DOCUMENT PRÉSENTÉ PAR LES 13 INCULPÉS AU PROCES
DE COSENZA
CONTRE LE "SUD RIBELLE" ACCUSÉS DE CONSPIRATION ET
SUBVERSION
"La révolution n'est pas un droit"
(citation rapportée dans le dossier d'instruction du magistrat
PM Domenico Fiordalisi)
"Conspiration politique finalisée à la constitution
d'une association subversive avec la participation d'environ 20
000 personnes... attentat contre l'ordre économique de l'État...
incitation à la désobéissance des lois...",
ce sont les accusations auxquelles on doit répondre au procès
de Cosenza.
Le 23 février, ce procès commence."
En réalité, il n'y a aucune raison pour que le procès
soit fait auprès du tribunal de Cosenza sur des événement
qui se sont passé ailleurs; ceci nous amène à
constater que, dans un procès politique, les dispositifs
de partition du pouvoir est arbitraire.
A Cosenza nous affronterons un procès qui sert à criminaliser
et exorciser l'insoumission sociale, celle qui à Naples et
à Gênes en 2001 a effrayé le pouvoir; nous allons
subir un procès puisque le faux en bilan publique, les abus
dans l'immobilier des HLM, les marchandages avec la mafia locale,
tout ce qui peut servir à accumuler des capitaux peut être
amnistié et rémissible. Au même temps, une génération,
qui lutte avec toutes ses forces dans un vaste mouvement contre
la guerre et contraste les choix politiques qui alimentent la misère
des populations de la planète, est dans les salles des tribunaux
sans peine rémissible.
Cela explique pourquoi aujourd'hui une partie du mouvement est en
train de subir des procès : elle représente une multitude
qu'on arrive pas à viser. On a été choisi selon
les insondables critères des fonctionnaires zélés,
magistrats comme Domenico Fiordalisi. Comme il résulte des
actes de l'enquête, on a été choisi selon une
méthode "préventive" en identifiant des
coupables bien avant que les faits eux mêmes se produisent.
On est là devant des juges pour justifier le boulot des dispositifs
militaires comme, par exemple les Ros (corp spécial des 'carabinieri'
) du général Ganzer, des spécialistes dans
la persécution politique (et dans le trafic de cocaïne...).
Le théorème Fiordalisi soutient ainsi l'hypothèse
qui voit dans le mouvement contre la globalisation et contre la
guerre permanente une puissante et pyramidale cabale criminelle,
vision probablement spéculaire aux besoins imaginaires accouchés
par nos accusateurs. Il s'agit d'adapter l'outillage juridique répressif
fourni par les lois dites de 'l'urgence' ainsi que celui du code
issu de l'époque fasciste à l'émergence des
nouveaux mouvements sociales.
Ce théorème est incontournable pour renverser les
responsabilités politiques et historiques de la terrible
répression contre les mouvements: tabassages de masse, sévices
dans les casernes Raniero et Bolzaneto, assaut militaire à
l'école Diaz, utilisation de gaz toxiques et d' armes à
feux jusqu'à tuer notre frère Carlo Giuliani.
Le procès de Cosenza est indissolublement associé
aux procès de Gênes et de Naples qui cherchent les
coupables parmi les manifestants aux contre-sommets en confondant
les violences policières avec la résistance diffuse
provoquée par les forces de l'ordre elles mêmes.
Alors, on est tous des inculpés puisque par dizaines de
milliers, lors des manifestations dans la rue, on a essayé
de résister aux charges sauvages des forces de l'ordre, aux
camions blindés qui tombaient à toute vitesse sur
les manifestants, aux tirs de pistolets et aux coups de matraques.
N'importe qui aurait pu saisir n'importe quoi pour empêcher
au gendarme, toujours inconnu, de pointer son arme et tirer contre
notre frère, comme l'a fait avec beaucoup de courage Carlo.
On est tous des subversifs puisque ensemble on a contesté
la priorité du profit sur le destin des êtres humains
et ensemble on poursuit notre lutte, on agit et on intervient dans
les conflits sociaux qui traversent nos territoires.
Si on essaie de regarder la séquence des scènes de
Prague, de Naples, de Göteborg et de Gênes, on peut voir
un processus qui standardise les formes d'intervention répressive
au delà des frontières nationales et stérilise
avec la violence étatique la contestation radicale qui s'exprime
de plus en plus dans les métropoles occidentales. Ceux qui
programment et exécutent les massacres à Jenine ou
à Falluja désirent, bien évidemment, travailler
sans entraves.
Pendant les journées des sommets internationaux, on a pu
assister à la mise en place de l'"état d'urgence",
cette suspension des droits qui existe au quotidien dans les milles
Guantanamo disséminées sur la planète. Ceux
qui expliquent les journées de Gênes comme un accouchement
qui appartient exclusivement aux politiques de la droite 'néocons'
de Silvio Berlusconi, se contente d'un schéma consolateur
qui dans les prochaines années va produire d'autres désagréables
"coups d'éclat".
Dans ces dernières années , grâce aux réseaux
et aux pratiques autonomes propres au mouvement, le virus de Gênes
a contaminé les usines de Melfi, il est dans les luttes de
Acerra, de Scanzano et de Termini Imerese, il " incite à
la désobéissance aux lois" lorsqu'elles détruisent
l'environnement et appauvrissent nos territoires, et "menace
l'ordre économique" du néo-libéralisme
sauvage, ce virus se reproduit dans des libres associations d'"environs
20 000 personnes". Trop de boulot, M.
Fiordalisi!
Pas la peine de nous partager en rebelles "bons"
et "méchants"...
Dans un contexte dans lequel la vision paranoïaque et sécuritaire
se traduit au nombre de plus de 7000 enquêtes judiciaires
qui touchent une génération entière d'activistes
qui, dans ce pays, ont repris la parole, l'enjeu principal est l'espace
d'action du conflit social: la campagne qui vise à rendre
"diaboliques" les actions de lutte des précaires
(apparitions de Saint Précaire) du 6 novembre 2004 est là
pour le prouver.
Le mouvement est serré dans un étau qui risque de
l'étouffer s'il ne s'interroge pas sur ce que cela signifie
de construire une résistance sociale au système qui
nous impose la guerre permanente.
A tous ceux qui sont solidaires avec nous nous disons qu'on ne
peut pas contourner ce sujet car le procès de Cosenza n'est
pas un événement exceptionnel, mais une exceptionnelle
confirmation de l'autoritarisme qui opprime notre société.
La solidarité doit se traduire en lutte, mobilisation contre
la criminalisation des mouvements sociaux et contre l'emprisonnement
du corps social, pour vaincre la tendance, à droite comme
à gauche, d'utiliser la prison comme vide-ordure sociale
et les tribunaux comme lieux de solution des conflits politiques.
A ceux qui nous accusent, nous disons que ce procès ne fera
pas de nous des otages car nous poursuivrons notre combat contre
la guerre inhumaine, contre la honte des cpt (centres de détention
permanents où sont enfermés les migrants en attente
d'expulsion), contre la précarité économique
et existentielle dans laquelle on voudrait enfermer nos vies.
Nous nous battrons a coté des centaines de milliers de gens
qui se mobilisent depuis le jour où les premières
arrestations de Cosenza ont agressé bruyamment le mouvement
et avec ceux qui étaient à nouveau dans la rue le
27 novembre.
Cosenza, le 23 février 2005
les 13 'suversifs'
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