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Suite au colloque à l'Assemblée nationale du 18 octobre
2010, l'Humanité a organisé un débat "Les
lois antiterroristes mettent-elles
en cause la démocratie?"
Origine : http://humanite.fr/03_12_2010-un-vocable-inconsistant-459259
J’aimerais profiter de l’occasion qui m’est ici
donnée pour soutenir brièvement mais fermement une
proposition aussi simple que massive : les vocables terrorisme,
terroriste (à la différence du mot terreur, assurément)
ne sont pas des mots de la politique. En d’autres termes :
ils devraient être bannis du vocabulaire politique de ceux
qui savent que la formulation et l’enchaînement de raisonnements,
propositions ou prescriptions politiques passent par l’emploi
de termes et la mise en œuvre de concepts dont la validité
a été éprouvée ; ceux qui savent que,
dans le domaine politique, plus qu’en tout autre, les mots
sont importants.
Cette position s’oppose distinctement à celle qui,
habituellement, prévaut dans notre camp, parmi nos amis et
nos camarades. Ceux-ci, qu’ils soient juristes, philosophes
ou journalistes, sont habituellement portés à établir
leurs raisonnements sur un distinguo : il y a bien du terrorisme,
des terroristes, et qui sont ceux qui, par des attentats «
aveugles », frappent des «?innocents?», des civils.
Et puis, il y a tous ceux que nous soutenons, car ils sont qualifiés
abusivement, insidieusement, injustement, hâtivement de terrorisme
par la police, la justice d’exception, la grande presse, le
pouvoir, etc. Par exemple, les « communards » de Tarnac,
ou ceux qui pensent qu’un bon centre de rétention est
un centre de rétention saccagé et incendié
par ses « usagers » mêmes…
Le problème est que cette distinction – destinée
à exonérer certaines formes de radicalité,
voire de recours à la violence vive à des fins politiques
– de l’accablante qualification de terrorisme, repose
sur une casuistique qui ne tient pas compte des circonstances pratiques,
réelles, dans lesquelles un affrontement se produit.
Les vocables « terrorisme », « terroristes »
sont intrinsèquement et structurellement corrompus par le
fait qu’ils s’appliquent comme par automatisme et massivement
à des acteurs individuels ou collectifs non étatiques
et il faut toujours recourir à un forçage du vocabulaire
qui n’emporte jamais l’adhésion du vaste public
pour faire endosser à un État, une autorité
légitimée, le costume du terroriste.
Dans ces conditions, il nous faut trancher dans le vif : les mots
terrorisme, terroriste doivent être abandonnés à
ceux qui, dans le présent, en font un usage idéologique,
instrumental, dont l’évidence saute aux yeux, un usage
qui, naturellement, doit être dénoncé sans relâche.
Il n’existe aucune définition du terrorisme qui soit
susceptible de faire autorité et de désigner l’essence
d’un phénomène pour la bonne et simple raison
que le propre de toute guerre moderne est d’abolir la distinction
entre corps militaires et corps civils, toute espèce de guerre
moderne étant, par essence, « terroriste ».
Il y a bien sûr des prises d’armes, des actions d’«
éclat » violentes et hyperviolentes dont on ne dira
jamais assez combien elles sont stupides et contre-productives,
mais ce n’est pas en parlant la langue de l’ennemi que
nous exposerons de manière probante la réprobation
qu’elles nous inspirent. Ben Laden est assurément ce
que l’on aurait nommé jadis, simplement, un bandit,
un « ennemi du genre humain ». Mais « terroriste
», ni plus ni moins que son ennemi intime Bush Jr –
ce qui dit tout sur l’inconsistance politique de ce terme…
Alain brossat
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