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L’analyse institutionnelle comme politique de vie : l’institution au jour le jour.
Je suis un irréductible ! Jacques Pain
Professeur de sciences de l’éducation Paris-X-université Octobre 2002

Origine :http://cpe.paris.iufm.fr/article.php3?id_article=648

http://cpe.paris.iufm.fr/article-imprim.php3?id_article=648



Je reste aujourd’hui encore atterré par la façon dont les chercheurs, les disciplinaires - quels qu’ils soient, aussi bien dans le domaine de la didactique que dans le domaine plus large des lettres ou des sciences humaines - restent enfermés dans les contenus qui sont les leurs. Sans doute les contiennent-ils. Il faut bien être contenu !!
Le vingt-et-unième siècle sera le siècle de la transversalité, des réseaux, des réseaux de pensée, réseaux mentaux, des phylum machiniques - comme le disait Félix Guattari - et nous restons, particulièrement en France, dominés par des clivages disciplinaires totalement révolus. La sociologie par exemple continue de se comporter comme si elle était seule au monde, en ignorant tout de la psychosociologie, de la psychologie, de la psychanalyse.
Inversement, l’attitude est, il est vrai, souvent la même. Quand on voit ce que quelqu’un comme François Dubet - très prometteur par " la galère " - a pu depuis nous laisser, répétant sa méconnaissance ou son refus de l’interactionnisme symbolique, de l’ethnométhodologie, de la psychosociologie, et en particulier de l’analyse institutionnelle, on se demande où se niche le savoir. On le sait depuis la trahison des clercs, la plupart des spécialistes - et c’est notre cas souvent - sont engoncés dans leurs vêtements de recherche et incapables de penser en travers. Là encore, il faut rendre hommage à Edgar Morin ou encore à Laborit, qui, à leur façon, ont montré que le cerveau pensait en boucles, en spirales, en diagonales.

Et certainement pas comme l’indiquent des gens fort respectables, qui ignorent tout de l’inconscient, de ses déterminations, et de la complexité de la vie humaine, et qui en sont réduits à construire, comme le parti socialiste, un appareil de pensée dominante, sans tenir compte des métamorphoses de la vie quotidienne, qui n’ont pas prise sur la politique mais qui font le politique au jour le jour, et en fait fabriquent le monde de demain.

L’analyse institutionnelle présente un intérêt déterminant, et elle continuera de le présenter, parce qu’on voit difficilement comment une institution - ou plutôt on en a vu les résultats - peut aujourd’hui, ou pourra demain, se passer d’une analyse interne et externe de son propre fonctionnement. Les systèmes humains, disait Laborit, sont nécessairement assujettis à l’analyse, et leur protection passe par leur contrôle démocratique, y compris au plus profond de la pensée.

Pour autant, c’est dans la radicalisation de l’analyse, du social au sujet, que l’on va retrouver toute cette démarche de l’analyse institutionnelle. Si j’ai adhéré à l’idée d’entrée, c’est dans un ensemble complexe où Marx a sa place puisque, pour moi, toujours et encore, le sujet est un rapport social avant tout, et sa crispation individuelle, ses états d’âme, sont une conjoncture, une conjonction de cristallisations sociales dans laquelle l’acte - au sens de Laborit - reste dominant ; et l’agir communicationnel - qui est un terme bateau mais qui dit ce qu’il a à dire - est sans doute la grande pulsion attachée au langage qui caractérise l’humanité.

En ce sens, l’analyse institutionnelle, et tout ce qui tient de l’institutionnel au sens large, est aujourd’hui, au vingt-et-unième siècle, le défi des sciences humaines, et la part des sciences humaines dans la vie des institutions. Dubet et beaucoup d’autres s’escriment vainement depuis dix ou quinze ans pour essayer de nous dire que les institutions déclinent, mais au contraire, les institutions ne déclinent pas, elles se fragmentent, elles éclatent, elles se morcellent, elles vivent à " contre-jour ".

L’institution, c’est comme l’autorité, elle se repense en effet au quotidien, mot après mot, dans la situation, dans les situations. L’institution c’est tout simplement ce qui fait le pont entre les émotions et la vie pratique, c’est ce qui permet à cet être humain engoncé dans ses pulsions et ses émotions de réaliser quelque chose de l’ordre de l’humanité, un peu ici, un peu là, heure après heure, jour après jour. L’institution, c’est - comme le disait Tosquelles - cet échangeur central du biosystème de pensée, du système de vie, de l’être humain.

L’analyse institutionnelle c’est l’analyse des effets du système sur ses propres institutions et sur les institutions internes du sujet.