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Axel Honneth : « Sans la reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie »
Propos recueillis par Alexandra Laignel-Lavastine

origine : http://www.philomag.com/article,entretien,axel-honneth-sans-la-reconnaissance-l-individu-ne-peut-se-penser-en-sujet-de-sa-propre-vie,180.php

Axel Honneth, actuel chef de file de l'école de Francfort, où il succède à Jürgen Habermas, se réclame d'une philosophie sociale. Il s'attache à identifier les mécanismes qui, dans le capitalisme contemporain, empêchent les êtres humains d'accéder à la réalisation de soi.


C'est au lycée d'Essen, sa ville natale, où il se retrouve en compagnie d'élèves provenant de milieux ouvriers, qu'Axel Honneth, fils de médecin, prend conscience de l'importance du statut social et des affects qui l'accompagnent, comme la honte ou le mépris. Inscrit en doctorat de philosophie après avoir renoncé à des études de lettres et de théâtre, il publie ses premiers articles dans les années 1970. L'un est consacré à Jürgen Habermas, qu'il n'a jamais rencontré. C'est dire sa surprise quand ce dernier lui demande d'être son assistant à Francfort – ce qu'il devient dans les années 1980. Coup d'envoi d'une brillante carrière qui le conduit à diriger, depuis 2001, l'Institut de recherche sociale de Francfort. À 57 ans, l'auteur de La Société du mépris est l'un des rares critiques de la société contemporaine dont l'oeuvre originale pourrait contribuer à refonder une pensée de gauche cohérente. Comment retrouver une relation vraie à autrui, à soi-même et au monde ?

En insistant sur l'importance de la reconnaissance et du respect de l'individu, en mettant au jour la façon dont le capitalisme néolibéral y porte atteinte, Axel Honneth prolonge avec force la Théorie critique des fondateurs de l'école de Francfort.


Philosophie magazine : Qu'est-ce qu'une société qui fonctionne bien ?

Axel Honneth : C'est une société dont l'environnement social, culturel ou politique permet aux individus de développer une identité autonome ou une relation positive à soi-même. C'est une société dans laquelle chacun devrait pouvoir devenir ce qu'il souhaite être sans avoir à en passer par l'expérience douloureuse du mépris ou du déni de reconnaissance. S'il me fallait résumer d'une phrase mon projet philosophique, je dirais qu'il consiste à réfléchir aux contours que devrait prendre une société pour assurer à ses membres les conditions d'une « vie bonne ». Je pars ainsi du constat qu'il existe dans nos sociétés des déficiences découlant moins d'une violation des principes de justice que d'une atteinte concrète aux conditions de l'autoréalisation individuelle.

L'idée qu'une société peut aussi échouer dans ce sens-là était déjà au coeur de la Théorie critique élaborée par les fondateurs de l'école de Francfort (lire encadré page 55). Ils s'étaient donné comme horizon d'oeuvrer à l'avènement d'une « communauté d'hommes libres ». Si la perspective marxiste qui dominait cette approche me paraît en partie dépassée, sa visée éthique n'a, elle, rien perdu de sa charge explosive en ce début du XXIe siècle. À l'heure de la mondialisation, l'évolution prise par le capitalisme s'oriente de fait dans une direction où les conditions du respect et de l'estime de soi risquent d'être considérablement meurtries, que ce soit à travers les tendances à la marchandisation, à la destruction des relations privées ou à travers les exigences de performance qui pèsent sur chacun.

Par cette visée éthique, l'école de Francfort ne s'inscrit-elle pas dans le sillage de ce que vous appelez la « philosophie sociale » ?

Absolument, bien que la notion de « philosophie sociale », dont je me réclame, soit rarement employée en France. J'entends par là cette grande tradition qui assigne à la philosophie la tâche spécifique de diagnostiquer les pathologies sociales, autrement dit les perturbations qui réduisent ou détruisent les conditions requises pour mener une « vie réussie ». De Jean-Jacques Rousseau à Cornelius Castoriadis ou Charles Taylor, en passant par Karl Marx, Max Weber, Michel Foucault ou Jürgen Habermas, ce courant de pensée va ainsi inventer un nouveau genre d'enquête philosophique dont la préoccupation première n'est pas tant de pointer les inégalités ou les injustices sociales, que de mettre au jour les critères éthiques d'une vie accomplie ou plus humaine. Hannah Arendt a, par exemple, accordé une valeur particulière à la participation active des citoyens à la vie démocratique, cette pratique permettant aux individus de parvenir à la conscience de leur propre liberté.

Pouvez-vous nous éclairer sur la notion de « lutte pour la reconnaissance », au coeur de votre réflexion ?

Pour en saisir la nouveauté, il faut partir du modèle utilitariste encore dominant dans les sciences sociales. Ce modèle considère la société comme une collection d'individus motivés par le calcul rationnel de leurs intérêts et la volonté de se faire une place au soleil. Du coup, il est incapable de rendre raison de ces conflits qui naissent d'attentes morales insatisfaites et que je place au coeur même du social. En m'appuyant sur le jeune Hegel, mais aussi sur les acquis de la psychologie sociale (de George Herbert Mead à Donald Winnicott), je propose de comprendre les confrontations sociales sur le modèle d'une « lutte pour la reconnaissance ». Cela suppose que la réalisation de soi comme personne dépende très étroitement de cette reconnaissance mutuelle. C'est pourquoi je distingue trois sphères de reconnaissance, auxquelles correspondent trois types de relations à soi. La première est la sphère de l'amour qui touche aux liens affectifs unissant une personne à un groupe restreint. Seule la solidité et la réciprocité de ces liens confèrent à l'individu cette confiance en soi sans laquelle il ne pourra participer avec assurance à la vie publique. La deuxième sphère est juridico-politique : c'est parce qu'un individu est reconnu comme un sujet universel, porteur de droits et de devoirs, qu'il peut comprendre ses actes comme une manifestation – respectée par tous – de sa propre autonomie. En cela, la reconnaissance juridique se montre indispensable à l'acquisition du respect de soi. Mais ce n'est pas tout. Pour parvenir à établir une relation ininterrompue avec eux-mêmes, les humains doivent encore jouir d'une considération sociale leur permettant de se rapporter positivement à leurs qualités particulières, à leurs capacités concrètes ou à certaines valeurs dérivant de leur identité culturelle. Cette troisième sphère – celle de l'estime sociale – est indispensable à l'acquisition de l'estime de soi, ce qu'on appelle le « sentiment de sa propre valeur ».

Si l'une de ces trois formes de reconnaissance fait défaut, l'offense sera vécue comme une atteinte menaçant de ruiner l'identité de l'individu tout entier – que cette atteinte porte sur son intégrité physique, juridique ou morale. Il s'ensuit qu'une des questions majeures de notre époque est de savoir quelle forme doit prendre une culture morale et politique soucieuse de conférer aux méprisés et aux exclus la force individuelle d'articuler leurs expériences dans l'espace démocratique au lieu de les mettre en actes dans le cadre de contre-cultures violentes.

Appliquée à la situation qui prévaut en France, cette grille de lecture paraît très éclairante : crise des banlieues, loi sur le port du voile à l'école, concurrence des mémoires… Quel regard portez-vous sur ces évolutions ?

Il convient d'être très attentif aux effets négatifs engendrés par la dépréciation de certains modèles de réalisation de soi. S'ils n'entrent pas en conflit avec les valeurs universelles, il y a un risque à les dévaluer. Que ceux qui se conforment à ces modèles particuliers ne puissent plus accorder à leur existence la moindre signification positive eu égard aux fins éthiques communes que s'assigne la collectivité. Sur le voile islamique, je qualifierais ma position d'agnostique : dans la mesure même où nous ne pouvons pas connaître avec certitude les raisons qui poussent un certain nombre de jeunes filles à porter le foulard, on ne devrait pas l'interdire dans l'espace public. Si le désir de porter le voile peut traduire une forme d'oppression, familiale ou communautaire, il peut aussi relever d'une logique d'émancipation ou d'une volonté d'affirmation de soi autonome. Quant aux récentes controverses autour du « devoir de mémoire », elles montrent combien la reconnaissance sociale est liée à la dimension du passé. Il me semble légitime que certains individus échouent à se sentir membres à part entière de la société dans laquelle ils sont nés aussi longtemps que l'histoire de l'oppression ou du génocide subis par leur groupe n'a pas été publiquement reconnue et débattue.

Toute proportion gardée, n'oublions pas que la pleine reconnaissance par les Allemands des crimes commis contre les Juifs a conditionné, après-guerre, le retour de ces derniers dans la vie publique. On retrouve d'ailleurs dans le débat français contemporain certains des arguments échangés en Allemagne lors de la « querelle des historiens » (Historikerstreit) de 1986-1987 à propos du passé national-socialiste. Les uns disaient en avoir assez de la culpabilité, de la repentance et de l'autoflagellation, revendiquant le droit de marcher la tête haute. Les autres, dont Jürgen Habermas, soutenaient que, pour marcher la tête haute, il faut assumer la responsabilité du passé et se montrer capable d'en débattre ouvertement.

L'interprétation de ces polémiques en termes de « prolifération des victimes » ne vous paraît donc pas pertinente ?

Le statut de victime étant désormais valorisé, il convient d'être prudent. Reste qu'entre une vraie victime (même indirecte s'il s'agit de descendants d'esclaves ou de colonisés) et une fausse (celle qui instrumentalise l'histoire pour se promouvoir sur la scène médiatique), la distinction n'est pas bien difficile à établir. Encore une fois, la lutte pour la reconnaissance publique des faillites morales du passé me semble légitime, et on peine, de ce côté-ci du Rhin, à comprendre pourquoi tant d'intellectuels français s'y montrent aussi peu sensibles. J'avancerai un autre argument : c'est justement la reconnaissance publique des crimes du passé, même commis il y a fort longtemps, qui détermine la sortie de l'état de victime. Sans cette reconnaissance, l'individu ne peut en venir à se penser en sujet à part entière de sa propre vie.

Vous consacrez la dernière partie de La Société du mépris à explorer les « paradoxes » du capitalisme néolibéral. Ce thème constitue aussi le fil directeur de La Réification, votre prochain livre à paraître en français. La critique du capitalisme aurait-elle encore un avenir ?

Ces paradoxes ou ces « pathologies » tiennent à mes yeux à ce que les idéaux d'émancipation, qui ont beaucoup progressé dans le monde occidental au cours des trois dernières décennies, semblent presque entièrement récupérés par le néolibéralisme et, de là, retournés en leur contraire. Si les possibilités d'épanouissement individuel se sont élargies (avec l'éducation, les voyages, le temps libre, la consommation, etc.), elles se trouvent désormais détournées au profit de l'idéologie managériale de la performance économique. On peut à cet égard parler de régression morale. Le principe de réalisation de soi ainsi instrumentalisé donne naissance à de nouvelles pathologies – sentiment de vide intérieur, d'inutilité, d'anxiété, etc. L'énorme pression néolibérale contraint les individus à se penser eux-mêmes comme des produits et à se vendre en permanence : il faut sans cesse se présenter comme étant hypermotivé, flexible, adaptable, etc. Ce n'est donc plus l'aptitude au dialogue intérieur et à la solidarité qui se trouve privilégiée, mais ce qui contribue au contraire à ruiner cette aptitude : l'extension d'un rapport de plus en plus marchand et stratégique à soi-même et aux autres. En ce sens, la reconnaissance, qui conduit à reconnaître en autrui une commune appartenance à l'humanité, doit être prolongée par une autoreconnaissance, soit l'assomption par chacun de son unicité, laquelle transcende tout traitement comme un objet.

Étant donné qu'il ne s'agit pas de revenir au monde d'hier, la question demeure de savoir comment contrebalancer ces tendances pathogènes que la mondialisation ne fait qu'accroître. Ma réponse ne se situe pas, à la manière de certains républicains français, du côté d'une restauration des communautés politiques nationales. Des solutions ne pourront émerger que dans le cadre d'une Europe forte à même de résister aux aspects négatifs de la globalisation, mais à condition de ne pas faire dériver la solidarité européenne de nos traditions culturelles ou de nos racines chrétiennes. Cette dernière approche me paraît peu féconde. Je pense que le sens de la solidarité ne se consolide vraiment qu'à la faveur d'expériences partagées dans le domaine de la « productivité » – non pas seulement économique, mais aussi artistique ou intellectuelle.

Vous semblez toujours vous situer à égale distance de l'éthique libérale et d'une éthique communautarienne…

Ma tentative pour mettre en lumière la grammaire morale des conflits sociaux partage avec Kant et la tradition libérale l'attachement

à la notion d'autonomie ainsi qu'à des normes aussi universelles que possible. Je crois cependant avec les « communautariens » [courant de philosophie politique, critique des méfaits de l'individualisme libéral, Ndlr] que l'autoréalisation de l'être humain exige des formes de relations intersubjectives, les individus ne se constituant en personne que lorsqu'ils apprennent à s'envisager – à partir d'un « autrui » approbateur ou encourageant – comme des êtres dotés de qualités et de capacités positives .


Gilbert Corniglion - 27 Avril

Du lumineux et de l'à peu prés

Lumineuse sa définition de la société qui fonctionne bien et épanouit les individus.

Dérobade ou ignorance sa réponse à la question du voile.

Deux heures de bonnes lectures interdisciplinaires sur le sujet lui aurait permis d'éviter l'insignifiance décevante de sa réponse.

L.Samuel - 19 Août


La reconnaissance dans le face à face

La lecture d'Habermas a pour moi été une impasse, mais une impasse qui m'a ouvert une voie. C'est par l'intermédiaire de la lecture de l'agir communicationnel que j'ai découvert l'agir dramaturgique - pléonasme s'il en est, dès lors que "drama" signifie action. Je dois avouer depuis ne pas m'être intéressé aux suites de l'Ecole de Francfort, reste que celle-ci me stupéfait par sa justesse.

Habermas avouait ne pas s'en être tiré avec l'agir dramaturgique de Goffman et cela s'en ressent cruellement. Alors que l'expression "perdre la face" pouvait mettre en jeu la reconnaissance effective ou non d'une personne, sa lecture me semble comme chez beaucoup d'autres auteurs s'être enlisée dans un jeu d'apparences proche d'un calcul d'intérêt en termes de paraître. "Perdre la face" est ici le risque qu'encourt chaque individu dans l'équilibre de la situation qu'il partage avec d'autres. Quant à cet équilibre il est en jeu dans la définition commune de cette situation, soit le récit collectif qui en est fait, mais cette définition est le plus souvent tacite, tacitement visible dans l'équilibre collectif des scènes de face à face. Si cette définition tacite ou implicite ne permet pas à un partenaire du face à face de se reconnaître, non seulement il peut ne pas sentir reconnu, mais défiguré si le rôle qui lui est attribué le rend méconnaissable à ses propres yeux. En tous cas, c'est ce qu'il est possible de pressentir chez Goffman à condition de ne pas faire du théâtre une imposture, mais bien plutôt de faire place à ce qu'il est une mise en scène d'actions qui donnent lieu à des événements au travers desquels se définit l'équilibre en suspens – au propre comme au figuré – d'une situation ou plusieurs situations en fonction des quels le rôle de chacun varie. Le théâtre ne dit pas que tel ou tel personnage est tel, il le montre au travers d'actions et des situations qui en émergent, mais il faut pour cela relativiser les classes sociales et les codes sociaux pour donner la primauté à la singularité des événements. Pour avoir fait place à cette singularité, la sociologie de Goffman fut cataloguée à ses débuts de sociologie à la limite de la démence. La singularité des événements, plus encore celle de leur perspective dramaturgique dans la position de chaque acteur qui y assiste en tant que spectateur ne permettait évidement pas de subordonner les jugements d'une telle approche dans des catégories. Goffman s'est ainsi replié du théâtre sur les rites plus facilement subordonnables afin de sortir de la démence dans laquelle il avait été catalogué. Reste que s'il est une chose des plus difficile à faire reconnaître, c'est la singularité de l'histoire de chacun, mais nous vivons dans une époque où c'est chacun son histoire. Le fait d'avoir une histoire plutôt que d'être tenu pour un fait ne donne lieu qu'à un nihilisme subjectif où la subjectivité du vécu propre à chacun est le plus souvent nié au nom d'une prétendue objectivité au lieu de parler d'intersubjectivité en termes d'histoires. Au final, c'est la version de l'histoire du plus fort qui l'emporte et d'une certaine manière, le fil de l'histoire se perd dès lors que la définition de la situation qui en résulte se retrouve des plus partielles sinon des plus partiale.

Nous retrouvons ici, en dehors de l'idéal socialiste, le matérialisme historique de Marx, soit l'idée d'un rôle inscrit dans le cours des événements et peut-être le succès le plus brillant du marxisme, l'affirmation de la matérialité de l'histoire et la reconnaissance de faits historiques qui en ont résulté à l'époque. L'expression courante, « C'est passé !?! C'est passé ! » avorte l'idée même d'histoire plutôt que d'affirmer le fait que cela ce soit passé et le plus souvent, ce qui est finalement reconnu s'être passé n'est que ce qui ne peut être nié de la sorte, c'est dire la partialité de ce qui est retenu comme ayant valeur d'histoire. Une chose est de penser la moralité universellement, mais historiquement, l'universalité se retrouve confrontée au choc sublime de la contingence, hors des lieux communs dont l'universalité nous permet de communiquer. Face à la réalité, nos beaux discours, le sentiment commun de leur beauté ne peut qu'être heurté par la singularité des événements tel que c'est le cas avec le sublime kantien. Aux travers des discours, nos valeurs brilleront toujours de plus belles, mais ce ne sera jamais que pour mieux souffrir le choc de la réalité obscure sur laquelle ils sont sensés faire la lumière pour ne pas être que de belles paroles. Cela n'enlève en rien le mérite de l'héritage hégélien de la lutte pour la reconnaissance qu'identifie le matérialisme historique de Marx qui permit à son époque d'affermir le droit des classes ouvrières de faire entendre leur manque de reconnaissance, mais cela en montre toute la difficulté. Dans les sociétés occidentales, les ouvriers ont aujourd'hui des droits, mais la philosophie tout juste le droit de se taire devant la réalité actuelle car ce n'est pas demain la veille qu'elle gagnera son pain, un pain que mange grassement la classe manageuriale moins encombrante quant à la lumière qu'il est possible de faire sur certains faits, mais la philosophie le veut elle vraiment ?!? Mettre son nez là où cela fait des histoires ?

Ma question est valable du plus méconnu des diplômés de philosophie au plus connu, y compris moi-même !?! Qui voudrait manger de ce pain là ? Qui se battrait pour le manger, ce pain noir d'obscurité ?!? Celui qui n'a pas d'autre choix que de le manger et faire des études met bien souvent à l'abris d'une telle éventualité !

Dornon - 19 Octobre


une philosophie de l'émancipation

L'intérêt des travaux d'Axel Honneth réside dans le fait qu'il part toujours des expériences singulières et des expériences négatives ressenties par les individus au plus profond de leur chair.C'est la raison pour laquelle il ne dissocie pas la politique d'expériences psychologiques.

Cette option théorique implique une méfaince vis à vis de l'universel abstrait et de la morale kantienne, Honneth reprend à son compte la distinction hégélienne entre la Möralität et la Sittlickeit. Il ne privilégie pas la vue surplombante.

On peut dire qu' Honneth construit une philosophie de l'émancipation car il met en doute l'idée selon laquelle les institutions libérales des sociétés démocratiques suffiraient à satisfaire les individus et à donner des conditions de la vie bonne c'est- à- dire des conditions qui permettent des conditions minimales de reconnaissance et d'estime de soi qui sont les seuls et uniques éléments de la construction d'un rapport positif à soi.

Enfin Honneth se réfère aux mutations du nouveau capitalisme et donne des exemples précis de fragilisation des identités sociales au sein de conditions de vie stigmatisantes et disqualifiantes, ce qui est particulièrement vrai dans son dernier livre traduit en français La société du mépris.

Comme sa pensée fonctionne sur le perincipe de la mise à jour , c'est une pensée qui démystifie les pratiques faussement libératrices du nouveau capitalisme et c'est la raison pour laquelle la notion marxienne d'idéologie conserve toute sa fécondité et sa virtualité critique. Il est ainsi très facile aux lecteurs d'épouser son raisonnement car il est rare que les mécanismes sociaux du capitalisme néolibéral n'engendrent pas des expériences du déni de reconnaissance.

Céline DORNON

Titulaire d'un master 2

Ecole Normale Supérieure Lettres et sciences humaines

Céline DORNON

Titulaire