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Origine : http://prioriteagauche.typepad.fr/weblog/2008/07/le-r%C3%A9gime-sarkozy-est-pareil-%C3%A0-une-pyramide-plant%C3%A9e-sur-sa-pointe.html#more
Alain Brossat (1), professeur de philosophie à l’université
Paris-VIII-Saint- Denis, invite à ne pas se laisser intimider
par l’agitation et l’interventionnisme du chef de l’État.
Au niveau européen, celui-ci devrait connaître de sérieuses
déconvenues, dont les conséquences pour les peuples
ne sont pas écrites.
Entretien réalisé par Laurent Être, publié
dans l'Humanité.fr du 3 jullet 2008.
Europe, 35 heures, médias… Ces derniers jours, le
président de la République fait feu de tout bois.
Est-il en train de franchir un nouveau seuil dans l’autoritarisme
? Ce terme estil d’ailleurs le plus approprié pour
caractériser son exercice du pouvoir ?
Le point difficile, c’est effectivement de faire la part
de ce qui relève de coordonnées personnelles du personnage
Sarkozy et de ce qui renvoie à des continuités historiques.
Prenez l’arsenal de toutes les mesures policières,
juridiques (la loi sur la rétention, le traitement des étrangers
en situation irrégulière, etc.). Sur ce plan, il faut
remettre les choses dans le temps long de l’histoire. Nicolas
Sarkozy durcit, systématise des méthodes et des conceptions
qui lui préexistent. Il y a dans la vie politique de ce pays
certaines lignes de force convergeant dans l’établissement
de ce qu’on appelait naguère un État policier.
Attention, pour autant, à ne pas amoindrir ou relativiser
les propres responsabilités de Nicolas Sarkozy. Simplement,
celui-ci n’est pas l’inventeur de tout ce qui se met
en place actuellement sous son impulsion. Les libertés que
la police prend en France avec les libertés publiques, par
exemple, cela renvoie à une longue tradition. Alors, doit-on
parler d’autoritarisme ? C’est une question à
part entière. Ce qui est certain, c’est que le pouvoir
personnel, lui aussi, plonge loin ses racines dans l’histoire
de la Ve République. Dès 1958, la gauche reprochait
à de Gaulle l’hyperpersonnalisation du pouvoir. Il
n’est pas évident de pointer avec précision
les points de ruptures.
Que diriez-vous de l’attitude de Sarkozy vis-à-vis
de l’armée ?
Sur les questions d’économies, la hiérarchie
militaire a des réflexes conditionnés. Dès
qu’on touche un centime au budget, elle se met à crier
à l’assassin et au voleur. Or que défendent
ces gens-là ? Ils défendent les sous-marins nucléaires,
par exemple, c’est-à-dire des projets pas nécessairement
recommandables. Ils défendent une politique luxueuse et dispendieuse,
par rapport, notamment, à ce que sont les affectations budgétaires
pour le social. Donc, ne les mettons pas en position de victime.
Mais sur la façon de s’y prendre, il y a effectivement
à redire, par rapport à une certaine brutalité.
En même temps, le candidat Sarkozy avait annoncé celle-ci
avant son élection à la présidence.
Dans ce cas, où situez-vous l’originalité du
chef de l’État ?
Ce qui surprend le plus, actuellement, c’est que Nicolas
Sarkozy pratique sa brutalité avec à peu près
tout le monde, presque tous les secteurs de la société.
Je crois qu’il va effectivement finir par se mettre réellement
en difficulté. Avec le pouvoir médiatique, il se met
en ce moment dans une position litigieuse. Or ce pouvoir est devenu,
en France, hyperpuissant. Et de quelles assises sociales l’exécutif
peut-il aujourd’hui se prévaloir ? En vérité,
le régime de Sarkozy est pareil à une pyramide plantée
sur sa pointe. Il a donc très largement besoin des médias.
Mais comment expliquer, alors, le comportement de Nicolas Sarkozy
vis-àvis de ces derniers ?
Il ne supporte pas la contrariété. C’est la
clé de compréhension de ses comportements. Quand il
croise un technicien dans les couloirs de France 3 et que ce technicien
se détourne, il ne le supporte pas. Cela témoigne
bien d’une grande fragilité, qui va assurément
lui jouer des tours. Il faut souligner, à cet égard,
le caractère inédit du contexte. La France vient de
prendre la présidence européenne. Cela va porter la
folie du personnage à une autre échelle. Tout le monde
va s’y trouver confronté. Or, les interlocuteurs européens
ne sont pas non plus du genre à se laisser intimider. Nicolas
Sarkozy a tenté d’imposer aux Espagnols ses solutions
sur la question de l’immigration clandestine. Ceux-ci l’ont
envoyé promener. Je pense qu’on va voir le même
scénario se reproduire sur les autres dossiers qui seront
abordés. Dès que Sarkozy se projette sur la scène
internationale, son bluff ne marche plus.
(1) À notamment publié Bouffon Imperator, pamphlet
consacré aux cent premiers jours d’exercice de Nicolas
Sarkozy et de son gouvernement.
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