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Origine : http://comite-de-salut-public.blogspot.com/2007/07/80.html
C'est le chiffre donné par Le Monde Sarkozyste sur la progression
des salariés en intérim depuis 10 ans : 80 % d'augmentation.
L'intérim est en passe de devenir, voire est déjà,
le premier employeur de France. Vous avez déjà fait
de l'intérim ? Moi, oui. Faut bien bouffer. Et on connaît
tous comment cette sur-précarisation installe une angoisse
de l'intérimaire : de ne pas être appelé, de
se demander où on va l'expédier, pour y faire quoi,
est-ce que je peux espérer un contrat de plus longue durée,
voire soyons fous, un CDI ?
Que des questions. Pour ainsi dire pas de réponses.
Et l'intérim dans quoi, au juste ? Regardons :
Les centres d'appels.
La sécurité.
L'enlèvement des ordures.
Le nettoyage.
Tiens ? Vous ne voyez pas un point commun entre toutes ces activités
?
Que des jobs de merde.
Sans oublier le BTP et la restauration, peut-on supposer, plus gros
demandeurs de salariés "flexibles", qui ne craignent
pas les horaires à rallonge, les paies au lance-pierre, et
le harcèlement moral.
De plus, l'intérim offre un avantage incomparable pour l'employeur.
T'as pas intérêt à moufter.
Sinon, on te rappelle pas.
Il se trouve que j'ai travaillé dans certains secteurs cités
plus haut. Les pires jobs de ma vie, sans conteste. Je sais donc
exactement à quoi m'en tenir sur la précarité,
l'attente de l'appel, l'angoisse de l'avenir...
L'expérience la plus marquante a été quand
je travaillais dans une institution pour handicapés l'an
dernier. Le personnel était divisé en deux : les titulaires,
en CDI, et qui avaient peu ou prou l'assurance de la stabilité
; et les remplaçants, dont je faisais partie.
On nous appelait le dimanche soir pour travailler le lundi. On venait
le lundi matin, on signait un contrat pour la semaine, et ça
a continué ainsi pour moi presque un an.
Oui oui, on signait un contrat par semaine. J'en ai un classeur
plein, juste à coté de moi, là.
Certains, ça faisait 5 ans que ça fonctionnait comme
ça.
5 ans.
Avec l'espoir qu'un jour, peut-être, ils seraient titularisés.
Un jour. Peut-être...
Avec bien sûr les coups de fil de dernière minute,
pendant les jours de congés, on a besoin d'un remplaçant
tout de suite, est-ce que tu peux venir ?
Et il était, disons, préférable, de laisser
tomber ce qu'on avait prévu à ce moment...
Oh, jamais on ne nous menaçait directement de quoi que ce
soit. Mais on savait pertinemment qu'on n’avait pas trop intérêt
à refuser. Pas sans une très bonne raison. Et pas
trop souvent...
Et mine de rien, on s'installe là dedans, dans cette angoisse
du coup de fil. La paie est correcte, c'est pénible, mais
enrichissant (j'ai énormément appris sur le métier,
acquis même quelques compétences en anatomie). Et bon,
c'est assez régulier, on crée des liens avec certaines
personnes. On s'installe dans le temporaire permanent, en somme...
Parfois, on était pas appelé. Sans raison. Une semaine
passe. On flippe. Deux semaines, trois...Là, on flippe vraiment.
On panique, même. On se demande ce qui se passe, si on a fait
ou dit quelque chose, merde merde merde, mais pourquoi ils rappellent
pas putain ??!!?
Coup de fil.
On bosse demain.
(OUF !!!!!!)
Pour un peu, on aurait presque été reconnaissant...
Presque.
Je n'exagère pas sur la menace tacite : j'ai rencontré
depuis d'autres personnes qui y avaient travaillé. Un jour,
on ne les a pas rappelé.
Ils avaient moufté.
La sanction a été immédiate ; et quelque part,
confortable, puisqu'il a suffit de ne pas faire quelque chose.
Appeler la personne.
Exit le remplaçant.
Vivre comme ça pendant des mois...
Des années pour certains...
Pour ceux qui se demanderaient pourquoi je suis aussi méga
furax, et bien disons que cette expérience y a fortement
contribué.
Fortement.
Et vous savez quoi ?
J'espère bien ne pas être le seul.
Oui, j'espère bien qu'il y'en a d'autres comme moi, qui ont
connu cette violence invisible, et qui ne sont pas, mais alors pas
contents du tout...
C'est là-dedans qu'on va trouver les enragés.
C'est dans cette génération et celle qui vient, forgées
par le travail "flexible", qu'on va dégoter des
gens qui en auront vraiment plein le cul.
Et qui veulent que ça change.
Et que ça change vraiment.
80 % d'augmentation en dix ans. Et ça ne va pas s'arrêter.
Oh que non...
On fait un pari sur l'avenir ? Le nouveau prolétariat précaire
d'aujourd'hui fournira les sans-culottes de demain.
Vivement qu'on rigole, mh ?
lundi 16 juillet 2007
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