De la légitimité des luttes féministes…
Combien de fois n’avons-nous pas entendu : « mais qu’est-ce
qu’elles veulent les féministes ?? » ou encore «
aujourd’hui, y’a plus de raison de râler…maintenant
les femmes et les hommes ont les mêmes droits !! ».
Ainsi, la légitimité des revendications et des luttes
féministes est encore et encore remise en cause. Le matraquage
médiatique mais aussi les valeurs véhiculées et
relayées par les institutions de socialisation (telle que l’école
par exemple) par lesquels chacunE d’entre nous se construit entretiennent
ce que l’on peut appeler « l‘illusion égalitaire
». Celle-ci consiste à nous faire croire que maintenant
les hommes et les femmes sont « égaux » et que, donc,
les luttes féministes n’ont plus lieu d’être
(ben voyons…).
Si on se penche d’un peu plus près, il est évident
qu’il y a encore du chemin à faire pour que les hommes
et les femmes aient enfin des relations que l’on pourrait qualifier
comme des rapports égalitaires.
Or, qu’en est-il de la prédominance du « plafond
de verre »? Pourquoi, aujourd’hui encore, six femmes meurent
tous les mois suite à des violences conjugales ?
La liste serait trop longue si l’on voulait faire l’état
des lieux de la situation des femmes aujourd’hui…mais cela
interroge : c’est cela l’égalité ?
On va me dire que maintenant, il y a des lois…
bien sûr, des textes de lois ont été institués,
modifiés (cela a été un des axes des luttes féministes
et c’est bien parce que des femmes sont descendues dans la rue
qu’elles ont gagné certaines choses) cependant, même
si certaines des ces lois sont très importantes (même symboliquement),
ces lois ne sont pas toujours une garantie et elles ne sont jamais suffisantes.
Certes, depuis la fin des années 70, nous pouvons aujourd’hui
jouir de certains « acquis » (qui n’en sont jamais,
restons vigilantes…) durement gagné par les luttes menées
par nos camarades féministes et/ou lesbiennes de la « grande
époque ». Le droit à l’avortement et l’accès
à la contraception ont été des axes majeurs sur
lesquels elles se sont battues et c’est certainement une grande
victoire que cette bataille là.
Néanmoins, au-delà de ce constat, il est très réducteur
de penser ou définir les luttes féministes à cet
aspect légaliste uniquement, depuis l’apparition des revendications
et des luttes féministes, les femmes luttent avant tout pour
la libération des femmes. Cette libération est la condition
nécessaire au processus d’émancipation et d’autonomisation
des femmes autant intellectuelle que matérielle (liberté
et autonomie d’agir et de penser, indépendance financière,
émancipation sexuelle…).
Les féministes ont toujours agit en ce sens et notamment à
travers la remise en cause des rapports de domination au travail, dans
le couple, dans la famille, de la séparation des sphères
dites publique et privée…cependant, les luttes féministes
ont toujours été démolies, et ceci par la non-visibilisation
de leurs revendications et par l’image caricaturale renvoyée
par les médias.
Et aujourd’hui, le processus continue…
Quelles perspectives ?
Au-delà du constat de la « crise » que traverse aujourd’hui
le militantisme de manière globale ainsi que les conséquences
de « l’institutionnalisation » des luttes, notamment
féministes, depuis ces vingt dernières années (au
bas mot), la pseudo « égalité » entre les
hommes et les femmes, idée reçue largement dominante et
malheureusement intégrée par de nombreuses femmes, et
notamment des jeunes femmes aujourd’hui pèse très
lourd. Ceci pose directement la question du relais et de la transmission
du discours féministe : comment sensibiliser, informer et opérer
des prises de conscience alors que l’illusion égalitaire
des rapports hommes/femmes est ainsi entretenue et légitimée
(et notamment par les opprimées elles-mêmes…) ??
Cette entreprise semble d’autant plus difficile quand, même
au sein des mouvements politiques censés être plus «
au courant » ou plus « sensibilisés » des/aux
luttes féministes, le terrain est souvent miné. En effet,
les organisations politiques sont « traditionnellement »
des espaces très masculins, il suffit de constater à quel
point les femmes y sont peu nombreuses…et je ne parle pas des
postes à responsabilité ou dit prestigieux quasi-exclusivement
occupés par des hommes dans les structures hiérarchiques
(syndicats, partis…). De plus, nous (les femmes) y avons encore
beaucoup de difficultés à mener des luttes qui soient
reconnues comme suffisamment légitimes pour qu’elles fassent
partie des batailles « aussi importantes » que les autres.
Il est vrai que nous souhaitons ne pas recevoir des « leçons
de féminisme », que les femmes sont les actrices de leur
libération, cependant, la « ghettoïsation »
non choisie des féministes dans certaines organisations où
elles militent renvoient directement au peu d’intérêt
que les hommes y portent.
En terme de perspectives, je pense qu’il y a une réelle
nécessité de lutte unitaire des féministes et lesbiennes,
à savoir qu’il nous faut foutre en l’air les barrières
qui toujours œuvrer à diviser les femmes depuis toujours.
Il est évident qu’il y a des divergences politiques très
fortes au sein des féministes et il est important de ne pas les
taire, elles doivent être posées et discutées, néanmoins,
nous savons bien, au plus profond de nous même que, ce qui nous
réuni, c’est que l’on sait pertinemment que la première
des oppressions dont on doit se libérer, c’est celle du
patriarcat. Et en cela, on doit bien pouvoir faire des choses ensemble,
non ?!!
Les féministes doivent se constituer en réseaux et s’organiser
afin de ne pas être divisées et isolées. Ceci nous
donnerait la possibilité, au moins, de réagir rapidement
et plus efficacement que c’est le cas actuellement…
Et puis, la révolution ne se fera pas sans les femmes !!...
Féministes tant qu’il le faudra !
Adeline
Novembre 2002.