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Origine : http://www.leconflit.com/article-antimilitarismes-revolutionnaires-42919860.html
Une histoire d'ensemble de l'antimilitarisme révolutionnaire
européen, à supposer qu'elle soit possible tant il
ressemble à une nébuleuse de personnes et d'organisations
plus ou moins éphémères pris dans des conflits,
souvent armés entre les deux guerres mondiales, et tant les
documents les concernant restent dispersés (sans doute certains
sont-ils à jamais détruits - souvent volontairement,
notamment par les diverses forces de police des Etats) reste à
faire. C'est ce que constate Alain BROSSAT et Jean-Yves POTEL dans
leur anthologie de textes antimilitaristes. Mais l'objet de cet
article n'est pas d'ordre historique mais plus typologique.
Dans les mouvances marxistes et anarchistes, l'antimilitarisme occupe
une grande place, tant hier qu'aujourd'hui. Que ce soit en Allemagne,
en Espagne, en Italie, en France ou en Russie, l'antimilitarisme
est une composante théorisée de la lutte des classes
ou simplement contre le militarisme.
La seule élaboration systématique, d'un point de
vue marxiste, date du milieu des années 1920. Produite par
l'internationale Communiste, elle s'enracine dans deux expériences
distinctes selon Alain BROSSAT et Jean-Yves POTEL:
- l'antimilitarisme des organisations syndicales d'avant-guerre
dans les "démocraties bourgeoises occidentales",
dominé par l'anarchisme et le syndicalisme révolutionnaire.
En France, Le Nouveau Manuel du Soldat de 1902, de Georges YVETOT
(1868-1942), typographe et secrétaire général
de la Fédération des Bourses en 1901, secrétaire
général adjoint de la CGT (Confédération
Générale du Travail) en 1902 est construit autour
de trois idées essentielles : l'antipatriotisme, la dénonciation
de l'armée "école du vice" et le pacifisme.
Ce texte est percutant, "mais l'analyse reste rudimentaire
et confuse. Elle est le produit d'une époque où la
pratique du mouvement ouvrier face à l'armée est essentiellement
une action d'autodéfense élémentaire."
En 1914, "toutes ces croisades ne résisteront pas à
la poussée chauvine. Contrairement au mouvement ouvrier russe
qui a connu la révolution de 1905, le mouvement ouvrier français
est confronté à la question militaire essentiellement
au travers de luttes économiques et n'engage une lutte antimilitariste
que dans ce cadre." Les enseignements de la Commune de Paris
de 1870 n'ont pas été tenus en compte par cette tendance-là.
En Allemagne, la coupure d'avec ces enseignements est moins importante.
Karl LIEBKNECHT (1871-1919), militant du Parti social-démocrate
d'Allemagne (SPD), et député en 1912, fondateur du
mouvement spartakiste avec Rosa LUXEMBOURG (1871-1919) élabore
la première critique d'ensemble de l'idéologie anarchiste.
Son Militarisme et antimilitarisme (1907) se fonde sur une étude
rigoureuse du militarisme, reprenant les analyses de Karl MARX et
de Friedrich ENGELS. "Il montre notamment qui "disséquer
le militarisme capitaliste, c'est mettre à nu les racines
les plus fines et les plus cachées du capitalisme".
Il débouche sur une stratégie de la révolution
prolétarienne et une critique radicale de l'antimilitarisme
anarchiste : "l'antimilitarisme anarchiste est le frère
jumeau de la grève générale anarchiste et anarchisante".
Il "considère le militarisme davantage comme quelque
chose d'indépendant, suscité de façon arbitraire
et fortuite par les classes dominantes, et mène la lutte
contre lui, comme d'une façon générale contre
le capitalisme, d'un point de vue idéologique imaginaire,
qui méconnaît les lois du développement économique
et social et, se tenant à la surface des choses, s'efforce
de le renverser en stimulant d'une façon purement arbitraire
les volontés individuelles."
- l'expérience du mouvement de la classe ouvrière
russe. "Il s'agit d'un mouvement forgé dans la lutte
clandestine ou semi-clandestine.(...) C'est la rencontre des masses
ouvrières en marche pour le pouvoir avec les mutineries de
soldats et de marins. Et cette expérience survient alors
que l'armée préoccupe depuis longtemps le mouvement
révolutionnaire russe." LENINE tire dès 1906
les leçons des combats de 1905, notamment de l'insurrection
de Moscou. Il relativise la partie spontanée de la crise
sociale sur l'armée bourgeoise. Les révolutionnaires
doivent préparer le moment d'une véritable lutte pour
la conquête de l'armée. "LENINE va plus loin que
Karl LIEBKNECHT. Aux anarchistes, qui isolaient le militarisme de
la classe qui le produit, LIEBKNECHT oppose l'analyse marxiste de
l'Etat et intègre l'antimilitarisme à la théorie
de la révolution prolétarienne. (...) En répondant
au mencheviks qui font de la seule persuasion des troupes le moyen
de lutter contrer l'armée bourgeoise, LENINE délimite
la place pratique de cet antimilitarisme dans la stratégie
de prise du pouvoir. A la mobilisation de millions de travailleurs
et paysans sur les objectifs révolutionnaires, à la
conquête politique de la masse des soldats et à la
fraternisation avec les troupes, il faut ajouter une offensive militaire
contre le pouvoir d'Etat et ce qui reste de son armée. Il
faut préparer pratiquement et politiquement l'insurrection.
(...) Les bolcheviks déduiront les conséquences pratiques
de cette analyse, en organisant les cellules communistes dans l'armée
tsariste. Leurs organisations militaires ne sont (...) pas conçues
comme de simples noyaux d'agitation en vue de maintenir une conscience
de classe élémentaire chez les travailleurs sous l'uniforme.
Elles ont également pour but d'organiser les troupes "en
vue de l'insurrection générale à main armée".
Elles donnent son ossature au bras armé du parti."
Les organisations militaires bolcheviques vont aborder, dès
1906 à la Conférence de Tammerfors, l'ensemble des
questions théoriques et pratiques (y compris celle du travail
parmi les officiers) qui dominent encore aujourd'hui écrivent
Alain BROSSAT et jean-Yves POTEL en 1975, les débats du mouvement
ouvrier sur l'armée. Depuis, bien entendu, beaucoup d'événements
sont survenus, le moindre n'étant pas le mouvement de la
"mondialisation" qui affaiblit l'ensemble des structures
étatiques, et changent (avec l'abolition de la conscription
notamment) les données du problème que se posent les
partisans du socialisme ou du communisme aujourd'hui...
Si ces problématiques se situant dans un ensemble de "paix
en mouvement" (rubrique dans lequel l'article est placé),
c'est tout simplement qu'à travers le monde les différents
pacifismes se situent aussi par rapport à celles-ci. Nous
développerons ensuite certains éléments de
ces antimilitarismes révolutionnaires, dégagés
notamment dans les oeuvres aussi de LAFARGUE, TROTSKY, Rosa LUXEMBOURG,
Jean JAURES, GRAMSCI, MARTY, Jules HUMBERT-DROZ, Kurt FISCHER...
Alain BROSSAT et Jean-Yves POTEL, Antimilitarisme et Révolution,
deux tomes, Anthologie de l'antimilitarisme révolutionnaire,
Union Générale d'Editions, 10/18, Série "rouge",
1975.
Site Fondation Pierre Besnard : www.fondation-besnard.org.
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