailleurs, aucun des trois termes n'est central). L'institué, qui englobe tout ce qui est établi, lois, comme allant-de-soi, correspond au moment de l'universalité. L'instituant (en fait une multitude de forces instituantes) qui est ce qui met l'institué en tension, le nie, le remet en cause, correspond au moment de la particularité. Des processus d'institutionnalisation par lesquels la contradiction entre l'institué et l'instituant est résolue, ce qui correspond au moment de la singularité. L'institué peut assimiler une partie de l'instituant, c'est-à-dire qu'il se modifie dans ce sens. Une partie de la tension entre les deux disparaît donc. Une autre partie n'est pas prise dans ces processus d'institutionnalisation, la tension se maintient alors. La nouvelle forme de l'institué peut générer de nouvelles formes d'instituant.

Enfin, à la suite d'une analyse du texte de S. Freud « Psychologie des foules et analyse du Moi », R. Lourau détermine trois types de déviances qui finiront par être considérées comme une troisième triade dialectique constituant le concept d'institution :

* Idéologique, « …qui émet des doutes sur les finalités, la stratégie générale de l'organisation… » Ibid., p. 282.,
* Libidinal, « ...qui occupe une trop grande place dans la structure libidinale du groupe, et jette le doute, par sa seule présence, sur le sérieux de l'idéologie ou de l'organisation. » Ibid.,
* Organisationnel, « ...qui attaque de front -et non plus par l'intermédiaire de désaccords théoriques ou de comportements physiques anxiogènes- le point où se rencontrent les problèmes les plus pratiques et matériels, d'une part et, d'autre part, les questions les plus théoriques : l'organisation. » Ibid., p. 283.

Remarque sur le terme de « moment »

Ce terme provient de Georg Hegel. Selon P. Ville (Situations de tiers-triangulation, premier semestre de l'année universitaire 1998-1999), il a été abondamment traduit et compris en France comme moment temporel. Le mouvement dialectique étant alors compris comme une succession de moments : l'un puis l'autre, etc. Or, il semble que le terme allemand das Moment se réfère, non pas à un intervalle de temps, mais à une force en action. Le moment d'une force physique est le produit de sa norme par la distance à l'axe sur lequel elle s'applique corrélée en fonction de l'angle qu'elle produit avec celui-ci. L'exemple le plus simple, c'est le bras de levier : la force exercée multipliée par la longueur du levier. On obtient alors, non plus une succession d'intervalles de temps mais un jeu de forces dynamique, des rapports de forces fluctuants.

À côté du concept d'institution, on trouve d'autres, tels « analyseur », « transversalité », qui proviennent de la psychothérapie institutionnelle (Félix Guattari, Psychanalyse et transversalité), d'autres, plus spécifiques (l'implication, qui allait avoir beaucoup plus de succès).

À ses débuts, l'analyse institutionnelle prétendait être à la fois un outil de régulation des tensions micro-sociales et de changement global de la société (autogestion). Aujourd'hui, cette époque est révolue.

« De leur côté, les pratiques institutionnalistes, avant la prise de conscience d'un échec de leur prophétie utopiste sur ce point, se voulaient être l'instrument d'un changement social radical, révolutionnaire (et pas seulement au sens de la révolution copernicienne), à travers la dialectique retrouvée de l'instituant et de l'institué. Pour Michel Lobrot ou pour Georges Lapassade, à une certaine époque, la pédagogie institutionnelle devait ainsi permettre, dès la classe, à travers une simulation pédagogique, l'apprentissage d'une autogestion sociale en grandeur réelle. » Jacques Ardoino, « Les microsociologies », in Pratiques de formation, n° 28, Vincennes, PUV.


Bibliographie
Synthèses
* Rémi Hess, Michel Autier, L'analyse institutionnelle, PUF, 1993 (ISBN 2130451950)
Documents
* Lion Murard et Michel Rostain, « Faut-il fonctionnariser la recherche en sciences sociales ? », Le Monde, 27 juillet 1977