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Algérie, retour de mémoire
Olivier Da Lage

Origine : http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/DA_LAGE/8181

http://mapage.noos.fr/odalage/diplo/barrat.html

Que savait-on de la torture en Algérie à la fin des années 50 ? Réponse : tout, absolument tout. A condition, bien sûr, de vouloir le savoir. Journaliste à Témoignage chrétien et France-Observateur, Robert Barrat est de ceux qui veulent savoir, et qui n’ont pas peur de chercher à découvrir ce qu’on leur cache. Sa connaissance de l’Algérie qu’il découvre en 1952, il la nourrit de nombreux voyages sur le terrain. Il ne va pas seulement à la rencontre de l’Algérie, mais des Algériens. Très vite, il prend la mesure du drame qui couve. Lorsqu’il éclate en 1954, Robert Barrat ne se contente pas de le rapporter dans de froides dépêches à son journal. Il tente de mettre à profit ses relations dans les sphères gouvernementales et chez les intellectuels pour ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent rien voir.

Journaliste engagé Barrat, on s’en doute, n’est pas du genre à rester spectateur de l’événement par crainte de sortir de sa mission journalistique s’il pense, par son action, pouvoir sauver des hommes, sauver un peuple. C’est par dizaines qu’il rédige des mémos rendant compte de ses rencontres avec les clandestins du FLN, décrivant la réalité du terrain dans des termes bien différent du prêt à penser qui émane de la résidence d’Alger à destination du gouvernement. Il tente, et y parvient presque, de mettre sur pied de discrètes rencontres entre responsables gouvernementaux et combattants algériens. Il commence à sérieusement indisposer les autorités qui l’embastillent à Fresnes plusieurs semaines en octobre 1960. Elles devront le relâcher devant la campagne qui se déploie pour exiger sa libération. Le pouvoir découvre alors que ce jeune Rouletabille donneur de leçons, prêt à payer de sa personne, n’est pas un homme seul.

L’indépendance de l’Algérie en 1962 sonne la fin de son combat. Il se tourne vers d’autres. Il abandonne alors la rédaction du livre, presque achevé, dans lequel, parlant à la première personne, il racontait sa découverte de l’Algérie, les raisons de son combat et tentait de les faire partager à son lecteur. Ce n’est qu’après sa mort que Denise Barrat, son épouse et camarade de lutte pour la cause des Algériens, publiera en 1987 une première fois ce livre sous le titre Les combattants de la Liberté , qui passe relativement inaperçu. Il n’en sera sûrement pas de même avec cette réédition : le débat public qui s’est ouvert en France voici quelques mois suite aux aveux du général Aussaresses montrent que quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’ensemble du pays est prêt à recevoir ce qu’écrivait Robert Barrat en 1961.

Les Éditions de l’Aube accompagnent cette réédition d’une autre : le Livre blanc sur la répression, recueil de documents réunis par Denise et Robert Barrat dès 1956 pour dénoncer la torture déjà pratiquée à une large échelle en Algérie. Autre livre document, celui qu’a coordonné Olivier Le Cour Grandmaison sur le massacre du 17 octobre 1961, dans lequel plusieurs centaines d’Algériens trouvèrent la mort à Paris des mains de policiers sous les ordres du préfet de police Maurice Papon. Ce livre, publié par l’association "17 octobre 1961 contre l’oubli", rassemble des témoignages, des récits et des analyses historiques des circonstances qui ont entouré cet événement longtemps dissimulé à la mémoire des Français, contrairement à la mort des manifestants du métro Charonne quatre mois plus tard. Le livre milite pour que ce massacre soit reconnu comme un crime contre l’humanité au sens du Code pénal, notion qui, précise Le Cour Grandmaison, ne se confond pas avec celle de génocide.

C’est également pour dénoncer la brochure historique éditée en 2000 par la Préfecture de police, qui jette un voile pudique sur les épisodes embarrassants de son histoire, que Maurice Rajfus et Jean-Luc Einaudi publient un pamphlet aussi court que violent, dénonçant les maquillages historiques des responsables de la police sur le rôle véritable de la police parisienne dans la rafle du Vel’ d’Hiv le 16 juillet 1942 que dans les massacres d’Algériens le 17 octobre 1961.

Olivier Da Lage


UN JOURNALISTE AU CŒUR DE LA GUERRE D’ALGÉRIE.- Robert Barrat
* Éditions de l’Aube, 2001, 249 pages, 65,60 F (10 €)

ALGÉRIE, 1956 : LIVRE BLANC SUR LA RÉPRESSION, textes et documents réunis par Denise et Robert Barrat, préface de Pierre Vidal-Naquet, postface de Bruno Etienne
* Éditions de l’Aube, 2001, 356 pages, 141 F (21.5 €)

Le 17 octobre 1961, Un crime d’État à Paris. - sous la direction d’Olivier Le Cour Grandmaison
* La Dispute, 2001, 283 pages, 124,63 F (19 €)

LES SILENCES DE LA POLICE, 16 JUILLET 1942, 17 OCTOBRE 1961. - Jean-Luc Einaudi, Maurice Rajfus
* L’Esprit frappeur, 2001, 86 pages, 20 F