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origine : http://ici-et-ailleurs.org/spip.php?article37
Lorsqu’a éclaté il y a quelques semaines l’
« affaire Mitterrand », lancée et entretenue
par une coalition hétéroclite de hyènes du
Front national et de chacals du PS, j’ai eu le sentiment qu’il
y avait là un rideau de fumée ou, si l’on veut,
de souvenir écran : en effet, la question de savoir si l’actuel
ministre de la culture a, ou non, recouru aux services sexuels de
mineurs dans je ne sais quels bas-fonds de Bangkok, de savoir avec
quelle assiduité il a pratiqué le tourisme (homo)sexuel
dans ces contrées est typiquement le genre de débat
d’époque « sociétal », futile et
inconsistant dont se gavent nos contemporains. La 4° République
avait ses « ballets roses » de M. Le Troquer, Giscard
ses chasses avec actrice de cinéma X – rien de nouveau
sous le soleil, si ce n’est qu’aujourd’hui le
bon chic gouvernemental veut que soient respectés les quotas
d’homos dûment déclarés et comeoutés.
Non, si cette « affaire » présentait un quelconque
intérêt, celui-ci se devrait d’être détecté
en amont de ce remugle : dans le moment même où Sarkozy,
toujours à l’affût d’un bon coup, et sans
doute sous l’influence de son quarteron de conseillers roués,
décida de tirer parti du remaniement ministériel pour
nommer à la culture… un Mitterrand. Je détecte
là une « plaisanterie », une « plaisanterie
» qui, irrésistiblement s’apparente à
l’humour fasciste. Le propre de celui-ci est en effet distinct
: il s’agit d’ajouter à la victoire l’humiliation
publique du vaincu, à l’occasion d’une démonstration
ou d’une cérémonie publique donnant aux «
rieurs » l’occasion de se rallier aux vainqueurs. Le
modèle de cet humour fasciste, c’est l’huile
de ricin administrée aux autorités socialistes (ou
autres) locales sur la place du village, devant la population rassemblée,
par les partisans de Mussolini, lors de la Marche sur Rome et tout
au long de la conquête du pouvoir par l’apprenti dictateur.
Dans un registre plus noir, funèbre, sadique, l’humour
fasciste, c’est l’usage établi par l’administration
des Lager nazis de renvoyer aux familles des détenus les
cendres de leurs proches morts en camp, par colis postal et à
leur frais. L’humour fasciste s’associe toujours à
une mise à mort, réelle ou symbolique, de l’ennemi,
il est tourné vers la mort, il a un parfum de massacre ou
de profanation.
Dans le cas qui nous intéresse ici, il s’agissait
donc, en nommant ce Fr… Mitterrand qui est une sorte de double
abject de l’autre, avec son air de famille et son parcours
de renégat de la gauche, d’enfoncer le clou de la déliquescence
du PS et de tout ce qui s’y associe en organisant cette «
plaisanterie » en forme de piétinement de la tombe
du grand mort qui, plus d’une décennie durant, envoya
dans les cordes cette droite qui, dans un pays comme le nôtre,
s’estime seule détentrice légitime du pouvoir
politique, notamment de l’exécutif. Quant à
savoir si cet intriguant, ce courtisan avait l’étoffe
d’un ministre de la culture, Sarkozy et sa séquelle
s’en souciaient comme d’une guigne ; la seule chose
qui leur importait était la bonne blague faite à l’ancêtre
qui les avait, un jour de 1981, remis à leur place –
une blague en forme de « j’irai cracher sur ta tombe
». Ainsi va la politique aujourd’hui, non seulement
de « coup » en « coup », mais, tout autant,
de ricanement en ricanement, mobilisant une sorte de rire de ventre
subliminal du côté du public habituellement abonné
aux Guignols de l’info.
Nous voici donc face à ce fait troublant : le régime
de Sarkozy est une démocratie policière, une machine
de guerre ultra-libérale contre les pauvres et les travailleurs
; mais il n’est certainement pas un régime fasciste
ou même fascisant. Il est, je l’ai dit ailleurs, un
bouffon plutôt qu’un chef fasciste. Son programme, son
parti sont tout sauf fascistes. Simplement, son humour, ce qui le
fait rire et sa façon de (tenter de) faire rire le public
en canapé est fasciste. De même que, parfois, son registre
fantasmagorique : on se souvient que lorsque l’affaire Clearstream
éclata, notre bouffon montra les dents, se promettant de
« pendre à un croc de boucher » celui qui avait
monté ce coup. La réminiscence est claire : ce sont
les conspirateurs contre Hitler du 20 juillet 1944 que Hitler fit
pendre à des crocs de boucher par ses SS.
Tout ceci pour dire qu’il peut être utile, parfois,
de s’intéresser à des « détails
» auxquels se dévoile la dimension de joie maligne
(Schadenfreude) qui, dans nos sociétés, s’attache
variablement à l’exercice du pouvoir.
Un dernier mot : au temps de la démocratie du public, les
gouvernants se doivent de capter directement le désir de
l’homme de la foule, à défaut d’espérer
(ou même de tenter de) le convaincre, par une argumentation
en appelant à sa raison et son intelligence, du bien fondé
de leur politique. On identifie là, au rebours même
de ce que je viens de dire, une affinité invisible entre
ce régime de la démocratie tardive et le fascisme
des années 1930 dont le propre fut, précisément,
de capter le désir de la masse, de greffer ses propres fantasmagories
sur celles de l’homme ordinaire. Simplement, ce processus
de captation du désir de la masse par le chef va se produire,
dans les régimes actuels, sur un mode allégé
et futile ; on ne parlera même pas à ce propos de microfascisme(s),
comme le faisaient Deleuze et Guattari, mais de simili-fascisme
ou de fascisme à l’état de trace(s) : le désir
de l’homme de la rue, un Sarkozy, un Berlusconi ne le capte
pas en endossant le rôle du sauveur de la nation, du Chef
providentiel, mais tout simplement en mettant dans son lit le genre
de nana de magazine que tout un chacun rêve de baiser, une
fois au moins dans sa vie. Ca a moins de gueule que les festivités
de Nuremberg et les projet architecturaux d’Albert Speer –
mais ça marche, en ces temps de manque rétractés
qui sont les nôtres…
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