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Décembre 2002
Objet : [zpajol] TR: [ATTAC] INFO 385 - REGARDS SUR L'IMMIGRATION
Objet : [ATTAC] INFO 385 - REGARDS SUR L'IMMIGRATION
COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°385) Vendredi 06 Décembre
2002
1. L'utilitarisme migratoire en question (Par Alain Morice)
Le modèle actuel (français), qui est devenu peu à
peu le modèle de toute l'UE, consiste, d'un côté,
à importer de manière opportuniste des travailleurs. Notons
qu'«importer» a une connotation à la fois pragmatique
(au coup par coup) et utilitariste (par rapport à des besoins
économiques, réels ou supposés). Et, de l'autre
côté, à pratiquer une gestion sélective et
même parfois eugéniste et raciste de cette immigration;
ce qui oblige à l'application de deux principes, au moins dans
le cas français: privilégier d'une part l'installation
durable des immigrés considérés comme les plus
proches de nous culturellement - le mot «racialement» était
utilisé avant la guerre -, et donc supposés les plus assimilables;
a contrario, donner le caractère le plus provisoire et le plus
précaire possible à l'immigration des gens dont on dit
qu'ils ne parviendront jamais à s'adapter à la population
française.
2. Les droits des étrangers et des migrants (Par Cercle
migration et libertés)
La garantie du respect des droits des migrants doit être renforcée
dans le droit international. Nous ne pouvons accepter que le droit international
soit subordonné au droit des affaires et réglé
par l' Organisation Mondiale du Commerce. Accepter que les migrants
soient considérés comme des marchandises c'est accepter
un pas de plus dans la marchandisation de l'espèce humaine.
3. Le soft-apartheid helvétique (Par Dario Lopreno)
Si cette situation terrorise certains xénophobes angoissés
à l'idée de perdre « notre » identité,
c'est à nous d'essayer de gagner cette bataille et de montrer
combien la notion d'identité nationale est et a toujours été
une redoutable arme purement idéologique dans les mains de l'Etat
des privilégiés.
1- L'utilitarisme migratoire en question
Par Alain Morice. Anthropologue, chargé de recherches au Centre
national de recherche scientifique (CNRS, Paris).
Ce texte est la transcription d'une conférence donnée
à Fribourg et organisée, entre autres, par le collectif
des sans-papiers
Je vais surtout m'appuyer sur le cas français, parce c'est celui
que je connais le mieux et que la France est un très vieux pays
d'immigration, pratiquement le premier pays d'immigration dans l'histoire
de l'industrialisation européenne. En outre, nous avons le «privilège»
d'être le pays qui sert de phare à l'Union européenne
en matière de politique répressive et xénophobe.
Bien que la Suisse ne fasse pas partie de l'UE, elle est concernée
par les évolutions actuelles en matière de «politique
migratoire», entre guillemets, puisque j'expliquerai en quoi il
ne s'agit pas de «politique».
Je vais aborder surtout la question du travailcar elle occupe une place
centrale dans la vie des gens et dans les motifs de migrations.
En général, le travail est l'élément structurant
de la personne qui migre.
Parallèlement, je vais faire un rappel historique de ce qui s'est
passé en France. Sans se pencher sur l'Histoire, on ne comprendrait
pas ce qui se passe aujourd'hui. On ne comprendrait pas que ces mêmes
questions ont déjà été posées presque
dans les mêmes termes en ce qui concerne la xénophobie,
le racisme, la fermeture des frontières, les lois discriminatoires
sur le travail, etc. Tout cela existe depuis longtemps. La déréglementation
actuelle et le développement de l'emploi illégal sont
une production historique, sur laquelle je proposerai l'hypothèse
que l'immigration a été instrumentalisée.
Enfin, j'aimerais consacrer du temps à une question qui est toujours
plus présente dans la presse et les discours des politiciens,
à savoir la question du retour sélectif à une immigration.
On commence à reparler d'un déficit au niveau de la main-d'oeuvre
- surtout celle qu'on n'a pas envie de très bien traiter - et
on revient donc sur une stratégie que j'appelle le cynisme ou
l'utilitarisme migratoire.
«Importation», «gestion sélective» et
asile
Je pars de la doctrine française en matière d'importation
d'étrangers et de gestion des étrangers en France. D'une
part, on importe des gens en fonction des besoins qualitatifs ou quantitatifs
- supposés ou réels dans les anticipations - et qui sont
généralement liés au marché du travail.
Donc un besoin en matière de producteurs, de bras; et, si l'on
prend aussi les familles, c'est dans un but de paix sociale.
D'autre part, on vise à les intégrer (à l'époque
coloniale, on disait plutôt «assimiler») à
la société d'accueil, en l'occurrence la société
française. Nous avons donc deux volets: primo, contrôle
des flux migratoires par l'introduction de gens en fonction des besoins,
et secundo, assimilation de ces gens que l'on a accueillis.
Je précise tout de suite que ce programme théorique ne
fonctionne pas ou fonctionne très mal; ensuite, qu'il est très
largement motivé par des considérations idéologiques
et devenues électorales depuis les années 80; enfin, qu'il
est fréquemment contraire à l'esprit, sinon à la
lettre des droits humains. A ce sujet, il est un peu abusif de parler
de «politique migratoire» au sens noble que je me fais de
la politique, à savoir un plan concerté, respectueux des
gens, avec des objectifs clairs et justes, dénué de cynisme.
Je pense qu'il s'agit de tout, sauf de «politique».
Le modèle actuel (français), qui est devenu peu à
peu le modèle de toute l'UE, consiste, d'un côté,
à importer de manière opportuniste des travailleurs. Notons
qu'«importer» a une connotation à la fois pragmatique
(au coup par coup) et utilitariste (par rapport à des besoins
économiques, réels ou supposés). Et, de l'autre
côté, à pratiquer une gestion sélective et
même parfois eugéniste et raciste de cette immigration;
ce qui oblige à l'application de deux principes, au moins dans
le cas français: privilégier d'une part l'installation
durable des immigrés considérés comme les plus
proches de nous culturellement - le mot «racialement» était
utilisé avant la guerre -, et donc supposés les plus assimilables;
a contrario, donner le caractère le plus provisoire et le plus
précaire possible à l'immigration des gens dont on dit
qu'ils ne parviendront jamais à s'adapter à la population
française. Là, naturellement, les premiers qui sont visés
dans le cas français sont les arabo-musulmans.
Là où cela devient problématique, c'est que nous
sommes dans une situation - conjoncture - qui est devenue extrêmement
différente de l'époque où cette pseudo-politique,
telle que je l'ai résumée, a été définie.
Maintenant, la principale solution qui reste aux personnes désirant
immigrer, c'est la solution de l'asile, c'est-à-dire se présenter
comme réfugiées. La demande d'asile devient vecteur de
la migration. Nous sommes donc devant une chose que les xénophobes
ont beaucoup de mal à gérer: la demande d'asile peut être
légitime, et en même temps, les objectifs d'assimiler -
ou non - certaines personnes ne correspondent plus, aux yeux des gouvernants,
à ces populations qui demandent l'asile. Nous sommes donc, sans
surprise, confrontés à un système qui ne fonctionne
pas bien.
Histoires d'une demande d'importation
Maintenant, je vais passer au rappel historique, car il faut bien comprendre
que la situation actuelle n'est pas tombée du ciel. En France,
nous avons eu trois guerres qui se sont pratiquement soldées
par la même chose: une saignée des populations masculines
en âge de travailler, à une époque où la
force laborieuse était peu féminisée.
Ce fut le cas en 1871, 1918 et 1945. Dans les trois cas, il y a eu par
conséquent, ensuite, une demande d'importation de populations
extérieures pour remettre en route l'industrie et la natalité.
Voici, aussi brièvement que possible, quelques données
concernant le siècle que nous venons de quitter.
Dès 1924, le patronat crée la «Société
générale d'immigration» - étatisée,
elle deviendra plus tard l'Office national d'immigration -, une société
patronale chargée du recrutement, du transport et de la répartition
de la main-d'oeuvre. A cette époque-là, ça concernait
surtout l'industrie lourde et minière. Tous les secteurs de forte
croissance ont été des secteurs de forte absorption de
main-d'oeuvre immigrée. Par exemple, de 1921 à 1931, il
arrive plus d'un million de personnes déclarées, 2 millions
avec les familles, et sans doute encore le double avec l'immigration
clandestine, qui était considérable. En 1931, les immigrés
représentaient 42% des effectifs dans les mines et 38% dans la
métallurgie.
Il faut aussi préciser qu'à cette époque-là,
la règle était la privation des droits administratifs
et sociaux: interdiction de se syndicaliser, incapacité électorale,
déclaration obligatoire à la préfecture de police
de tous les déplacements professionnels et domiciliaires. C'était
un peu la continuation du livret de l'ouvrier de Napoléon 1er,
sauf qu'ici ça ne s'appliquait qu'aux immigrés, dépourvus
de tout droit.
Après 1945, on est pratiquement à nouveau dans le même
schéma: la nation doit faire face en même temps à
des impératifs économiques (reconstruction) et démographiques
(fécondité). Mais entre-temps, la France s'est dotée,
par l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'une législation sur l'entrée
et le séjour des étrangers, qui instituait, entre autres,
le double titre de séjour et de travail, source constante de
situations kafkaïennes (pour avoir l'un, il fallait avoir l'autre).
Ce texte est toujours en vigueur malgré une trentaine de refontes,
dont les plus célèbres sont les lois Pasqua I et II, Debré
et Chevènement. Sa fonction est de rappeler à l'étranger
qu'il y a un statut des étrangers, c'est-à-dire qu'il
y a un droit des étrangers, et que celui-ci n'est pas le droit
commun des citoyens nationaux.
Le statut de cette loi, qu'elle soit appliquée ou pas, est de
rappeler sa précarité juridique à l'étranger.
Pendant les «30 glorieuses» (en fait peu glorieuses), période
de croissance, 1945-74, la loi était peu utilisée. Les
étrangers étaient recrutés sur place. On les faisait
venir en France. Les recruteurs regardaient la dentition, la taille
des biceps, etc. et mettaient des tampons sur les papiers, voire sur
les corps; ensuite les «bons à immigrer» passaient
par l'Office national de l'immigration.
Dans l'ouvrage La mémoire confisquée. Les mineurs marocains
dans le Nord de la France (Ed. Septentrion, Lille, 1999), on trouve
le témoignage d'émigrés qui se souviennent d'un
ancien militaire chargé de les sélectionner: il fallait
avoir entre 20 et 30 ans, une bonne vue, une aptitude physique et morale
au travail à la mine, un corps sain, pas de maladie contagieuse
ni de précédents avec la police. Le recruteur Mora examine
dents et muscles, comme dans un album de Tintin. Enfin, «s'il
t'affiche un cachet vert sur la poitrine, cela signifie que tu es accepté;
un cachet rouge signifie que tu es refusé». Nous retrouverons
cela dans les préoccupations sélectives actuelles.
Parallèlement, il y avait un afflux considérable d'immigrés
clandestins. Tout le monde le savait. On parlait alors d'immigration
«sauvage» - avec les relents racistes que ce mot contient
- ou «clandestine», mais pas encore de «sans-papiers».
Comme le contrat de travail et le titre de séjour étaient
distincts, on amenait l'immigré à la préfecture,
et s'il y avait un emploi, il était régularisé
dans les 48 heures. La loi était là comme une épée
de Damoclès, mais fonctionnait peu dans la réalité.
Il s'agissait de jeunes, célibataires, certains avec de la famille
au pays - la famille ne venait pas en France -, qui logeaient dans les
fameux foyers Sonacotra, logements précaires conçus pour
des adultes isolés. Ils travaillaient plutôt dans l'industrie
lourde et le bâtiment-travaux publics (BTP), mais aussi dans le
nettoyage urbain.
Une phrase toute faite était déjà utilisée
à l'époque: «Ce sont les immigrés qui font
le boulot que les Français ne veulent pas faire.» Or ce
n'est pas ça: c'étaient les employeurs qui ne voulaient
pas de Français, mais qui voulaient des immigrés, car
ils jugeaient qu'ainsi il y avait plus de possibilités de pratiquer
la surexploitation. Se faire embaucher en tant que Français dans
les usines Renault ou Citroën, dans les années 60-70 était
quasi impossible.
Il existait enfin une sorte d'illusion partagée par tous les
acteurs - les immigrés et les pouvoirs publics: l'illusion de
l'espoir du retour, cette notion de «l'oiseau de passage»
comme l'a dit un célèbre sociologue américain.
Vingt ou trente ans après, ces gens sont toujours là,
la famille a été fondée et ils sont complètement
enracinés en France. Le moteur de l'immigration, ça a
été cette espèce d'illusion du retour qui ne s'est
pratiquement jamais vérifiée. Il n'existe en général
pas d'immigration dans le monde sans peuplement: il n'y a aucun cas
structurel d'immigration avec retour. L'exemple que je cite souvent,
c'est Brasilia au Brésil: lors de la construction de la capitale
du Brésil, au cours des années 60, les gens ont tous cru
que les bâtisseurs, venant du Nordeste très pauvre, allaient
repartir une fois le travail terminé. Ils sont restés
et autour de Brasilia - 1 million d'habitants très exactement
d'après le «plan pilote» initial - se sont constituées
des cités satellites, comptant aujourd'hui plusieurs millions
d'habitants. Mais on pourrait aussi citer le cas de la Suisse, qui s'est
aperçue que les étrangers avaient une fâcheuse tendance
à s'installer, et qui a cherché, en mars 1994, à
exclure les étrangers du «troisième cercle»
du travail saisonnier.
Le tournant de 1972-1974
En France, dès 1972, puis en 1974 avec le «choc pétrolier»
[récession généralisée dans les pays de
l'OCDE], on voit apparaître les premières mesures contre
l'immigration. A cette date, l'arrêt total, provisoire, de toute
immigration de travail est prononcé, ce qui se révélera
illusoire. Apparaît alors la notion de sans-papiers, c'est-à-dire
des gens qui tout à coup s'aperçoivent qu'ils ne sont
plus désirables et qui, par conséquent, commencent à
être pourchassés, situation relativement nouvelle. C'est
aussi l'époque des premières grèves de la faim
- significativement, la première, fin 1972, qui fera reculer
les autorités, est celle d'un étranger dont les titres
n'avaient pas été renouvelés pour cause d'activité
politique.
Il y a aussi eu progressivement un changement radical qui se manifestera
au début des années 80: l'irruption de l'immigration sur
le plan idéologique et électoral, qui jusque-là
était traitée sur le plan administratif. En 1974 encore,
à l'occasion de la première présentation de Le
Pen à l'élection présidentielle, l'immigration
n'était pas présente dans son discours ou dans son programme.
Au fur et à mesure de ce changement, ça devient une affaire
de démagogie, une affaire de dresser les gens contre une population
qui sert de bouc émissaire. C'est nouveau, bien que cela ait
eu lieu dans le passé aussi. La nouveauté réside
dans un fait: cela va devenir un thème incontournable de la propagande
politicienne de la représentation nationale, alors que sur le
plan local la question du «seuil de tolérance» à
l'égard des étrangers a commencé à être
agitée dès le début des années 70.
Au niveau du dispositif législatif, tout se durcit peu à
peu. On introduit en 1975 la notion d'«opposabilité de
la situation de l'emploi»: lorsqu'un employeur veut employer un
étranger et lui obtenir un titre de séjour, il lui faut
d'abord commencer par prouver qu'aucun national ou qu'aucun résident
étranger en règle ne pourrait o ccuper ce poste de travail.
En 1977, intervient la circulaire dite «du million» (de
centimes) qui incite les étrangers à repartir moyennant
en contrepartie une aide de 10000 FF [quelque 2500 francs suisses].
Ce sera un fiasco: quelques dizaines d'étrangers seulement repartiront.
Il y a également un durcissement sur le plan pénal.
Malgré tout, c'est l'époque où la question sociale
est telle que le gouvernement de Raymond Barre [il a été
premier ministre et ministre de l'Economie et des Finances du 25 août
1975 au 31 mars 1978, puis premier ministre du 3 avril 1978 au 13 mai
1981] est obligé de pratiquer le regroupement familial. Et c'est
là aussi la naissance des problèmes que nous rencontrons
à présent en France, qui sont en fait les problèmes
rencontrés par ceux et celles qu'on appelle de la «2e génération».
C'est-à-dire des enfants qui sont nés en France, qui sont
souvent de nationalité française par acquisition à
la majorité, et qui maintenant sont l'objet d'un assez grand
nombre de discriminations racistes, sur le plan scolaire, des loisirs,
de l'embauche, du logement, à cause de l'origine de leurs parents.
Parallèlement, avec les restructurations dans l'industrie et
dans l'économie, l'immigration a été instrumentalisée
dans le sens d'expérimentations de nouvelles formes de mise au
travail qui vont progressivement s'étendre à l'ensemble
de la population.
Flexibilisation et instabilité: l'immigration comme «laboratoire»
La période actuelle s'est annoncée par l'introduction
plus systématique du néolibéralisme et du
monétarisme avec le plan du ministre de l'Economie Jacques Delors,
en 1983 [sous la présidence de François Mitterrand]: l'heure
est aux gains de productivité, aux regroupements d'entreprises,
à la désinflation compétitive, à la limitation
des déficits publics, à la déréglementation
des salaires et des prix, etc. Au profit de la stabilité monétaire,
la question du plein emploi passe désormais au second plan, à
tel point qu'on peut croire que le chômage devient un mode de
gestion de la force de travail.
C'est ainsi une nouvelle période où l'on voit cette instrumentalisation
de l'immigration à l'oeuvre avec, particulièrement, la
multiplication de tous les contrats précaires, c'est-à-dire
les formes d'embauche auxquelles on suppose que l'immigration, et en
particulier les sans-papiers, va se prêter de bon gré.
La notion d'emploi à vie est désormais considérée
comme complètement réactionnaire: flexibilisation et instabilité
sont à l'ordre du jour.
Quand on commence à licencier massivement au début des
années 80, les immigré·e·s sont les premiers
à absorber le choc du chômage. Par exemple, dans l'automobile,
ils encaisseront à eux seuls plus de 42% de la suppression des
emplois. Même phénomène dans le BTP. Au niveau national,
on estime qu'ils représentent 12% des pertes d'emplois par an
après 1983, pour un total de plus d'un demi-million de salariés
entre 1975 et 1990.
Parallèlement, le travail des immigrés prendra peu à
peu toutes les caractéristiques de la main-d'oeuvre telle que
le patronat commence à la désirer. Le cas du BTP est éclairant:
développement de la sous-traitance et de toutes les formes d'externalisation,
hausse vertigineuse du travail temporaire, croissance du travail dissimulé
(dit abusivement «clandestin») et de toutes les formes du
salariat déguisé en travail «indépendant».
Sur le plan général, la mobilité intersectorielle
s'accélère, les restructurations se traduisent par un
mouvement de la main-d'oeuvre des grandes vers les petites unités,
de l'industrie vers le secteur des services, de la grosse entreprise
vers le sous-traitant, et de l'emploi déclaré vers l'emploi
plus ou moins informel. De par la position particulière des étrangers
dans le pays, l'immigration a donc joué un rôle expérimental
dans ce processus.
Triple rôle de l'immigration
Si l'on reprend l'ensemble de ces périodes pour voir ce qui se
cache derrière cette périodisation, on peut dire avec
divers chercheurs - voir notamment les travaux de Claude-Valentin Marie
- qui ont étudié la question que ce rôle spécifique
de l'immigration est triple.
Le premier, c'est ce qu'on pourrait appeler la «disponibilité
sociale». On entend par là ce qu'attendent les employeurs:
une plus grande mobilité, une plus grande adaptabilité
aux postes de travail, pas de tradition politique ou syndicale, de faibles
exigences salariales et, en matière de conditions de vie et de
travail, une situation de dépendance salariale (jusqu'à
la servitude pour dettes), la fluidité des conditions de
recrutement, et une plus grande vulnérabilité vis-à-vis
des pouvoirs publics.
Le deuxième rôle de l'immigration, c'est celui d'«amortisseur
de crise» dont j'ai déjà parlé. Les immigrés
sont les premiers embauchés en cas de reprises sectorielles ou
nationales, et les premiers licenciés en cas de crise [récession].
Le troisième rôle de l'immigration, c'est celui d'«amortisseur
social». Cela revient au rôle d'expérimentation et
au fait que sur le plan social, les employeurs et l'Etat trouvent avantage
au fait que l'immigration soit souvent très structurée
sur un plan communautaire: à partir de réseaux dans lesquels
la police ou la régulation sociale et politique se fait d'elle-même,
avec des mécanismes de pouvoirs complexes qui font qu'effectivement
ça porte plutôt les personnes à la docilité
et à une absence de réactions trop fortes, par rapport
à l'individualisme exacerbé de la société
occidentale en général. Cela va favoriser également
toute une série de d'éléments, notamment le dumping
social et les infractions généralisées au Code
du travail, qui petit à petit concerneront des fractions plus
étendues de la population laborieuse. Ce qu'on a fait pendant
toute une période avec les immigrés, maintenant on le
fait avec les femmes, les enfants et les enfants d'immigrés en
situation régulière ou naturalisés. On saura que
le premier maillon de la chaîne est celui des sans-papiers, qui
sont mis d'emblée hors droit.
Mécanismes de la mise au travail illégal
Il faut se pencher sur le sens d'un constat significatif: les secteurs
gourmands en main-d'oeuvre immigrée, en général,
sont également les secteurs qui sont gourmands en main-d'oeuvre
immigrée sans papiers.
Parmi ces secteurs, en France comme dans d'autres pays européens,
on trouve le BTP, les récoltes dans l'agriculture, la confection
(la France est une place mondiale du prêt-à-porter), l'hôtellerie
et la restauration, le secteur des services en général
(dont le nettoyage, la surveillance et la distribution ambulante de
prospectus), le travail domestique.
Ces secteurs se caractérisent fréquemment par: des rythmes
saisonniers et des conditions variables; une très forte sensibilité
à la conjoncture économique; des besoins surtout en main-d'oeuvre
non qualifiée; des traditions ethniques en matière d'embauche
comme c'est le cas pour la confection; un caractère familial
et paternaliste des relations de travail calquées sur le modèle
familial; des traditions en matière de négation du droit
du travail, et une capacité de corrompre les dépositaires
de l'autorité publique, ce qui débouche sur des habitudes
en matière de chantage à l'emploi et de non-respect du
Code du travail. D'ailleurs, un des arguments forts du BTP et de la
confection, où notoirement des quantités importantes d'argent
circulent frauduleusement, est que si la loi était respectée,
les entreprises n'auraient plus qu'à fermer et à jeter
leurs employés à la rue. Même scénario dans
l'agriculture.
On peut maintenant s'attarder sur cette superposition assez étonnante
entre les secteurs qui sont donc variables, archaïques ou peu réglementés,
et les secteurs du travail illégal. Quels sont les mécanismes
de la mise au travail illégal?
En France, depuis une loi de mars 1997, la notion de «travail
clandestin», à cause de ses ambiguïtés, a disparu
du vocabulaire juridique français. Elle a été remplacée
par la notion de «dissimulation». A présent, dans
le Code du travail français, il y a deux articles qui nous donnent
une première infraction qui s'appelle «activité
dissimulée», qui est le fait de ne pas se déclarer
en tant qu'entrepreneur; et une deuxième qui s'appelle «dissimulation
d'emploi» qui est le fait de ne pas déclarer ses employés.
Mais il y a un amalgame qui revient fréquemment. Il consiste
à mélanger les gens qui sont «clandestins»
du point de vue du séjour - c'est-à-dire qui n'ont pas
de papiers - et ceux qui seraient «clandestins» au niveau
du travail, si cette notion avait un sens. La notion de «travailleurs
clandestins» en France n'a aucun sens juridique parce que, au
contraire, chez nous, le Code du travail protège les personnes
qui sont employées illégalement. Elles sont considérées
par le Code du travail comme des victimes et non pas comme des travailleurs
clandestins. Même en cas de rupture de la relation de travail,
elles ont droit aux indemnités comme si elles étaient
déclarées. Le terme «travail clandestin» n'existe
plus, on parle de travail non déclaré ou d'emploi illégal.
Cet amalgame a fait beaucoup de tort au mouvement des sans-papiers parce
que les gens faisaient la confusion entre prétendus «travailleurs
clandestins» et ceux qui étaient entrés clandestinement.
Ce sont deux choses complètement différentes, si ce n'est
qu'un employeur n'a pas le droit d'embaucher quelqu'un qui ne possède
pas de papiers.
Les ressorts du mécanisme de la mise au travail illégal
sont les suivants: officiellement on ferme les frontières. Mais
tout le monde sait que la fermeture des frontières est impossible,
que c'est un mensonge et que les frontières sont des passoires.
Les flux ne diminuent pas, simplement l'entrée sur le territoire
devient plus difficile et plus coûteuse. La personne qui est candidate
- et qui maintenant vient de plus loin, comme du Sri Lanka ou de la
Chine par exemple - paie de plus en plus cher et se met de plus en plus
en dépendance à l'égard de tous les groupes concernés,
qui ont tendance à se constituer en réseaux que certains
qualifient de «mafieux», à savoir les passeurs, les
fabricants de faux papiers, les logeurs et les employeurs.
Il y a donc une situation de dépendance, et éventuellement
une situation d'endettement. Par conséquent, à la limite,
la personne va rentrer dans un processus typique de servitude pour dettes:
elle va donc finir par travailler uniquement pour rembourser sa dette.
La loi Chevènement [Jean-Pierre Chevènement a été
ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin du 4 juin 1997
au 29 août 2000], qui a considérablement durci les conditions
d'entrée en 1998 en France, a permis le doublement du prix du
voyage entre la France et la Chine, à savoir environ 120000 FF
[un peu moins de 30000 francs suisses]. C'est la mise en place d'un
dispositif fondé sur la dette, y compris la dette morale. C'est
aussi, éventuellement, le point de départ de bagarres
ethniques entre demandeurs d'asile d'origines différentes.
L'agriculture: clandestinité, volatilité des flux et déni
d'existence juridique
Prenons l'exemple de l'agriculture: l'agriculture s'articule de très
près à d'autres formes du travail précaire, et
notamment au travail saisonnier. Entre parenthèses, les statistiques
sur l'emploi illégal ne veulent pas dire grand-chose parce que,
par exemple, un employeur peut déclarer deux heures de travail
payé, alors que son employé en fait dix. Le problème
n'est donc pas seulement la quantité de travailleurs non déclarés,
mais aussi la quantité de travail clandestin de personnes employées
légalement.
L'agriculture s'articule sans contradiction avec le travail saisonnier.
A propos des émeutes racistes en Andalousie à la suite
d'un crime commis par un Marocain, un chercheur de l'Institut national
de recherche agronomique (INRA) en France a expliqué: «L'immigration
clandestine joue un rôle complémentaire de l'immigration
officielle.
L'exploitant doit disposer d'un volant supplémentaire d'ouvriers
pour faire face aux aléas et ces ouvriers doivent pouvoir être
engagés et renvoyés selon les besoins. L'immigration clandestine
apporte cette superfluidité indispensable et constitue également
un moyen de pression sur les immigrés officiels.» (Forum
civique européen, F-04300 Limans, 11.12.2001)
Cette citation est intéressante car elle va beaucoup plus loin
encore que le mécanisme que j'ai mentionné avant: c'est
l'intégration de l'immigré clandestin à l'économie
comme nécessité, mais c'est aussi une transformation de
l'économie qui va fonctionner en fonction de l'anticipation de
la clandestinité.
Plus loin, il est aussi question dans ce texte de la formation d'un
véritable apartheid sur place. C'est-à-dire qu'il y a
une espèce de ségrégation raciale qui se crée
et qui double le cas des réserves marocaines: non seulement le
Maroc constitue une réserve de main-d'oeuvre dans laquelle on
peut puiser assez facilement par l'intermédiaire des passeurs,
mais encore il y a également des réserves sur place dans
lesquelles les employeurs des serres vont puiser en fonction d'une demande
qui devient actuellement une demande quotidienne.
Le mécanisme est ici le suivant: vous avez une division du travail
qui se fait au niveau européen, pour les pays du Nord c'est la
viande, le lait et les céréales, pour les pays du pourtour
méditerranéen (Espagne, Italie, Grèce) ce sont
les légumes et les fruits cultivés sous serre, où
règnent des conditions de travail épouvantables.
La France est le pays le plus développé du monde au niveau
des supermarchés et c'est la France également qui est
le premier commanditaire de l'Espagne pour ce qui a trait aux fruits
et légumes.
Les gens passent leurs ordres, par exemple, à deux heures du
matin au moment des Halles [lieu de courtage - Rungis], et il faut que
les légumes soient arrivés le soir ou le lendemain tôt.
Voyons le résultat: aujourd'hui, moi, exploitant agricole, j'aurai
besoin de 20 travailleurs marocains pour récolter mes fraises,
demain j'en aurai besoin de 50, après-demain de 100. et le lendemain
de 0. Par conséquent, vous avez ce phénomène d'accordéon:
la réserve est créée sur place et ça, en
plus, c'est créateur de racisme, bien évidemment, car
un peuple qu'on exploite de cette façon est un peuple qu'on offre
au mépris des habitants. C'est effectivement ce qui se passe
en Europe, pas seulement en Andalousie.
Tout cela, c'est la soumission à la grande distribution et aux
donneurs d'ouvrage. On observe, dans le même genre, des phénomènes
qui se développent, notamment en France ou en Grande-Bretagne,
par exemple dans la cueillette de fruits et légumes avec le système
du «gang-master», c'est-à-dire du chef d'équipe
- qu'on appelait avant le patron ou le «marchandeur» - qui
constitue une équipe dans son environnement. Par exemple, un
homme monte une équipe parmi ses compatriotes et se responsabilise
pour louer son travail et celui de ses compatriotes; et il va ensuite
répartir l'argent. D'un point de vue disciplinaire c'est excellent
parce que cela repose sur des ressorts communautaires où en général
la discipline est librement consentie.
L'efficacité fonctionne à partir d'un déni d'existence
juridique, et ce y compris pour les travailleurs plus ou moins déclarés,
car en Andalousie, par exemple, il y a des restrictions qui empêchent
les travailleurs de se stabiliser et de faire venir leur famille. Il
y a dans ce cas une absence d'existence juridique: le sans-papiers est
toujours entravé par ces difficultés.
N'avoir pas d'existence juridique signifie n'avoir pas de recours possible
contre les employeurs en mobilisant la loi. Et surtout, c'est un mécanisme
subjectif: il y a une espèce d'inversion idéologique de
la responsabilité ou de la domination et une espèce de
gratitude à l'égard de l'employeur, de celui qui fait
souffrir.
A partir de l'absence de statut juridique du sans-papier, celui-ci tend
à devenir reconnaissant envers son employeur, son logeur ou son
passeur. Par analogie, voici ce que j'ai pu constater dans le BTP au
Brésil, avec le système des «gatos». Le «gato»
(le chat), comme recruteur, chef d'équipe et interlocuteur du
donneur d'ouvrage, est celui qui domine et qui exploite au premier degré,
mais il est souvent considéré comme le protecteur, quoique
ce soit une illusion. C'est la finesse du mécanisme: faire voir
les choses pour ce qu'elles ne sont pas. L'ultime ressort de ce phénomène
du point de vue subjectif, c'est la peur et la menace. Autrement dit,
la loi xénophobe qui interdit aux étrangers d'entrer est
une aubaine pour tout un ensemble de secteurs économiques, même
si, évidemment, ce ne sont pas les sans-papiers qui font tourner
l'économie globale du pays.
Un rapport dominant/dominé
Revenons sur l'idée d'une instrumentalisation de l'immigration
qui a donc maintenant une portée un peu plus importante. Cette
instrumentalisation est parfois présentée positivement,
et cela m'a personnellement toujours un petit peu gêné.
On entend beaucoup de personnes qui tiennent un discours très
généreux, qui affirment que l'immigration est utile à
notre société, qu'on manque de reconnaissance à
l'égard des immigrés parce qu'ils sont un apport. On parle
également de richesse venant du brassage culturel, dans le respect
des différences, etc.
Je trouve ce discours parfois extrêmement hypocrite ou au moins
inconscient des réalités. S'il y a une utilité,
elle est pour le Capital. Le reste, ça n'existe pas, l'utilité
culturelle ça ne veut rien dire, ça ne passe pas nécessairement
par l'immigration de travail exploité, et tous les échanges
sont bien sûr culturellement utiles, donc cela ne vaut pas la
peine d'en parler.
En même temps, on a un autre élément de cet utilitarisme
qui consiste à dire que celui qui reste chez nous doit respecter
les lois du pays, ses coutumes, et ne pas abuser. La Suisse est un peu
pionnière dans cette question de respect de l'esprit national,
qui est apparue déjà dans les années 20. Il y a
tout un débat là-dessus: est-ce qu'un étranger
doit ou non s'intégrer au point de perdre sa personnalité?
Les règles sont un peu faussées dans le sens où
nous sommes dans un rapport dominant-dominé et non pas dans un
rapport entre égaux. Par conséquent, on ne peut pas raisonner
sainement sur le fameux débat «le communautarisme contre
le républicanisme à la française». Demander
une pure et simple «assimilation», dans la tradition du
colonialisme français, c'est aussi oublier qu'une nation n'est
pas fixée une fois pour toutes, sauf si elle se donne comme définition
d'elle-même une hostilité de principe à tout ce
qui est étranger. Ce débat est certes délicat et
difficile, mais il faut voir que du paternalisme à la xénophobie,
il n'y a qu'un pas.
Par ailleurs, un peu comme chez vous en Suisse, cette espèce
de méfiance permanente envers les étrangers se traduit
par une multiplication des titres de séjour à caractères
statutaire et juridique différents au fur à mesure que
l'on avance dans le temps. La notion de «résident de plein
droit» - c'est-à-dire en France avec une carte de séjour
de 10 ans (comme le titre de 5 ans chez vous) - est remise en cause
et maintenant, pour des raisons d'ordre public notamment, des titres
de séjour ne sont parfois plus renouvelés. En outre, il
importe de savoir que jusqu'à maintenant, les régularisations
faites en France l'ont presque toujours été avec un titre
d'un an, donc précaire - la loi prévoit un titre de 10
ans après le troisième renouvellement, mais l'étranger
a intérêt, dans l'intervalle, à éviter tout
incident.
Sélection, xénophobie, racisme et assimilation
Passons à la question de la sélection et du racisme en
matière de politique d'immigration. La question de la sélectivité
est au coeur des nouvelles politiques stratégiques européennes
en matière de reprise de l'immigration. Ce qu'un de mes collègues
belges appelle le «racisme européen», c'est-à-dire
cette espèce de préférence pour les étrangers
issus de l'UE par rapport aux autres, est fondé sur un discours
extrêmement ambigu à l'égard des immigrés.
La formule est la suivante: «On a besoin de vous, mais si on pouvait
se passer de vous, ça serait quand même beaucoup mieux.»
L'économie française, à la fois, en a besoin, et
s'en méfie. Mais la dialectique entre le besoin et la méfiance
est quand même une contradiction.
En France, on avait autrefois plutôt une préférence
pour les gens catholiques: alors on allait les chercher du côté
de la Pologne, de la Belgique ou de l'Italie, ce qui n'a pas empêché
beaucoup de racisme.
Et puis on a mobilisé la science démographique avec des
grands pionniers comme Alfred Sauvy [1898-1990] et Georges Mauco [1899-1988].
Mauco a tenté, entre les deux guerres, de démontrer que
certaines personnes étaient moins assimilables que d'autres.
Il a proposé un classement qui rappelle un peu celui qu'on trouvait
dans la presse suisse il y a quelques années, entre les migrants
«haut de gamme» et les migrants «bas de gamme».
En 1937, à partir d'un sondage auprès de 17000 salariés
de l'industrie automobile, il les classe par nationalité selon
l'opinion des employeurs en fonction d'un certain nombre de critères:
tenue, obéissance, aptitude à travailler, rapidité,
etc. Cela donnait des classements de 1 à 10 où on voyait
que, pour l'aspect physique, les employeurs notaient par exemple les
Belges 10/10, tandis que les Arabes avaient 1,2/10; pour la «mentalité»
les Belges avaient 6,8 et les Arabes 2,8; pour la discipline le rapport
était le même. En conclusion, nous avions, selon Mauco,
deux catégories d'étrangers: une catégorie d'étrangers
«désirables» et une catégorie d'étrangers
qui ne sont pas particulièrement désirables. Parmi ceux
qui étaient à peu près désirables, nous
avions les «Nordiques», qui devaient constituer 50% des
personnes que l'on devait importer, les «Méditerranéens
proches» (30%), et les Slaves (). Petite curiosité: les
Suisses faisaient partie des Nordiques; je ne savais pas que la Suisse
était au Nord de l'Europe, mais Mauco, lui, le savait. Le critère
est évidemment raciste. Quand on parle des pays du Nord et du
Sud maintenant, l'Australie est un pays du Nord, alors.
Concernant les réfugiés, Mauco invente aussi une hiérarchie,
qui met les «Slaves» en tête. Mais, parmi la catégorie
des «non désirables» et «non assimilables»,
on compte entre autres les Arméniens et les Juifs.
Tout tourne autour de la question de l'assimilation. Ces choses ne sont
aujourd'hui pas dites dans les mêmes termes, mais si vous dépouillez
un peu la presse et les discours des politiciens, on n'en est pas si
loin.
Alfred Sauvy, de son côté, démographe internationalement
connu, a repris l'idée de l'impossibilité d'assimiler
les Nord-Africains; pour les Algériens, ça a évidemment
été son cauchemar, puisqu'ils étaient dans un département
français et par conséquent de nationalité française.
Quand il y a eu les accords d'Evian (1962), ils ont continué
à bénéficier de l'accord de libre circulation.
On retrouve un peu dans tout cela la théorie des trois cercles,
qui a sévi pendant pas mal de temps en Suisse.
A la Libération, le général de Gaulle - qui dirige
le gouvernement provisoire de la République française
(GPRF) - fait cette déclaration devant l'Assemblée consultative
provisoire: «Il faut appeler à la vie les 12 millions de
beaux bébés qu'il faut à la France en dix ans,
et introduire au cours des prochaines années avec méthode
et intelligence de bons éléments de l'immigration dans
la collectivité.» Vous avez là la synthèse
complète de l'eugénisme: les «beaux et bons bébés»
et «avec méthode et intelligence» les «bons
éléments». A ce moment, entre en vigueur l'ordonnance
du 2 novembre 1945, citée précédemment, qui est
donc la loi sur les étrangers. Dans cette loi, ce n'est pas le
point de vue de Mauco qui a gagné. G. Mauco voulait une loi raciale:
que la loi définisse quels étaient les «bons»
et les «mauvais» immigrés du point de vue de leur
origine. C'est le point de vue républicain qui a prévalu
- même si la loi n'est pas bonne -, à savoir que l'entrée
et le séjour relèvent du droit commun, que cela ne concerne
pas l'origine des gens. Il n'y a rien de raciste dans l'ordonnance de
1945: c'est un ensemble de mesures qui encadrent l'entrée et
le séjour des étrangers, sans hiérarchie entre
les origines. Le point de vue de Mauco, là, a été
battu en brèche. Mais le général de Gaulle crée
le Haut Commissariat à la population et il nomme secrétaire
général. Georges Mauco en personne, qui restera en poste
jusqu'en 1970. C'est dire que derrière les querelles de façade
entre les politiciens, on voit quand même que ce qui domine, c'est
l'accord en matière de xénophobie et de racisme.
Un combat unifié: libre circulation, droit du travail et antiracisme
Pour conclure, de manière générale, nous sommes
actuellement dans une conjoncture où l'immigration commence à
se faire toujours plus sous couvert d'asile. En tenant compte que les
occasions (guerres, famines.) de flux migratoires basés sur l'asile
se multiplient, et que c'est souvent le seul créneau d'immigration
qui reste aux gens, il est logique qu'ils aient tendance à l'utiliser.
Au regard d'autres législations internationales, qui ont été
fabriquées successivement pour les Russes après la révolution
d'Octobre, pour les Juifs avec la persécution nazie, puis également
pour les victimes de la guerre froide après la Seconde Guerre
mondiale, on peut supposer que la législation internationale
(notamment la Convention de Genève) est un peu périmée.
Autrement dit, elle ne correspond pas aux réalités d'aujourd'hui.
Au niveau européen, en matière d'asile, les doctrines
sont en train de se chercher.
Elles sont en train de se chercher dans deux directions: dans le sens
d'un besoin face à une démographie vieillissante en raison
du déficit de renouvellement de la natalité des populations
indigènes; et dans le sens d'un besoin sectoriel nouveau, par
exemple dans l'agriculture sous serres ou dans l'informatique.
Donc on en arrive à des discours qui commencent à prôner
de plus en plus clairement une ouverture raisonnée mais sélective
des frontières, c'est-à-dire qu'on va retrouver toute
cette histoire de racisme.
En France, ça a commencé dès 1995 avec un rapport
intitulé «La France dans vingt ans», rapport qui
disait: «D'ici cinq ans nous allons avoir besoin d'immigration
à nouveau.» Il y a eu la petite bombe du rapport de l'ONU
l'an passé, disant que l'Europe allait avoir besoin de 70 millions
d'immigrés d'ici les cinquante prochaines années. Il y
a eu la fameuse déclaration du patronat, notamment français,
sur le thème «il faut renouveler notre stock de main-d'oeuvre
étrangère». On se retrouve dans la problématique
des bons et des mauvais immigrés: à nouveau, les pays
vont essayer de se mettre d'accord sur des choses qui ne vont pas marcher,
parce que c'est impossible. Et de gérer de façon de plus
en plus déréglementée le travail au noir, qui lui-même
n'est que le point de départ de la déréglementation.
A la limite, le travail au noir n'existera plus lorsqu'il n'y aura plus
de Code du travail!
D'une part, on recherchera une main-d'oeuvre non qualifiée extrêmement
mobile, «en accordéon» selon les besoins instantanés
de l'économie.
Et d'autre part, une main-d'oeuvre ultraqualifiée, c'est la fameuse
«fuite des cerveaux» qui indigne certains tiers-mondistes
incapables de voir là les effets d'une stratégie d'exploitation
néocoloniale bien concertée: ce ne sont pas les cerveaux
qui «fuient», ce sont les pays qui sont désormais
traités comme un élevage de cerveaux, où l'on puise
selon les besoins. Mais dans les deux cas, de plus en plus se développe
l'idée de gérer l'immigration par des «contrats
à durée de chantier»: on fait venir des salariés,
qu'il s'agisse d'informaticiens ou de saisonniers agricoles, pour une
durée déterminée, et ensuite on leur demande de
repartir. Mais les gens ne repartent pas, l'Histoire nous l'a appris.
Ainsi, ce qui est évident, c'est qu'on va vers les mêmes
errements - errements dus à une conception qui ramène
l'homme à une marchandise.
Mais l'Histoire ne se répète pas. Ce qu'on voit se profiler,
c'est une accentuation de la tension raciste de gestion de cette main-d'oeuvre,
parce que là on va définir un nouveau système de
devoirs qui consiste à dire aux gens: «Vous avez accepté,
vous allez jouer la règle du jeu; sinon vous repartez.»
Ceux-ci, et c'est normal, vont trouver cela absolument injuste et ne
repartiront pas. Et par conséquent, on va avoir des tensions
qui vont devenir encore plus dangereuses que ce que nous avons connu
jusqu'à présent.
Ce type de débats, on le trouve aux Etats-Unis depuis longtemps.
Il y a par exemple le «modèle Virginie» qui sélectionne
les gens selon leur appartenance religieuse; et le «modèle
Massachusetts» qui sélectionne les gens par leurs compétences.
A l'intérieur des pays riches industrialisés, nous sommes
en face de tout un débat - y compris de la part des dirigeants
de l'UE - pour savoir comment «reprendre» l'immigration
à l'heure actuelle.
Quant à ma position, compte tenu que les partisans d'une ouverture
des frontières se sont souvent fait traiter de complices du néolibéralisme,
compte tenu de ce que, de façon de plus en plus manifeste, le
néolibéralisme s'alimente au contraire de la précarisation
des travailleurs consécutive à la fermeture des frontières,
je crois qu'on doit énoncer ceci, en partant des observations
précédentes: le combat pour la libre circulation des hommes
est inséparable d'un combat simultané pour le respect
du droit du travail et contre la déréglementation, ainsi
que du combat contre toute forme de racisme.
Sans cette position globale, il n'y a aucun sens à revendiquer
l'ouverture des frontières. Il faut ajouter enfin que cet ensemble
de luttes n'aura désormais de sens qu'à l'échelle
européenne.
2- Les droits des étrangers et des migrants
Par Cercle migration et libertés
L'aptitude du mouvement social et citoyen à prendre en charge,
au niveau local, national, européen, mondial, l'ensemble des
questions de la période est la condition de son développement.
Il se doit de prendre en compte les questions majeures liées
aux inégalités sociales et aux discriminations ; aux inégalités
entre le Nord et le Sud, aux rapports de domination, aux guerres et
aux conflits ; au respect des droits des générations futures
et à la préservation des écosystèmes ; aux
dénis des libertés individuelles et collectives et des
droits démocratiques.
Nous voulons par cette déclaration attirer l'attention sur la
question centrale et trop souvent négligée, des étrangers
et des migrations.
Nous ne le faisons pas seulement pour défendre les droits particulièrement
contestés des étrangers et des migrants ; nous le faisons
surtout parce que ces droits s'inscrivent dans l'ensemble des droits
et que leur remise en cause se traduira par une atteinte à tous
les droits et aux droits de tous. Nous le faisons aussi parce que le
mouvement social et citoyen doit démontrer sa capacité
à assumer un rôle historique, à prendre en charge
la société dans toutes ses dimensions, y compris sa dimension
mondiale.
L'échelle européenne est une échelle pertinente
pour poser cette question. Elle est déjà, pour les pays
européens, celle de la définition des politiques publiques
en matière d'immigration, celle de la concertation et de la prééminence
d'un espace judiciaire européen.
Dans la situation actuelle, les gouvernements se confortent les uns
les autres pour accentuer une approche régressive et répressive
des droits des étrangers et des migrants. Pourtant, la dimension
européenne offre des possibilités. La diversité
culturelle est une des conditions de l'identité européenne
; les migrations et la conquête des droits des migrants font partie
de l'histoire de l'Europe et de son identité. Le mouvement social
et citoyen européen qui se construit, à partir des mouvements
locaux et nationaux, doit s' approprier cette question, s'en saisir
de manière positive et offensive.
Cette première contribution est plus directement marquée
par les réalités de la société française
; c'est de cette situation que nous partons. Nous versons cette contribution
pour que, dans l'année qui vient, du Forum Social Européen
de Florence à celui de Paris et Saint-Denis, à partir
des différentes situations et propositions, nous puissions construire
ensemble une position commune sur la question des droits des migrants
et des résidents étrangers dans la perspective de l'égalité
des droits de tous, de leur garantie et de leur approfondissement.
Le traitement désastreux de la question des étrangers
et des migrants explique, en partie, l'échec de la gauche.
Nous sommes dans une période contradictoire. Une période
marquée par la montée du populisme et des références
de l'extrême droite, mais aussi une période de renforcement
du mouvement social et citoyen.
Cette contradiction n'est pas seulement française, elle est aussi
européenne et mondiale. Pour la caractériser, nous voulons
citer cette proposition de Gramsci qui avançait, entre les deux
guerres mondiales, dans une période analogue : « le vieux
monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et
dans ce clair obscur, surgissent les monstres »
Dans ces périodes, la situation des couches sociales les plus
exposées est significative de la nature profonde des sociétés
dans lesquelles nous vivons. Les migrants occupent aujourd'hui, dans
l'imaginaire des sociétés mondialisées, la place
des « classes laborieuses, classes dangereuses », réservée,
il y a quelques décennies, au prolétariat.
Sur cette question s'opposent de manière radicale, d'une part,
ceux qui pensent que le progrès social et démocratique
implique la protection contre l'étranger et, d'autre part, ceux
qui estiment qu'un progrès social et démocratique construit
sur l'exclusion a peu de chances d'être durable.
Nous pensons que l'échec de la gauche est lié au traitement
désastreux de la question des étrangers et de l'immigration.
La situation a été de ce point de vue très proche
dans l'ensemble des pays européens gouvernés par des alliances
dirigées par des partis sociaux-démocrates. En France,
il y a certes plusieurs raisons combinées qui expliquent la perte
de crédibilité du projet de la gauche plurielle et le
divorce avec l'électorat populaire. La rigidité par rapport
aux sans-papiers a été, pour certains, une rupture morale.
La difficulté à comprendre l'exaspération des exclus
et à leur assurer un égal accès aux droits a approfondi
cette rupture. La dérive des mesures sociales les plus prometteuses
vers les couches moyennes a dérouté de larges secteurs
des couches populaires. L'incapacité à échapper
à la surenchère dans la montée des dérives
sécuritaires et nationalistes pendant la campagne a dérouté
de larges secteurs de la population, particulièrement de la jeunesse.
Les droits des migrants et des étrangers sont doublement remis
en cause, par les inégalités sociales et les discriminations,
et par la domination du Sud par le Nord ; ceci met en danger l'ensemble
des droits.
Une société solidaire implique la lutte contre toutes
les discriminations ; particulièrement le racisme, la xénophobie
et celles qui reposent sur le genre. En France par exemple, nous ne
pouvons accepter la représentation idiote qui voudrait que «
tous les français sont racistes ». Pas plus qu'on ne peut
imaginer une idéalisation dans laquelle « les français
ne sont en aucun cas racistes ». Nous savons que le racisme et
la xénophobie jouent le rôle de « valeurs »
constitutives de larges secteurs de la société française
; et que ces comportements sont ancrés dans un passé colonial
qui se perpétue dans la nostalgie d'une France dominatrice. Mais
nous savons aussi qu'une large partie de la société française
n'a jamais hésité à marquer son refus du racisme
et même à manifester son anti-racisme. C'est par une action
continue qu'on peut faire reculer le racisme et la xénophobie
dans la société française à condition de
refuser tout suivisme par rapport aux offensives de l'extrême
droite et de développer nos luttes à partir des valeurs
de liberté et d'égalité.
L'insécurité est réelle dans les sociétés
contemporaines. Cette insécurité résulte de la
remise en cause des statuts sociaux par la précarisation, des
solidarités et des identités par la modernité,
de la paix par les conflits. Répondre à la demande de
sécurité par une idéologie sécuritaire et
par un Etat autoritaire et répressif, c'est entrer dans une surenchère
qui profitera, en dernière instance à l' extrême
droite. Accepter de faire des étrangers et des migrants les boucs
émissaires de cette situation est dangereux et illusoire ; comme
ils ne sont ni la cause ni la solution à cette situation, leur
stigmatisation ne fera qu'augmenter les craintes et entraînera
toute la société dans une spirale régressive. Accepter
l'idée que l'Europe est en guerre contre les migrants et qu'il
est normal, qu'à ses frontières, des centaines de personnes
trouvent la mort, conduira à accréditer la conception
d'une Europe forteresse, fermée et indifférente à
l'évolution d'un monde dont elle est aussi responsable.
Les migrants font partie du peuple ; tous ceux qui habitent le même
territoire, qui y travaillent et qui y vivent, y compris les étrangers.
Nier leur appartenance se traduirait assez vite par la négation
de toute la diversité qui constitue la richesse de toute culture
et s'oppose à la logique de la purification ethnique. Ce serait
surtout affaiblir le camp de tous ceux qui ont intérêt
à changer ensemble la société. Avec l'élargissement
du système-monde, la citoyenneté prend de nouvelles formes.
La citoyenneté de résidence est une de ces formes. La
mondialisation n'annule pas les identités nationales et les solidarités
communautaires, elle n'annule pas non plus les frontières mais
elle en modifie l'acceptation. Les solidarités s'appuient sur
la diversité culturelle et les inscrivent dans une unité,
celle d'un avenir commun librement assumé.
La mise au ban des migrants et des étrangers fait partie d'une
politique de précarisation généralisée.
Cette précarisation se traduit par les licenciements et le chômage,
la marginalisation des empois stables, la remise en cause des statuts
sociaux et des systèmes de protection sociale. La négation
des droits pour une partie de la population fragilise l'ensemble. Progressivement,
les droits des catégories successives sont remis en cause. Les
femmes qui sont de plus en plus au centre des restructurations de l'immigration,
et qui sont soumises à des conditions spécifiques d'oppression
et de domination, subissent particulièrement la dégradation
de cette situation. Aucune politique reposant sur la division et l'exclusion
ne peut assurer un progrès social et démocratique ; elle
se traduit toujours par une exclusion en chaîne.
La précarisation généralisée est le résultat
recherché des politiques de libéralisation menée
dans le cadre de la mondialisation. Cette mondialisation, dans son cours
actuel, repose sur deux fondements : les inégalités sociales
et les discriminations ; les inégalités entre pays et
la domination du Sud par le Nord. Les migrants sont au cour de ces deux
questions. La négation des droits des migrants trouve aujourd
'hui sa source dans la domination du Sud par le Nord, dans les discriminations
et dans la faiblesse du mouvement de défense solidaire.
Les droits des migrants et des étrangers occupent une place stratégique
dans un projet d'émancipation sociale et démocratique.
Nous rappelons ici les cinq principes de base et quelques propositions
immédiates.
La liberté de circulation et d'établissement fait partie
des droits fondamentaux. Le reconnaître est un préalable
et l'indication d'un objectif. Cette reconnaissance ne revient pas à
décréter l'ouverture immédiate et incontrôlée
des frontières, car comme toute liberté, la liberté
de circulation et d'établissement doit être aménagée
et organisée. Mais, les difficultés à mettre en
ouvre un droit n'autorise en aucun cas à accepter la négation
de ce droit. D'autant que le risque d'une invasion massive fait partie
de ces fausses évidences soigneusement entretenues ; rappelons
que l'essentiel des flux migratoires va de pays du Sud vers d'autres
pays du Sud et n'oublions pas que l'ouverture des frontières
à l'occasion de l'adhésion à l' Europe s'est traduite
par un large retour des émigrés dans toute l' Europe du
Sud.
Des dispositifs d'accueil et d'insertion devraient être créés
impliquant non seulement les autorités gouvernementales, mais
surtout de façon plus directe les collectivités locales,
les organisations syndicales et les associations, acteurs décisifs
en la matière. Ces dispositifs n'auraient aucun caractère
obligatoire, mais les candidats à l'installation seraient encouragés
à s'y inscrire par différentes mesures incitatives favorisant
l'accès à l'apprentissage de la langue, au logement, à
l'école et à l'emploi. Ainsi serait enfin élaborée
une politique nationale d'hospitalité portée, non par
les seuls pouvoirs publics, mais par la société dans son
ensemble. Dans l'immédiat nous proposons de supprimer les visas
d'entrée de court séjour en Europe ; de créer un
droit de recours suspensif pour toutes les décisions administratives
entraînant un refus de séjour ; d'admettre la légitimité
des opérations de régularisation fondées sur le
respect des droits la personne et le refus de zones de non-droit ; d'inscrire
le droit d'établissement en Europe pour les ressortissants de
la zone ACP dans les accords de coopération.
La lutte contre les inégalités et les discriminations
doit être le fondement des politiques publiques. Les inégalités
sont structurées par les discriminations ; la lutte contre les
inégalités passe donc par la lutte contre les discriminations.
Les migrants et les étrangers sont une des fractions de la population
les plus exposées ; le respect de leurs droits fait partie intégrante
de la lutte pour le respect des droits de tous. La lutte contre les
discriminations, qui passe par le respect des droits fondamentaux et
la garantie d'égalité d'accès, doit être
le fondement des politiques publiques. Nous avons tous pu vérifier
que toute atteinte à l'accès des étrangers aux
services publics n'est qu'une première étape pour restreindre
l'accès de tous aux services et subordonner cet accès
à des mécanismes de marché discriminatoires en
fonction de revenus. Dans l'immédiat, nous proposons de substituer
le principe de l'égalité des droits à celui du
maintien de l'ordre public dans les législations concernant les
étrangers ; d'annuler la double peine ; de lier la lutte contre
le travail clandestin aux politiques de l'emploi, à la garantie
des droits des personnes et au respect du droit du travail.
La citoyenneté de résidence est aujourd'hui le fondement
démocratique de nos sociétés. Elle préserve
le rapport entre citoyenneté et territoire mis à mal par
la mondialisation. Elle fonde les libertés démocratiques
de chaque personne par rapport à l'imposition des appartenances
communautaristes. Plusieurs évolutions vont dans ce sens, l'évolution
du droit de la nationalité avec une reconnaissance plus grande
donnée au droit du sol, du droit de vote dans l'Union Européenne,
les élections prud'homales, les essais de démocratie participative,
etc. Cette progression des pratiques démocratiques se heurte
aux nationalismes crispés sur des conceptions rétrogrades.
Le défi de la période à venir est dans l'élargissement
et l' approfondissement démocratiques par l'articulation des
formes représentatives et participatives à tous les niveaux,
ceux de l' entreprise, du local, du national, des grandes régions
et particulièrement de l'Europe, du mondial. La place des migrants
et des étrangers est un révélateur de cette évolution.
Dans l'immédiat, nous proposons de confirmer le fondement de
la nationalité sur le droit du sol ; de garantir l'égalité
des droits à tous les résidents ; d'ouvrir les emplois
réservés et de rejeter les préférences nationales
ou européennes ; d'étendre la citoyenneté européenne
à tous les résidents ; d'assurer l'égal accès
des résidents à toutes les instances participatives et
représentatives.
La solidarité internationale est une des principales valeurs
de référence par rapport au cours dominant de la mondialisation.
Il faut rappeler le rôle historique des flux migratoires, et des
migrants en tant qu'acteurs déterminants, dans le développement
des sociétés d' origine et des sociétés
d'accueil. Rappeler aussi que les flux migratoires sous leurs différentes
formes (migrations économiques, demandeurs d'asile, diasporas,
exode des cerveaux et assistance technique, etc.) structurent l'espace
mondial et représentent l'un des aspects de la mondialisation.
Rappeler enfin le rapport entre émigration et développement
; il est impossible de réfléchir au développement
et au système mondial en dehors des flux migratoires ; l 'immigration
est au cour du développement. Les modalités de coopération
mises en place par les migrants renouvellent la coopération.
Les migrants sont un vecteur stratégique et privilégié
de la sensibilisation des sociétés européennes,
et de la solidarité internationale, en France, en Europe et dans
les pays d'origine. S' appuyer sur la richesse et la diversité
des habitants et des citoyen, c'est ancrer la coopération dans
la réalité des quartiers, des communes et des régions,
c'est construire un niveau supérieur d' identité et d'unité,
c'est ouvrir la France et l'Europe au monde. Dans l'immédiat,
nous proposons de défendre la liberté d'association et
d' expression comme un des fondements de la coopération ; de
reconnaître les migrants comme des acteurs essentiels de coopération
; que chaque accord de coopération comporte des volets sur la
liberté de circulation, les conditions de la liberté d'établissement
et les conditions de formation et de qualification.
La garantie du respect des droits des migrants doit être renforcée
dans le droit international. Nous ne pouvons accepter que le droit international
soit subordonné au droit des affaires et réglé
par l' Organisation Mondiale du Commerce. Accepter que les migrants
soient considérés comme des marchandises c'est accepter
un pas de plus dans la marchandisation de l'espèce humaine. Dans
l'immédiat, nous devons exiger que le gouvernement français,
les autres gouvernements européens et l'Union Européenne,
ratifient la « Convention internationale sur la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
» approuvée le 18 décembre 1990 par l'Assemblée
générale des Nations Unies, signée par seulement
26 pays, et d'ailleurs uniquement des pays du Sud ; elle pourrait donner
de véritables garanties aux migrants sur le plan international.
Nous proposons aussi une Conférence Internationale organisée
par les Nations Unies pour discuter des flux migratoires et de la garantie
des droits des migrants, de la liberté de circulation, de l'égalité
des droits entre les résidents et des droits des réfugiés
dans les règlements des conflits. Une première étape,
associant les différents secteurs de l'opinion, et notamment
les migrants, peut être mise en ouvre dans l'Union Européenne.
3- Le soft-apartheid helvétique
Par Dario Lopreno
La politique des étrangers en Suisse consiste en un réel
soft-apartheid qui se fonde sur la diversité des permis de travail
- plus précisément des 8 permis de travail différents
auxquels s' ajoutent un certain nombre de sous-catégories ainsi
que les clandestins - divisant les travailleurs en autant de groupes
correspondant à des durées de séjour différentes,
à des droits sociaux différents, à des droits professionnels
différents, à des différences au niveau du regroupement
familial, à des différences en matière de scolarisation
des enfants, à des droits fiscaux différents, etc. Cela
concerne 1'527'000 étrangers, clandestins non compris (ces derniers
étant entre « 150'000 » et « quelques centaines
de milliers » selon les sources), soit le 21.3% de la population
de la Suisse, ce qui, malgré les apparences, n'est pas un pourcentage
élevé, compte tenu de la difficulté de se naturaliser.
Quant au domaine de l'asile, en 2000, il compte 98'480 personnes (soit
le 1.5% de la population), dont 32'114 admissions provisoires (qui ne
sont pas comptées dans le domaine de l'asile en France, par exemple,
ce qui réduirait le domaine de l'asile à 0.9% de la population
de la Suisse). Parmi ces 98480 personnes, 27'500 sont en recours dont
90% vont être déboutées et renvoyées, selon
les statistiques de la Commission fédérale de recours
en matière d'asile.
L'unification des politiques de l'asile et de l'immigration par la répression
des clandestins
Sur les points essentiels de la nouvelle Loi sur les étrangers
, les auteurs du projet de LEtr sont en parfaite convergence avec la
politique de l'Union européenne qui considère qu'il faut
« pour les domaines distincts, mais étroitement liés,
de l'asile et des migrations, élaborer une politique européenne
commune » . Ils font ainsi de l'asile et de l'immigration un seul
domaine de facto et une seule politique, tout en laissant exister deux
champs juridiques séparés (asile et immigration), afin
de respecter formellement la Convention de Genève et de préserver
une vitrine humanitaire.
La fusion de ces deux politiques s'opère par le volet commun
de la clandestinité. En effet, tout repose ici sur une intersection
entre les deux domaines : d'un côté, les requérants
d'asile, avant d'être tels, sont des sans-papiers (clandestins)
et, d'un autre côté, les immigrants extra-communautaires
- à l'exception des quelques autorisés - et les illégaux
de l'Union Européenne (UE) sont des clandestins. Dans la pratique,
cette politique signifie le triomphe des discours contre les clandestins
qui abuseraient de notre économie en tant que réfugiés
économiques, en tant que migrants économiques ou en tant
que migrants cachés sous les traits du demandeur d'asile .
Tout cela explique pourquoi la LEtr, comme les réglementations
européennes, s'attaque très durement aux frontières
aériennes, les aéroports étant les seules zones
frontières qui peuvent pratiquement être bouclées
à l'égard des « illégaux ». La LEtr
reprend ici l'accord de Trevi de 1982, signé entre les principaux
Etats de l'UE, ainsi que la Convention d'application de l'accord de
Schengen, de 1990, qui imposent une lourde pénalisation financière
des compagnies aériennes ayant laissé venir un voyageur
en situation irrégulière. Si la mesure est effectivement
appliquée, cela contraindra les employés des agences de
voyages et des compagnies aériennes, en Suisse comme à
l'étranger, à exercer des contrôles policiers au
moment de la vente des billets, faute de quoi la compagnie devra payer
jusqu'à 30'000 Francs par cas avec la nouvelle LEtr . En clair,
cela permettra de barrer les frontières aériennes aux
requérants d'asile.
Toujours sur la question des clandestins, la LEtr autorise la communication
de données à des Etats étrangers ou à des
organisations internationales « pour lutter contre les actes punissables
commis dans le domaine des étrangers ». Or Europol, la
super-police européenne dotée par ailleurs d'une immunité
totale similaire à celle des diplomates et donc très peu
contrôlable y compris du point de vue de ses collaborations avec
des polices extra-UE, est une organisation internationale, comme l'est
du reste aussi la police Interpol.
Evidemment, en ce qui concerne la transmission de données à
des Etats tiers, cette disposition est accompagnée de la formule
d'usage, se voulant rassurante mais strictement incontrôlable,
« sauf si la personne est menacée dans l'Etat en question
».
La chasse aux clandestins en collaboration avec l'UE est tellement développée,
que la LEtr instituerait des mesures de détention contre les
clandestins pris par des sbires helvétiques en flagrant délit
de sortie de Suisse avec tentative d'entrée illégale sur
le territoire national d'un Etat voisin (sic !). Cette chasse est renforcée
par la multitude d'accords « de réadmission » (d'expulsion),
conclus par la Suisse avec 20 pays dont 18 européens, y compris
tous les pays limitrophes .
La chasse aux clandestins est parachevée enfin par la Loi sur
les mesures de contraintes du milieu des années '90, qui permet
d' emprisonner un illégal, un requérant d'asile ou une
personne en instance d'expulsion s'il refuse de collaborer avec les
autorités, s' il enfreint les lois auxquelles il est soumis,
s'il est soupçonné de vouloir se soustraire à son
refoulement (détention administrative). La détention devrait
être de 3 mois, prolongeable jusqu'à 9 mois voire 12. Les
abus dans ce domaine ont été légion dès
l'entrée en vigueur de la loi . Il y a presque deux ans ces abus
ont coûté la vie à un Palestinien tué, à
Zurich, au cours de son expulsion par la police, « pieds et poings
liés, la tête recouverte d'un casque de moto, un sparadrap
sur la bouche » . Dernièrement, ces bus ont coûté
la vie à un requérant d'asile nigérian en Valais,
au cours de son expulsion également par la police.
Ces privations de liberté sans qu'il y ait eu nécessairement
condamnation préalable, sont doublées par la nouvelle
Ordonnance sur l 'exploitation des centres d'enregistrements des requérants
d'asile (CERA), prochainement en vigueur, officialisant leur statut
de centres civils non carcéraux fonctionnant comme des centres
carcéraux sans qu' il n'y ait eu quelque délit que ce
soit (à moins que le dépôt d'une demande d'asile
ne soit un délit. ce que la loi ne dit pas).
Ce vaste dispositif répressif est peaufiné par le projet
de mise en place de régimes punitifs (restrictions d'assistance
financière) ou même de centres de semi-enfermement punitif
(restriction d'assistance financière et de liberté), simplement
pour « mauvaise conduite » des requérants d'asile
à l'assistance. Cela a été proposé par Argovie
au Parlement fédéral (le Conseil des Etats s'est exprimé
favorablement deux fois) et ont été appliquées
notamment à Bienne, à Berne et à Zurich.
Enfin ce train de mesures de privations de liberté sans délit
préalable est complété par des propositions de
restriction du droit de recours des requérants d'asile et d'accélération
des expulsions vers des pays dits « tiers », mesures réclamées
par des députés radicaux aux Etats en été
2000. En même temps, les mêmes députés radicaux
du même Conseil des Etats demandaient et obtenaient que les ingénieurs
étrangers formés en Suisse et les étrangers ayant
terminé un doctorat en Suisse obtiennent, sur simple demande,
un permis d'établissement à la fin de leurs études...
La tentative de rendre la Suisse « moins attractive » pour
les réfugiés
Depuis 1990 a été introduit le système du «
compte de sûreté » pour les requérants d'asile.
Il consiste en un prélèvement obligatoire d' une taxe
de 10% sur tout salaire de requérant qui travaille, versée
sur un compte dit de sûreté, pour couvrir les frais de
renvoi de la personne concernée le cas échéant.
En 1998, il y avait 53'000 comptes de ce type, pour un capital de 250
millions de Francs. Berne reconnaissait que des comptes pour un montant
de 14 millions de Francs, appartenant à quelque 17'000 requérants,
étaient alors sans propriétaire, chiffre qui ne peut qu'avoir
augmenté depuis. De plus, selon la même enquête de
l'Office fédéral des réfugiés qui prouve
son incapacité à gérer ce type de pratique légale
arbitraire, des dizaines de millions de Francs ont été
détournés de ces fonds par des employeurs.
Depuis 2000, le travail n'est accessible aux requérants que selon
une politique au mérite : seul a le droit de travailler celui
qui, par sa conduite (sur le plan strictement disciplinaire et de la
collaboration avec les autorités), mérite d'obtenir un
emploi. Les autres sont, officiellement, condamnés à l'inactivité.
qui leur sera de toute façon reprochée ensuite, le but
étant clairement de les « mettre » à charge
de l'assistance afin d'en faire des indésirables. Concrètement,
cela signifie non seulement des relations, entre le requérant
et l' assistante sociale, répressives et humiliantes, mais aussi
un encouragement au travail clandestin. qui sera durement puni par une
pénalité sur l'assistance, ce qui évidemment poussera
le requérant à travailler d'avantage clandestinement,
etc.
Enfin, l'un des éléments les plus graves de ce dispositif
de rejet est le fait que, depuis plusieurs années, l'assistance
sociale garantie aux requérants d'asile est devenue largement
inférieure à celle des Suisses et des résidents.
A l'heure actuelle cette infériorité se chiffre à
60% pour une personne seule et à 52% pour 5 personnes dont 3
enfants, et cela pour le canton de Genève qui, malgré
la dureté de ses autorités , n'est pas le pire à
cet égard. A cela s'ajoute la multiplication du nombre de «
dossiers » par assistante sociale, qui devient tellement hallucinant
que cette dernière ne peut que gérer l' état de
fait sans aucun moyen de pouvoir l'améliorer.
Parallèlement à cela, le nouveau système en place
commet des actes pseudo-humanitaires spectaculaires, afin de gommer
sa barbarie. C'est, par exemple, le cas de certaines opérations
d'envergure comme l'« Action humanitaire 2000 », par laquelle
13'000 demandeurs d'asile et étrangers non expulsables peuvent
obtenir le droit de rester en Suisse. Or non seulement il s'agit de
personnes non expulsables, mais en outre il est clair que cette action
« humanitaire » est un simple cache-sexe de la violence
de la politique d'asile et de clandestins.
En effet, la diminution des requérants admis en Suisse et l'expulsion
des Kosovars ont été bien plus importantes, quantitativement,
que l' apport total de l'action « humanitaire » en question.
Pour la libre circulation totale des personnes
Il est indispensable de sortir du carcan idéologique que la droite
a réussi à imposer à toutes les oppositions politiques
en s'attaquant à la politique d'immigration et à la politique
d'asile de manière répétée, en faisant admettre
très largement des fantasmes xénophobes que sont : - le
requérant d'asile criminel; l'Organisation suisse d'aide aux
réfugiés, censée défendre les intérêts
des requérants et réfugiés, a même intitulé
ainsi une triste étude sur la question , - le salarié-concurrent-étranger
ou le clandestin coupable de dumping, fantasmes occupant trop souvent
les esprits des syndicalistes et les articles de leurs journaux, - l'efficacité
de la politique de régulation des flux migratoires, régulation
à laquelle croient la gauche, le mouvement syndical et bien des
ouvres d'entraide, dans la mesure où ils ne remettent pas en
cause les deux piliers du soft-apartheid helvétique : les différents
permis pour étrangers et l'Ordonnance limitant la main-d'ouvre
étrangère.
Contre cette politique, il est nécessaire de défendre
l'idée un logement décent, un salaire décent, une
autorisation d'établissement, le droit de vote et le droit à
l'assistance pour quiconque travaille en Suisse, quel que soit son taux
d'occupation, droit à octroyer après une très brève
période de séjour dans le pays. En même temps, nous
devons lutter pour la légalisation immédiate de tous les
sans-papiers.
Nous savons que cette revendication n'est pas un but en soi. Nous savons
que les légalisations des sans-papiers en Italie, en France,
en Espagne ou en Belgique n'ont rien résolu sur le plan politique.
D'une part, leurs normes étaient à chaque fois tellement
restrictives, qu' elles étaient inaccessibles à une masse
de personnes concernées. D' autre part, à peine appliquées,
des nouveaux sans-papiers sont générés. C'est exactement
pour cela qu'une campagne pour la légalisation des sans-papiers
doit non seulement demander des normes de procédure claires et
larges, mais elle doit aussi s'appuyer sur la revendication plus générale
mentionnée ci-dessus.
La conséquence de ces prises de position est la défense
des principes du droit à la libre circulation des personnes sans
restriction et son
corollaire l'ouverture des frontières, en tant que droits démocratiques
fondamentaux. A l'unanimité, la droite et la social-démocratie
helvétiques ont, à raison, condamné les dictatures
staliniennes qui empêchaient la pratique de ce droit fondamental.
Pourtant elles l'ont nié et le nient aux étrangers de
Suisse, à l' époque comme aujourd'hui. La « libre
circulation » de la LEtr et des bilatérales avec l'UE n'est
pas un respect du droit démocratique à la liberté
de déplacement. Ce n'est qu'un privilège accordé
soit au riche (machine à sous pour le fisc), soit au très
qualifié ou à celui qui a été coopté
par un employeur (tous deux machines à sous pour le patronat)
pour se faire attribuer un poste de travail, un logement, une plus ou
moins grande autosuffisance financière et pour se voir contraint
de s'assimiler, de singer le Suisse.
Tant que les banques suisses restent grand ouvertes à tout capital
immigrant (à la fin des années '90, 30% de l'argent placé
sur un compte en banque dans le monde est dans une banque suisse, selon
la revue zurichoise Bilanz), nous ne pouvons accepter la moindre limitation
à l'immigration. Et si un jour la Suisse n'était plus
la caverne d'Ali Baba de la planète, alors la question ne se
poserait toujours pas de savoir s'il faut ou non accepter « la
misère du monde entier » en Suisse. Car, comme l'écrit
la revue Esprit, « dans toute société, seule une
faible minorité d'individus choisit le déracinement pour
un profit hypothétique, même dans le cas où le différentiel
de niveau de vie est considérable. Seules les situations où
la survie est elle-même en jeu, les cas de famines graves ou de
guerre civile, peuvent provoquer de véritables exodes »
. Or, ces situations ne devraient-elles pas être réglées
sur le plan de l'aide internationale massive sans intérêt
financier ni militaire ?
Il est, par ailleurs, clair aujourd'hui que les pays riches ont un besoin
important d'immigration, s'ils veulent maintenir leur population à
un niveau d'âge humainement raisonnable, à moins d' envoyer
tout le monde au travail jusqu'à la mort. Si cette situation
terrorise certains xénophobes angoissés à l'idée
de perdre « notre » identité, c'est à nous
d'essayer de gagner cette bataille et de montrer combien la notion d'identité
nationale est et a toujours été une redoutable arme purement
idéologique dans les mains de l'Etat des privilégiés.
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