Depuis la fin de l’année 2001, les propositions de lois
sécuritaires et leur mise en application ont suscité de
nombreuses réactions.
Dans cet élan de contestations ambiant, peu d’entre elles
rendent compte des conséquences que ce cadre législatif
engendre spécifiquement pour les femmes.
En aval d’une gouvernance qui criminalise les oppositions au “
système ” et le mouvement social de manière global,
celle-ci légitimise sa toute puissance. Il semble qu’une
sorte de “ fil rouge ” relie les différentes mailles
du système sociétal, dont émanent directement les
logiques patriarcales. Les lois actuelles et celles qui sont en cours
(qui ne sont qu’une continuité des dispositifs mis en place
par la gauche ces dernières années d’ailleurs),
participent encore pleinement à la reproduction de la domination
patriarcale.
Les dispositifs sur la sécurité ont un impact direct sur
la situation des femmes aujourd’hui, cependant d’autres
sphères législatives interviennent à ce sujet,
notamment les nouvelles lois concernant la garde parentale.
Le projet de loi Sarkozy, dont nous parlons beaucoup en ce moment, a
pour objectif d’invisibiliser la prostitution de rue, concrètement
en expulsant les prostituées de nationalité françaises
hors des rues et des quartiers où elles “ gênent
”, et hors du pays pour les personnes d’origine étrangère.
L’Etat affirme ainsi sa politique prohibitionniste et non pas
abolitionniste comme il le prétend sur cette question.
De plus, les prostituées sont victimes d'une double peine puisque
le délit de racolage sera passible de six mois de prison et d'une
amende de 3750 euros!
Et puis, si l'objectif de l'Etat était vraiment de lutter contre
la prostitution en tant que telle, pourquoi s'attaque t'il uniquement
à la prostitution de rue?? Qu'en est-il de la pornographie, des
réseaux Internet, du Minitel rose, des bars à hôtesses,
des clubs de rencontre, des salons de massage, etc...??
Il semble que ce qui intéresse réellement l'Etat est de
répondre au mécontentement et au trouble de la «tranquillité»
des ses électeurs/trices que génère la prostitution
de rue!
Par ailleurs, le ministre de l'intérieur prévoit de réintégrer
la notion de “ racolage passif ” (délit qui avait
été supprimé en 1994 par la droite...) ou plus
exactement de ne plus faire la distinction entre le“ racolage
passif ” et le “ racolage actif ”. La condamnation
du dit“ racolage passif ” sera reléguer, dans son
application, à l’appréciation des agents de police
: une femme se baladant seule le soir pourra donc faire l’objet
de suspicions quant aux raisons de sa présence dans la rue. Les
flics auront le pouvoir d’arrêter toute femme, qui, selon
eux, “ ressemble ” ou aurait les comportements d’une
prostituée. Ainsi, le stigmate de pute, potentiellement valable
pour toutes les femmes, n’est plus “ simplement ”
inscrit dans les schémas de pensée, il devient ici légal,
légitime. Ceci interroge directement la notion de liberté
individuelle pour les femmes : préparez-vous les filles, il faudra
bientôt systématiquement sortir avec des chiens ou des
maris !! (Remarquez, certaines déjà font les deux…).
Au delà des lois proposées dans le cadre sécuritaire
strictement, d’autres champs sont investis par l'ordre patriarcale.
En effet, le lexique actuel du droit familial est en pleine évolution.
La loi du 4 Juin 1970 qui intégrait la notion d'autorité
parentale au profit de la puissance paternelle traditionnelle, a été
revisitée le 4 mars dernier (2002) avec la nouvellel oi relative
à l'autorité parentale.
Ce qu'il faut noter en premier lieu, c'est que les modifications apportées
au Code civil ont émergé suite à des revendications
du lobby des hommes divorcés, l'organisation masculiniste «SOS
papa». Seuls ces derniers ont été»invités»
a participer à l'étude des réformes envisagées,
aucune associations de femmes, groupes d'aide aux femmes ou encore moins
des féministes n'ont été sollicitées pour
cette occasion.
Ainsi, à l'image de ce qui se déroulait dans la plupart
des pays occidentaux, à savoir un mouvement basé sur le
«stéréotype culturel du père dépossédé»
(cf. Nouvelles Questions Féministes, vol.21, n°2/mars 2002),
défendu par les masculinistes, la France se voit adopter des
mesures contre les femmes. Contrairement aux idées reçues,
la majorité des pères qui le demandent obtiennent la garde
de leurs enfants. Cependant, ce que voulaient les hommes, c'est le retour
de leur privilèges paternels.
Ainsi, les principales modifications de cette loi, dont il serait peut-être
un peu rébarbatif d'en faire le listing, sont très inquiétantes.
En effet, un certain nombre d'entres elles cloisonnent, encore une fois,
les femmes dans la sphère privée et ainsi les maintiennent
isolées lorsqu'elles sont victimes de violences. La substitution
de l'intervention des juges aux affaires familiales au profit d’une
simple médiation (qui peut être imposée par le juge
lui-même sous prétexte de faciliter les démarches
juridiques), même en cas de «violences constatées».
Donc, les femmes ayant quitté leur conjoint pour cause de violences
conjugales seront désormais obligées d’entretenir
une relation directe avec ceux-ci.
Pire encore, la loi impose la « continuité et l'effectivité
du maintient des liens de l'enfant avec chacun de ses deux parents »,
faute de quoi, tout parent qui chercherait à protéger
l'enfant, ou soi-même puisqu'il faut quand-même ne pas oublier
les chiffres conséquents des violences faites aux femmes dans
la sphère conjugale, sera passible de trois ans de prison et
de 45000 euros d'amende pour «non-présentation» de
l’enfant. Le couple parentale doit donc survivre au couple conjugale
comme le prône notre belle institution... tant pis si les femmes
s'en prennent plein la tronche, c’est pour le bien de l'enfant,
il a besoin de deux parents, un père et une mère, même
si lui et sa mère doivent se faire taper sur la gueule ou subir
des violences morales...!
De plus, ce qui est vraiment bien dans cette histoire, c'est que les
« pauvres papas dépossédés » ont tout
gagner car le partage, soi-disant équitable, de la garde de l’enfant
supprime toute pension alimentaire autrefois obligatoire. Donc, même
si les engagements ne sont pas respectés, aucune aide financière
n'est assurée.
Voilà qui illustre bien dans quelle «dynamique» nous
sommes encore actuellement...
Des lois faites par des hommes pour les hommes. Une société
construite parles hommes et pour le maintient de leurs privilèges.
L'enquête nationale des violences envers les femmes en France
(ENVEFF) pointe du doigt la façon dont les violences contre les
femmes sont non seulement perpétuées mais également
légitimées et aucunement remises en cause.
Ne surestimons pas les « acquis »; et continuons à
batailler tous les jours, sans relâche...la social-démocratie
ne nous donnera rien, rien pour lequel nous n'ayons à lutter.
Adeline Novembre 2002