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Origine :http://cpe.paris.iufm.fr/article.php3?id_article=648
http://cpe.paris.iufm.fr/article-imprim.php3?id_article=648
Je reste aujourd’hui encore atterré par la façon
dont les chercheurs, les disciplinaires - quels qu’ils soient,
aussi bien dans le domaine de la didactique que dans le domaine
plus large des lettres ou des sciences humaines - restent enfermés
dans les contenus qui sont les leurs. Sans doute les contiennent-ils.
Il faut bien être contenu !!
Le vingt-et-unième siècle sera le siècle de
la transversalité, des réseaux, des réseaux
de pensée, réseaux mentaux, des phylum machiniques
- comme le disait Félix Guattari - et nous restons, particulièrement
en France, dominés par des clivages disciplinaires totalement
révolus. La sociologie par exemple continue de se comporter
comme si elle était seule au monde, en ignorant tout de la
psychosociologie, de la psychologie, de la psychanalyse.
Inversement, l’attitude est, il est vrai, souvent la même.
Quand on voit ce que quelqu’un comme François Dubet
- très prometteur par " la galère " - a
pu depuis nous laisser, répétant sa méconnaissance
ou son refus de l’interactionnisme symbolique, de l’ethnométhodologie,
de la psychosociologie, et en particulier de l’analyse institutionnelle,
on se demande où se niche le savoir. On le sait depuis la
trahison des clercs, la plupart des spécialistes - et c’est
notre cas souvent - sont engoncés dans leurs vêtements
de recherche et incapables de penser en travers. Là encore,
il faut rendre hommage à Edgar Morin ou encore à Laborit,
qui, à leur façon, ont montré que le cerveau
pensait en boucles, en spirales, en diagonales.
Et certainement pas comme l’indiquent des gens fort respectables,
qui ignorent tout de l’inconscient, de ses déterminations,
et de la complexité de la vie humaine, et qui en sont réduits
à construire, comme le parti socialiste, un appareil de pensée
dominante, sans tenir compte des métamorphoses de la vie
quotidienne, qui n’ont pas prise sur la politique mais qui
font le politique au jour le jour, et en fait fabriquent le monde
de demain.
L’analyse institutionnelle présente un intérêt
déterminant, et elle continuera de le présenter, parce
qu’on voit difficilement comment une institution - ou plutôt
on en a vu les résultats - peut aujourd’hui, ou pourra
demain, se passer d’une analyse interne et externe de son
propre fonctionnement. Les systèmes humains, disait Laborit,
sont nécessairement assujettis à l’analyse,
et leur protection passe par leur contrôle démocratique,
y compris au plus profond de la pensée.
Pour autant, c’est dans la radicalisation de l’analyse,
du social au sujet, que l’on va retrouver toute cette démarche
de l’analyse institutionnelle. Si j’ai adhéré
à l’idée d’entrée, c’est
dans un ensemble complexe où Marx a sa place puisque, pour
moi, toujours et encore, le sujet est un rapport social avant tout,
et sa crispation individuelle, ses états d’âme,
sont une conjoncture, une conjonction de cristallisations sociales
dans laquelle l’acte - au sens de Laborit - reste dominant
; et l’agir communicationnel - qui est un terme bateau mais
qui dit ce qu’il a à dire - est sans doute la grande
pulsion attachée au langage qui caractérise l’humanité.
En ce sens, l’analyse institutionnelle, et tout ce qui tient
de l’institutionnel au sens large, est aujourd’hui,
au vingt-et-unième siècle, le défi des sciences
humaines, et la part des sciences humaines dans la vie des institutions.
Dubet et beaucoup d’autres s’escriment vainement depuis
dix ou quinze ans pour essayer de nous dire que les institutions
déclinent, mais au contraire, les institutions ne déclinent
pas, elles se fragmentent, elles éclatent, elles se morcellent,
elles vivent à " contre-jour ".
L’institution, c’est comme l’autorité,
elle se repense en effet au quotidien, mot après mot, dans
la situation, dans les situations. L’institution c’est
tout simplement ce qui fait le pont entre les émotions et
la vie pratique, c’est ce qui permet à cet être
humain engoncé dans ses pulsions et ses émotions de
réaliser quelque chose de l’ordre de l’humanité,
un peu ici, un peu là, heure après heure, jour après
jour. L’institution, c’est - comme le disait Tosquelles
- cet échangeur central du biosystème de pensée,
du système de vie, de l’être humain.
L’analyse institutionnelle c’est l’analyse
des effets du système sur ses propres institutions et sur
les institutions internes du sujet.
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