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origine :
http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/?q=node/172
"Yapou est une terrifiante anti-utopie ou, dans des termes
plus convenus, un roman de science fiction. L’auteur s’y
projette en l’An 3970. Une société spaciale
s’est formée, entièrement dominée par
la race blanche ou plutôt, une aristocratie, un patriciat
blanc, comme dit l’auteur, car il y a aussi, nous y reviendrons,
une plèbe blanche. Ce pouvoir blanc repose donc en premier
lieu sur la conquête spaciale et s’est établi
dans des formes variables sur différentes planètes.
Ce qui est constant, en revanche, c’est la forme de la suprématie
blanche : partout s’exerce le pouvoir absolu de la race blanche
: les Noirs sont leurs esclaves ; quant aux Jaunes, ils ont disparu
au cours de la Troisième Guerre mondiale et du fait de l’emploi
d’armes nucléaires sophistiquées, à l’exception
des Japonais, population insulaire, lesquels ont été
progressivement transformés en Yapous, c’est-à-dire,
selon la définition même de l’auteur, meubles
vivants (« living furnitures », c’est lui-même
qui propose cette traduction anglaise de l’expression japonaise
qu’il emploie).
Ici, une première précision d’importance : le
roman a été publié en livraisons successives
dans une revue de SF japonaise, et ce à partir de 1956. A
l’évidence, donc, il se conçoit donc comme une
description hyperbolique de l’occupation de l’archipel
japonais par les Américains, suite à la défaite
de 1945. Il résulte d’une sorte de « métissage
» entre les conditions historiques de cet après-guerre,
au Japon, et les obsessions sado-masochistes de son auteur, ainsi
que celui-ci l’indique lui-même dans une postface écrite
en 1970 et reprise dans l’édition française
du premier volume.
Avant de m’arrêter plus longuement sur la figure du
Yapou, en tant que mort-vivant, je dessine en deux mots l’intrigue,
des plus fantaisistes, du roman. Dans son mouvement d’expansion
spatiale, l’aristocratie blanche a délaissé
la planète Terre de ses origines, comme une sorte de province
reculée, si bien qu’y vit encore, à l’état
sauvage, et figée à l’époque «
anhistorique », c’est-à-dire à la fin
du XX° siècle, une humanité résiduelle,
oubliée par les maîtres blancs de l’Univers.
Le roman s’ouvre donc sur la présentation de l’idylle
improbable d’une jeune aristocrate allemande, Clara, et d’un
jeune intellectuel japonais, Rinichiro, en train de se promener
dans une forêt allemande et de disserter sur la bonne manière
de dresser chiens et chevaux (Une femme blanche, un homme jaune,
inexorable typologie des races). Rinichiro vient de prendre un bain,
nu, dans un torrent glacé, lorsque survient l’événement
par lequel tout arrive : un vaisseau spatial piloté par une
jeune aristocrate vivant, elle, dans le temps « historique
», Pauline, s’écrase à proximité
des ébats de ces deux terriens « non-contemporains
» d’elle. Alertés par le bruit, Clara et Rinichiro,
toujours nu, se portent au secours de la naufragée de l’espace
et se noue alors le fatal malentendu : Pauline pense avoir affaire
à une contemporaine, aristocrate blanche (Clara a évidemment
le type aryen, grande blonde au teint clair) accompagnée
de son Yapou, puisque son compagnon est nu, comme le sont les Yapous,
bétail humain, dans la société patricienne
de l’espace... Je passe sur les différentes péripéties
qui vont nous conduire au coeur (de pierre) du récit : Clara
va accepter de s’embarquer sur le vaisseau spatial renfloué
et s’intégrer rapidement à la société
blanche aristocratique de l’espace. Elle va rapidement renoncer
à convaincre ses hôtes que Rinichiro est un humain
à part entière et, de surcroît, son fiancé,
pour accepter la transformation de celui-ci en Yapou, meuble vivant
placé à son service. A la fin de la première
partie, suite à une série de transformations éprouvantes,
Rinichiro est devenu une sorte d’animal de compagnie de Clara
qu’il adore et révère comme une déesse."
voir également : http://www.editions-desordres.com/catalogue/yapou_1.php
Reprenant la tradition de Jonathan Swift et du voyage fictif, cette
dystopie délirante, marquée par une feinte érudition
et de constantes adresses au lecteur, représente la quintessence
littéraire de la détestation de soi des Japonais traumatisés
par l’Histoire. Yapou décrit un monde total, traversé
par un humour noir et grinçant, où tout, de l’organisation
sociale aux gadgets technologiques, en passant par le système
philosophique et idéologique, est scrupuleusement répertorié.
Grand texte du masochisme, hanté par les notions d’impérialisme,
de suprématie raciale, d’eugénisme, de domination
sexuelle, Yapou a été honni par le Japon d’après-guerre.
Ce livre culte est considéré comme le texte le plus
étrange jamais publié au Japon.
"Yapou, bétail humain est le plus grand roman idéologique
qu’un Japonais ait écrit après-guerre."
Yukio Mishima
Et aussi, le "Body Sushi" - Nyotaimori aka Body Sushi
- par Eric Alba : http://www.vimeo.com/156568
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