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L'ANALYSE INSTITUTIONNELLE
Encyclopædia Universalis 1997

La spécificité de l’analyse institutionnelle pour approcher la réalité d’une institution, c’est d’avoir donné de celle-ci une définition dialectique et surtout d’en avoir proposé une analyse fondée sur l’intervention. L’analyse institutionnelle est donc à la fois une théorie et une pratique de l’institution qui prend sa place dans les courants de la recherche-action (action-research — R. Hess, La Sociologie d’intervention , 1981).

Elle est née en France vers 1943 sur le terrain de la psychiatrie, lorsque F. Tosquelles créa à Saint-Alban (Lozère) la thérapeutique institutionnelle pour lever les freins bureaucratiques qui pèsent sur les hôpitaux psychiatriques. Il fut relayé par Jean Oury et Félix Guattari à la clinique de La Borde à Cour-Cheverny, près de Blois, dans les années cinquante (J. Oury, Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle , 1976; F. Guattari, Psychanalyse et transversalité , 1973). Cette expérience s’est située dès le départ au carrefour de la psychanalyse, de la psychosociologie et de la politique.

Entre 1958 et 1963, un courant pédagogique — s’appuyant sur les premières recherches institutionnalistes — émerge du mouvement Freinet sous l’impulsion de R. Fonvieille et Fernand Oury. Alors que ce dernier est plus influencé par la psychanalyse (F. Oury et A. Vasquez, Vers une pédagogie institutionnelle , 1967), R. Fonvieille et les membres du Groupe de pédagogie institutionnelle s’inscrivent dans une perspective plus politique et autogestionnaire (M. Lobrot, La Pédagogie institutionnelle , 1966; G. Lapassade, L’Autogestion pédagogique , 1971; R. Lourau, Analyse institutionnelle et pédagogie , 1971).

Entre 1964 et 1968, G. Lapassade et R. Lourau transposent le modèle institutionnaliste dans le domaine de l’intervention psychosociologique et sociologique. Se crée alors la socianalyse institutionnelle, forme de l’analyse institutionnelle qui se fonde sur l’intervention, celle-ci jouant un rôle de laboratoire en vue de la conceptualisation de l’analyse (G. Lapassade, Groupe, organisation, institution , 1966; R. Lourau, L’Analyse institutionnelle , 1970).

Alors que Cornelius Castoriadis a introduit en 1965 les concepts d’«instituant» et d’«institué» (L’Institution imaginaire de la société , 1975) permettant de «dialectiser» l’approche de l’institution, Lourau a travaillé essentiellement la question de l’institutionnalisation sociale, qui apparaît comme un «principe d’équivalence élargi» (R. Lourau, L’État inconscient , 1978) et M. Authier et R. Hess ont montré que l’on pouvait voir dans l’institution la tentative de définition (et donc la falsification ) d’un mouvement social initial (L’Analyse institutionnelle , 1981).

Ces recherches, qui ont pris de nombreuses formes, se sont largement diffusées, notamment en Europe, en Afrique et en Amérique latine. En s’institutionnalisant comme théorie, l’analyse institutionnelle a vu surgir à sa périphérie de nombreuses variantes. Citons, en France, à partir de 1971, le courant sociopsychanalytique (Gérard Mendel) et en Angleterre et, aux États-Unis, à partir de 1975, un courant anglo-saxon de l’institutional analysis dont la recherche vise à l’évaluation institutionnelle. Ces courants ont tendance à «dédialectiser» l’approche de l’institution. L’utilisation qu’ils font de ce dernier concept se rapproche de celles qui étaient faites par la philosophie du droit (Hegel, Hauriou, Renard), le marxisme ou la sociologie de Durkheim.

Les dernières recherches institutionnalistes s’organisent autour d’une analyse institutionnelle menée par les acteurs sociaux à l’intérieur de leurs propres établissements (analyse interne) et vers un approfondissement du concept d’«implication», c’est-à-dire de la relation que les acteurs sociaux entretiennent avec leurs institutions (collectif, L’Analyse de l’implication dans les pratiques sociales , 1983).

Source : 1997 Encyclopædia Universalis