Fruit de la collaboration d'Andrée Michel, sociologue, et de Floh, dessinatrice
humoriste, Citoyennes militairement incorrectes propose une lecture
de la place et du rôle des femmes dans l'univers de la guerre. Cet ouvrage
concis éclaire leurs souffrances, laissées dans l'ombre, oubliées, éludées,
et montrent comment les femmes, principales victimes de la militarisation
de la planète, tentent aussi de démythifier la guerre pour laisser la
place à la négociation et à la justice.
L'ouvrage décortique, à la lumière des droits humains, les valeurs de
la culture patriarcale de l'institution militaire où autoritarisme,
hiérarchie et résolution violente des conflits ont infiltré les strutures
politiques, économiques et sociales, au point que la raison d'État téléguidée
par des généraux ou des groupes d'intérêts évacue, d'un coup d'un seul,
toute hypothèse de débat démocratique sur les enjeux de défense et les
relations internationales.
Cette même raison d'État, inséparable des nationalismes, continue d'assurer
la survie des complexes militaro-industriels : " Les gigantesques profits
accumulés par les grandes firmes d'armement ont servi à créer et à développer
une bulle financière porteuse de polarisation des richesses et des revenus
et d'inégalités sociales croissantes ".
Et les femmes sont les premières touchées. Aujourd'hui, elles représentent
83 % des plus pauvres de la planète, et les énormes sommes consacrées
à la militarisation figurent parmi les obstacles qui les maintiennent
dans des conditions de vie infra-humaines.
Il existe pourtant une parole spécifique des femmes sur la paix et
sur la guerre. " La paix n'est pas l'absence de guerre " disent-elles
; les ravages des bases militaires occidentales dans les pays en voie
de développement, les acquiescements du Conseil de sécurité de l'ONU
entérinant la loi du plus fort ou les stratégies expansionnistes de
la guerre économique ne peuvent garantir une paix durable. Injustice
politique et injustice économique sont les vrais ferments de la guerre
et c'est en faveur de la justice sociale et internationale que les femmes
se sont mobilisées.
Sans la ténacité de magistrates et procureures, le Tribunal pénal international
(TPI) n'existerait pas.
Derrière le traité d'Ottawa condamnant les mines antipersonnel, il y
a d'abord eu l'action de Jody Williams (Prix Nobel de la paix) qui a
réuni les 1000 associations de par le monde pour en faire un groupe
de pression. Les auteurs montrent ainsi la spécificité de la lutte des
femmes, dès le XVe siècle, en faveur d'une paix qui ne procède en rien
des logiques guerrières.
Citoyennes militairement incorrectes, de Andrée Michel et Floh, Collection
femmes et changements, éditions L'Harmattan, 1999.