Origine :
Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification
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Leçon 1 : l’image
Le façonnement de l’image est certainement la base,
le socle sur lequel tout l’édifice pourra se construire.
Elle représente l’élément fondateur du
Business Model constituant toute société, toute organisation
inspirée du management par la terreur.
L’idée est en fait de réussir à créer
une image externe de prestige et d’excellence associée
à la société, et de capitaliser sur cette dernière.
La communication sera focalisée sur le fait que le prestige
de l’entreprise provient avant tout de l’excellence
de ses collaborateurs, qui, triés sur le volet font partie
d’une élite. Ainsi, conviendra-t-il de faire comprendre
au candidat potentiel que son entrée au sein de la société
le ferait accéder à une certaine caste d’intouchables
: les meilleurs parmi les meilleurs. L’opportunité
qui se présente au candidat doit être ressentie comme
inestimable, une chance de marcher sur les chemins futurs de la
gloire, de la réussite.
En réalité, on offre aux collaborateurs la promesse
de la reconnaissance sociale, qui se caractérise par l’offrande
d’un statut social se matérialisant à deux niveaux
complémentaires et distincts :
• l’appartenance à une entreprise prestigieuse
flatte l’ego du collaborateur et est un élément
déterminant de sa valorisation personnelle
• l’argent qui offre pouvoir et contribue à la
valorisation personnelle du collaborateur ainsi qu’à
son image auprès d’autrui
On joue donc ici sur l’ambition et la cupidité des
individus qui devront donc être triés sur le volet.
En fait contre la promesse de la reconnaissance sociale un grand
nombre de personnes cultivées et éduquées sont
prêtes à donner en échange une partie de leur
liberté, de leur plein arbitre. C’est un peu d’ailleurs
ce que nous révélait déjà Doistoievski
dans les Frères Karamazov, lorsque Jésus de retour
sur terre se voit de manière très cynique répliquer
par le Grand Inquisiteur que l’ensemble de la société
fait le choix de l’abandon de la liberté contre la
promesse du bonheur, contre l’espoir de délivrance
de ce dernier. Ici, l’analyse est la même, sauf que
l’on offre aux gens les plus ambitieux, les plus superficiels
la promesse de leur bonheur ultime : la reconnaissance sociale.
On le comprend bien, le choix initial des hommes, leur recrutement
est un facteur clé de succès. Les personnes n’étant
pas prêtes à faire un certain nombre de sacrifices
devront être écartées. A cet effet, il paraît
d’ailleurs préférable d’embaucher de jeunes
éléments, fraîchement sorti de leurs études.
En effet, ces derniers sont plus facilement malléables, formatables,
ayant, pour la plupart été couvés lors de leur
période étudiante à l’abri dans une bulle,
ils sont encore naïf et plein d’espoir sur le monde du
travail.
Mais comme nous le verrons dans un chapitre ultérieur, certains
peuvent toujours passer entre les mails du filet, il conviendra
de pouvoir se débarrasser de ces gêneurs de manière
subtile, presque naturelle, sans mettre le quelconque grain de sable
dans la belle mécanique (la broyeuse invisible) mise en place
(voir à cet effet le chapitre 9).
Leçon 2 : l’illusion des rapports
Une fois que le décor est planté, que l’hameçon
a pris, que le candidat a fait le premier pas et qu’il a souhaité
adhérer au projet commun, il convient de l’intégrer
de la manière la plus subtile en créant l’illusion
de rapports conviviaux, sincères, presque paternalistes entres
tous les collaborateurs, et ce quelque soit leur niveau hiérarchique.
Il faut tenter de transmettre une première impression d’appartenance
à une grande famille, où la fraternité, l’entraide
sont des valeurs prépondérantes et unificatrices qui
lient l’ensemble des individus se reconnaissant dans la firme
et son projet. Il faut susciter, amplifier le désir d’appartenance
au groupe, à la société qui est plus qu’un
lieu de travail, mais une source d’émancipation, porteuse
de valeurs communes et réunissant des personnes portées
vers un idéal. Une vision anime les dirigeants : un certain
despotisme éclairé qui nous le verront plus tard justifie
beaucoup de mauvaises actions et de souffrance acceptées
par les collaborateurs de par leur acceptation de la promesse initiale.
Comment mettre en place de tels rapports :
• Le tutoiement doit être de mise, même avec
les plus hauts dirigeants de l’entreprise, car il insinue
que l’ensemble des protagonistes sont au même niveau
malgré les différences hiérarchiques et surtout
il induit une certaine convivialité illusoire dans les rapports
: on tutoie son boss comme on tutoierait un ami.
• Les pots réguliers offerts par la société
: l’objectif est ici d’inciter les gens à discuter
entre eux, du travail bien sûr, de la société
et de la chance que l’on a d’en faire partie. Ces pots
devront être organisés de préférence
le vendredi soir, pour perdre le moins de productivité possible
(ensuite les gens rentrent chez eux pour le WE) mais surtout parce
que c’est le moment où les individus sont les plus
disponibles mentalement, le plus joyeux en fait, de part l’imminence
du week end qui détend toujours les esprits. A ces pots,
il conviendra de s’assurer de la présence régulière
de quelques boss (par roulement) pour que les subordonnés
se sentent obligés de participer à ces pots. En effet,
ils se devront d’être présent pour se montrer
et surtout montrer qu’ils adhèrent complètement
à la structure.
• Les grands plus incontournables : les séminaires
et les sorties de groupe, présentes pour fédérer
les troupes et rappeler l’esprit de corps indispensable à
la bonne marche de l’entreprise.
Après une période d’euphorie, tout salarié
normalement constitué s’aperçoit de la supercherie,
de l’illusion des rapports, mais il comprend vite que cette
illusion ne peut être dénoncée car tout a été
mis en place (voir chapitres suivants) pour établir une certaine
loi du silence qui devient la règle tacite principale.
Leçon 3 : une organisation de type stalinienne
Il faut mettre en place une structure hyper organisée, où
tout est méticuleusement pensé, où rien n’est
laissé au hasard. L’organisation doit être structurée
de telle manière que l’individu ait un rôle étroit
bien défini au sein de l’édifice. L’objectif
est en fait d’annihiler toute créativité, d’éteindre
toute initiative pour empêcher une personnalité de
sortir du rang et ainsi mettre en péril tout l’édifice.
Chacun doit rester à sa place, aucune tête ne doit
dépasser, et l’organisation de la structure doit aider
à atteindre ce but, qui est, nous le comprenons bien, la
base du contrôle des subordonnés, de leur esprit et
donc du pouvoir dans l’entreprise.
Les maîtres mots doivent être :
• discipline
• rigueur
• statu-quo
par opposition aux mots tabous à bannir du sémantique
vocable de l’entreprise :
• créativité
• initiative
• changement
La conception ici présente se rapproche de l’analyse
faite par Platon de la cité idéale où chaque
groupe d’individus a son utilité, sa fonction propre.
Dans la cité de Platon, les artistes (poètes, musiciens…)
sont exclus car ils mettent en péril la société
toute entière. En effet, la passion qui les anime, porteuse
de créativité, d’initiative, de changement est
dangereuse pour la pérennité de l’ordre, du
pouvoir établi… Seule la raison est susceptible de
maintenir l’ordre et l’édifice élaboré.
Comment créer une telle organisation :
• il convient tout d’abord de mettre en place une hiérarchie
imposante, une véritable stratification à tous les
niveaux doit être mise en place. Dans l’absolu, une
stratification par année d’ancienneté (comme
à l’école) serait idéale, avec un passage
au grade supérieur (en classe supérieure) tous les
ans, permettant de tendre une carotte annuelle à l’individu
et de pousser au maximum l’idée d’une organisation
hiérarchisée. En plus une telle méthode permet
de capitaliser sur une organisation, un système de pensée
qui a fait ses preuves auprès des subordonnés, système
qu’ils ont inconsciemment complètement intégré
par habitude et donc auquel ils n’auront aucun mal à
se soumettre en milieu professionnel : le milieu scolaire. Par cette
méthode on induit de manière implicite que comme à
l’école, on passe en année supérieure
si on travaille bien et que l’on s’intègre bien
au système.
Avec pour objectif à long terme l’obtention du diplôme
final, ici symbolisé par l’intégration de la
caste des dirigeants, qui doit permettre à l’individu
de se libérer du système,
• une répartition minutieuse des tâches : selon
le grade, le positionnement hiérarchique, chacun doit avoir
un rôle clairement défini et borné : l’idée
est ici celle d’un taylorisme moderne adapté aux activités
immatérielles (avec les gains de productivité inhérents
à ce type de système),
• une logistique millimétrée, qui doit donner
le ton : on ne doit pas perdre de temps.
Ainsi, par exemple, la cantine doit-elle être sur place,
accueillante, conviviale mais pas trop grande, pour obliger les
gens à laisser leur place aux autres et ainsi à ne
pas trop tarder (principe d’un nombre de places limitées
obligeant un roulement rapide pour permettre à tout le monde
de se restaurer. La cafétéria devra également
être accueillante pour que les gens s’y sentent bien,
mais on pourra de manière très efficace, l’entourer
d’une verrière. En effet, une verrière permet
d’aérer la pièce, de la rendre plus lumineuse,
d’offrir un espace d’évasion par son ouverture
sur le monde extérieur ; mais surtout, par beau temps, il
fait vite très chaud sous une verrière, ce qui incitera
les collaborateurs à ne pas trop tarder, de même par
mauvais temps le manque de lumière incitera également
les collaborateurs à ne pas s’éterniser.
Une fois le cadre mis en place nous pouvons passer à la
manipulation discrète des esprits…
Leçon 4 : la paranoïa
Le sort en est jeté, la première phase d’acclimatation
des esprits est mise en place : une adhésion consentie à
un projet (leçon 1), des relations basées sur une
illusion et une certaine hypocrisie non dénoncée grâce
à la loi du silence imposée (leçon 2), une
structure organisée de telle manière que l’encadrement
et le contrôle des subordonnés soit possible (leçon
3). Il convient désormais de passer à la réelle
phase de manipulation mentale, d’influence psychologique des
esprits, pour pouvoir tirer un profit maximum de leurs efforts de
leur travail, de les pousser dans leurs derniers retranchements,
les obliger à se dépasser pour le bien de l’entreprise
bien sûr, mais avant tout pour survivre.
L’objectif est de créer un climat où tout le
monde s’observe, se surveille, où chacun limite l’autre
et donc le contrôle : il faut créer un véritable
esprit latent de paranoïa de chacun envers les autres, de chacun
contre le système. Les gens doivent se sentir menacés
par leur voisin, qui n’hésitera pas à les sacrifier
pour monter dans la hiérarchie.
Comment réaliser une telle prouesse ?:
• l’agencement des bureaux des collaborateurs joue
un rôle essentiel. Seuls les dirigeants doivent avoir l’honneur
de posséder un bureau individuel (le bureau sera ainsi le
symbole de la progression hiérarchique de l’individu,
un symbole de pouvoir, de reconnaissance). Ainsi, le système
préconisé est celui des staffs pour l’essentiel
des subordonnés.
• Dans une staff, les bureaux devront être disposés
de telle manière que chacun puisse observer les autres (il
y a ici un véritable travail de réflexion à
effectuer pour optimiser le système et assurer sa pleine
efficacité, en plaçant par exemple cote à cote
des personnes qui ne s’apprécient pas beaucoup pour
éviter tout copinage…). Le principe est le suivant
: l’œil inquisiteur d’un individu limitera forcément
le comportement d’autrui et ainsi toute tentative d’émancipation
de ce dernier.
• Dans une telle configuration où tout le monde est
dans la même staff, les personnes limiteront d’elles
mêmes leur nombre de coup de fil personnels (= gain de productivité)
ou de consultation d’internet, mieux encore les horaires seront
mieux respectés puisque chacun sait à quelle heure
arrive ou part son voisin de staff.
On le voit bien avec cette méthode, chacun devient, par
son regard inquisiteur, un agent malgré lui du système,
à la fois victime et bourreau. Les éléments
des leçons précédentes contribuent à
l’intégration inconsciente de la paranoïa induite
par ce système, ainsi chacun a peur, ce qui oblige tout le
monde à être irréprochable.
Pour aider à créer cette paranoïa, les dirigeants
doivent passer régulièrement dans les staffs, de manière
impromptue, à des horaires variables, mais plutôt tôt
le matin ou tard le soir, comme si de rien n’était
pour discuter avec untel ou untel d’un dossier et ainsi repérer
qui est présent et qui ne l’est pas…
A ce stade, on contrôle les esprits par une certaine pression
psychologique, une certaine paranoïa qui devra être entretenue
par une compétition ouverte et renouvelée entre les
collaborateurs.
Leçon 5 : la compétition entre les collaborateurs
Maintenant que l’individu se sent encadré, formaté,
placé au sein de la structure, qu’il sent tout son
poids écrasant et oppressant qui l’oblige à
perpétuellement rentrer dans le rang, maintenant que la structure
en elle-même a crée une certaine paranoïa de chaque
individu envers ses collègues, ses supérieurs, il
convient d’enfoncer le clou en créant une compétition
larvée entre les salariés.
L’objectif avoué est ici de tirer le profit maximum
des subordonnés, de les mettre en risque et d’ainsi
les obliger à donner le meilleur d’eux-mêmes,
à se surpasser, car se sachant menacés ils n’hésiteront
pas à rentrer en guerre, à tout faire pour survivre
et ne pas se laisser supplanter par autrui.
Encore une fois, la compétition instaurée entre les
collaborateurs ne doit jamais être officielle, elle doit rester
larvée. Il doit toujours y avoir un décalage entre
le discours des dirigeants et la réalité des faits.
Ce décalage discours/réalité, sur lequel nous
reviendrons plus tard, est certainement l’une des bases de
notre système où l’illusion d’une organisation
saine doit perpétuellement être véhiculée
pour permettre une influence larvée, malsaine, inconsciente.
Une nouvelle fois se pose la question des moyens d’atteindre
notre objectif, à cet effet, plusieurs points peuvent être
relevés de façon pertinente :
Dès l’entrée dans l’entreprise cet esprit
de compétition doit être ressenti par le salarié.
On pourra ainsi profiter de la période d’essai pour
mettre « les clients » au révélateur et
ainsi faire une première sélection. L’idée
est d’embaucher deux fois plus de personnes qu’il n’y
a de postes disponibles à moyen terme et ainsi de virer la
moitié des entrants en fin de période d’essai
(le mieux étant une période d’essai de 3 mois
renouvelée automatiquement). Une telle tactique n’a
que des avantages pour l’entreprise : elle permet d’obtenir
à moindre coût des intérimaires de luxe (concernant
les personnes qui se feront éjecter en fin de période
d’essai) et ainsi une plus grande flexibilité du travail,
mais surtout elle met la pression d’entrée de jeu sur
les nouveaux entrants qui comprennent rapidement qu’ils doivent
se surpasser et faire mieux que leur petit camarade pour rester.
Officiellement bien sûr, il y a de la place pour tout le monde
et seules les rares personnes qui ne rentrent pas dans l’esprit,
dans la culture de l’entreprise seront susceptibles d’être
remerciées. Dans les faits, les nouveaux entrants sont très
vite mis au courant par les anciens, qu’en règle générale,
la moitié des nouveaux sont débarqués en fin
de période d’essai contre leur gré.
Ainsi, dès le départ, le voisin devient un concurrent,
un ennemi potentiel qui peut causer notre perte. Il faudra donc
le tenir à distance et le dépasser, se surpasser pour
atteindre notre objectif de progression au sein de l’entreprise.
Une fois la période d’essai passée, la compétition
continue entre les survivants, qui seront éliminés
un à un (ou s’élimineront entre eux) car un
seul peut survivre et accéder au nirvana : devenir dirigeant,
véritable demi-dieu vivant qui aura réussi à
surmonter, héroïquement, tel Hercule, tous les obstacles,
aura bravé toutes les tempêtes… En fait, il aura
vite compris que sa réussite passe par l’échec
de ses contemporains et que c’est en leur marchant dessus
(mais toujours avec classe, prestance et sourire) qu’il arrivera
à s’élever.
Seconde étape de la compétition, le passage en année
supérieure, qui devra bien entendu, laisser sur le coté
un ou plusieurs candidats pour bien faire ressentir aux heureux
élus qu’ils sont des survivants, que leurs efforts
ont payé et qu’eux seuls ont conquis le droit de continuer
l’aventure sur la route dorée du succès…
Mais pour raviver de belle manière la flamme guerrière,
il conviendra de donner aux survivants des rémunérations
attrayantes (véritable nerf de la guerre) symbolisant leur
changement de statut, mais différenciées pour susciter
la jalousie, l’envie et donc la compétition. Le choix
des personnes les mieux rémunérées pourra se
faire sur des critères divers en privilégiant, peut
être, l’intégration des candidats, leur foi en
le projet plutôt que leurs compétences techniques intrinsèques…
Leçon 6 : la gestion de l’information
Là encore, nous abordons une thématique essentielle
de notre projet : la gestion de l’information, qui reste une
donnée fondamentale. On entend ici par gestion de l’information,
la gestion du savoir mais aussi la gestion de la communication tant
interne qu’externe.
La gestion du savoir au sens général est une réelle
source de pouvoir, en tous les cas elle représente un avantage
décisif. Il ne faut pas trop en montrer (en terme technique)
aux débutants pour les inciter à rester pour apprendre,
se former dans la durée. Il faut savoir distiller à
bon escient le savoir, les procédés, le savoir-faire
de l’entreprise tout au long de la carrière du collaborateur
au sein de la firme. En fait, l’apprentissage doit être
conçu de manière exponentielle selon les années
de présence au sein de l’entreprise, ce qui représentera
un facteur d’emprise sur le candidat qui pour aller au bout
de son parcours intellectuel et de formation devra réussir
à rester le plus longtemps possible. La gestion du savoir
sera aidée par le phénomène de paranoïa
instauré entre les individus (voir leçons précédentes)
car personne ne voudra divulguer d’information à son
collègue, de peur de perdre un avantage sur lui et donc de
se voir dépasser et finalement écarté par ce
dernier. On le voit bien, la compétition, la paranoïa
créent une véritable loi du silence…
La gestion de la communication est, elle aussi, déterminante
:
• Il faut savoir, tout d’abord maîtriser l’image
externe donnée de l’entreprise. Cette dernière
maintient l’attractivité de la firme et surtout maintient
la soumission des subordonnés. En effet, c’est dans
un premier temps l’image prestigieuse de l’entreprise
qui a attiré les candidats et les a incité à
adhérer au projet commun (voir leçon 1). En externe
l’objectif est de toujours véhiculer cette image enlevée
et idyllique.
• En interne, les dirigeants se doivent de toujours véhiculer
une image pleine de sérénité, de calme, un
message de stabilité : la firme marche bien, elle possède
les meilleurs éléments et son devenir ne sera que
radieux. Les mauvaises nouvelles devront être écartées
d’un revers de la main ou dans le pire des cas minimisées.
Ainsi aucune incertitude, aucun doute ne peut être perceptible
et ne doit être ressenti par les collaborateurs, le chemin
est tracé et suivi, sans embûches, comme prévu
initialement. On le voit bien, le discours officiel rempli de sérénité
et d’apaisement est en contradiction totale avec la réalité
immédiate des collaborateurs : en effet, la situation personnelle
de chacun est précaire, la sérénité
laisse le pas à la crainte, la nervosité, la peur
: peur de l’avenir, peur d’autrui, peur de soi-même
(de ne pas être à la hauteur mentalement, physiquement).
En réalité c’est cette peur que l’on tente
par notre modèle de créer, car cette dernière
nous permet de contrôler les esprits et de les obliger à
donner le meilleur d’eux-mêmes.
De plus, la contradiction entre le discours officiel et la réalité
des salariés empêche toute rébellion, car on
donne l’impression que tout va de soi et qu’ainsi si
il y a un problème, il ne peut venir que de l’individu
isolé et non de la structure en elle- même.
Leçon 7 : une dévalorisation psychologique
permanente
Toutes les pièces du puzzle se mettent en place pour aboutir
à un véritable contrôle des esprits et donc
à une efficience sans précédent de la structure
et de ses obligations. Le système une fois mis en place,
il convient désormais d’étudier les ficelles
permettant la pérennisation du processus pour empêcher
toute remise en cause de ce dernier. La solution au maintien de
l’ordre se trouve dans une dévalorisation psychologique
permanente des subordonnés.
L’objectif est en fait d’éviter toute rébellion,
toute émancipation non contrôlée des salariés.
Il faut réussir à doser encouragements, parfois flatterie
pour rassurer et satisfaire l’ego de la personne, qui comme
tout à chacun est en quête de reconnaissance, et dévalorisation
psychologique pour assurer le contrôle de la personne en l’empêchant
de se croire capable de progresser en dehors du système.
Il faut en fait maintenir l’estime de soi que possède
la personne tout en lui faisant comprendre que son salut ne peut
passer que par et à l’intérieur de la structure.
La question est maintenant de savoir comment atteindre un tel objectif
? A cet effet, plusieurs pistes peuvent être explorées
:
• Dès l’intégration de la nouvelle recrue,
on pourra alterner travail intéressant, valorisant justifiant
l’entrée dans l’entreprise, l’ambition
et l’espoir des collaborateurs (surtout au début, ce
qui réconfortera la personne dans son choix et lui servira
de point de repère initial) et travail un peu moins reluisant
(photocopies, pointage, téléphone, typing…).
Le travail dévalorisant est profitable à l’entreprise
à plusieurs points de vue : il est tout d’abord fort
rémunérateur et surtout il permet de remettre le collaborateur
à sa place, d ‘éviter qu’il ne s’enflamme,
lui faire comprendre combien petit il est par rapport à la
grandeur de l’édifice et qu’il lui reste beaucoup
ce chemin à parcourir pour devenir enfin grand parmi les
grands.
Une nouvelle fois, il faudra opérer une gestion subtile
dans le choix des « jobs » proposés pour maintenir
le candidat toujours éveillé. En effet, dès
qu’un certain fléchissement, qu’un certain découragement
se fait sentir suite à un travail proposé rébarbatif
il convient de proposer un travail beaucoup plus flatteur et valorisant.
Tout l’art des dirigeants sera de savoir flirter
en permanence avec les limites du tolérable.
Comme le précisait déjà Machiavel, le Prince
ne doit jamais dépasser le seuil de violence tolérable
par le peuple sous peine de voir son pouvoir vaciller.
• De même il conviendra d’opérer de la
même manière en ce qui concerne la gestion des compliments
et satisfecit adressés aux collaborateurs. Ainsi, de temps
en temps seulement devront être donnés des compliments
aux subordonnés (par exemple dans des périodes de
découragement…) pour les remotiver et les maintenir
à un niveau adéquat d’efficacité. Mais
ils devront être délivrés avec parcimonie, en
revanche les réprimandes devront être automatiques
à chaque fois que le travail n’est pas à la
hauteur des exigences. Ainsi il conviendra de faire comprendre aux
salariés que le travail excellent va de soi au sein de l’entreprise
puisque l’excellence est le critère de recrutement
essentiel des entrants et qu’ainsi il n’est pas utile
de féliciter la personne lorsque le travail est accompli
de belle manière puisque c’est la moindre des choses.
Cette maîtrise permet un certain contrôle des esprits,
car le fait d’être toujours entre deux eaux, entre confusion,
irritation, rabaissement et valorisation, intérêt,
implication induit un véritable relâchement des défenses
du collaborateur par une usure psychologique permanente et récurrente,
qui est d’ailleurs favorisée par tous les éléments
mis en place dans les leçons précédentes.
Leçon 8 : de la gestion subtile des tests, punitions
et récompenses
Après avoir opéré dans l’ombre et façonner
depuis les coulisses l’ensemble du spectacle, nous abordons
une étape plus active, plus visible et donc plus difficile
à gérer car plus frontale : le recours aux différents
tests, récompenses et punitions y étant rattachées.
L’objectif est de mettre à l’épreuve
le collaborateur pour exacerber son esprit de compétition,
son impression de paranoïa, pour l’obliger à se
surpasser à tout moment. Il faut par ces procédés
lui faire ressentir la précarité de sa situation,
lui faire admettre qu rien n’est acquis jusqu’à
l’accession au statut suprême et qu’ainsi il se
doit de toujours rester concentré, attentif, sur le qui vive.
Ainsi devra-t-on procéder à plusieurs types de tests
:
• des tests de compétences : en donnant dans un premier
temps un travail dévalorisant et sans responsabilité
pour, d’un seul coup,
• confier un gros dossier au candidat, avec une forte responsabilité
(une fois n’est pas coutume, la hiérarchie n’est,
ici, pas respectée).
Le principe est de placer le salarié de façon soudaine
et inattendue en risque, sans filet de sauvetage, pour le placer
devant ses responsabilités et voir ce qu’il a vraiment
dans le ventre (observer et tester sa résistance au stress
et à la pression).
• Des tests de motivation :
* on pourra ainsi, par exemple, appeler le subordonné en
lui demandant de trouver toutes les infos disponibles sur tel sujet
en un délai très court (et quasiment impossible à
tenir) pour l’appeler quelques minutes avant la fin de l’ultimatum
pour lui signifier que finalement le dossier n’a plus de caractère
d’urgence,
* on pourra également proposer au candidat quelques régulières
séances abrutissantes de reprographie (photocopies, binding…)
qui font toujours extrêmement plaisir à la personne
concernée,
* on pourra encore confier un travail au collaborateur en lui spécifiant
qu’il n’y a pas de délai spécifique. Ensuite
le supérieur du délégataire pourra habilement
convoquer le salarié quelques heures après la délégation
pour savoir où il en est et ainsi lui mettre la pression.
Bien entendu il faudra accorder quelques récompenses avec
parcimonie pour encourager le candidat, mais surtout pour donner
envie aux autres en ainsi renforcer l’esprit de compétition.
Le principe est encore celui évoqué dans les chapitres
précédents de récompenses différenciées
selon les individus avec de préférence des critères
de choix autres que celui de la compétence intrinsèque
du candidat : on privilégiera à bon escient les éléments
qui rentrent le plus dans le moule et qui ainsi montrent l’exemple.
En ce qui concerne les punitions, bien entendu, l’éventail
est assez large et s’étend ainsi de la plus petite
des sanctions jusqu’à l’éviction définitive
du mauvais élément (voir en ce sens le chapitre suivant
: se débarrasser des gêneurs). On pourra ainsi :
• confier un travail dévalorisant de plus longue durée
qu’à l’accoutumée pour responsabiliser
le salarié. On pourra même enfoncer le clou en présentant
au candidat la mission comme une mission de confiance
• faire courir une rumeur stipulant qu’un subordonné
est dans le collimateur de la direction pour telle ou telle raison
(insuffisance de résultat, comportement…). Une telle
rumeur remontra forcément aux oreilles du candidat qui dans
le contexte de la structure mise en place se sentira obliger de
réagir et d’améliorer le point défaillant.
La rumeur est en fait un efficace moyen pour recadrer un salarié
sans avoir à lui dire en face ses 4 vérités,
on évite ainsi un conflit direct aux résultats toujours
aléatoires. En fait on règle le problème sans
trop se salir les mains.
• Enfin, on pourra toujours donner une augmentation inférieure
à la moyenne pour les candidats, ce qui dans le contexte
de notre structure sera subi comme un véritable affront.
Leçon 9 : se débarrasser des gêneurs
Tout est désormais en place pour instaurer un véritable
management par la terreur, qui se nourrit de la peur provoquée
et nourrie par les dirigeants. Le tableau officiel dépeint
par la communication, l’attitude des individus est idyllique
et respire la sérénité. En coulisses rien n’est
laissé au hasard pour aboutir au contrôle larvé
des esprits.
Il arrive cependant que quelques individus ne s’intègrent
pas au groupe, ou à un moment donné lâchent
prise et n’adhèrent plus au projet d’entreprise.
De tels individus sont potentiellement dangereux pour la pérennité
de la firme car, par leur attitude, ils montrent le mauvais exemple
et peuvent essayer de faire germer un esprit de rébellion
contre la structure si chèrement mise en place. Comme nous
l’avons évoqué précédemment, l’ordre
et la stabilité sont deux données cruciales sur lesquelles
repose l’édifice et rien ne doit pouvoir les remettre
en cause, c’est ainsi que les gêneurs devront être
rapidement identifiés et mis hors d’état de
nuire.
Les individus ne rentrant pas dans le moule doivent être
écartés rapidement et de manière brutale, pour
montrer l’exemple (faire peur aux autres salariés,
leur faire craindre pour leur place et ainsi les remotiver pour
donner leur maximum). Officiellement, de telles évictions
seront toujours le fruit de cas isolés, de problèmes
personnels d’individus pas assez compétents ou inadaptés
au type de job proposé. Le message ainsi véhiculé
montre que le problème apparu résulte de la personne
elle-même et en aucun cas de la structure. La firme est en
fait plus importante que l’individu, sorte de société
communiste où l’individu n’est rien, seul le
groupe est important. Le rapprochement avec le système communiste
est à bien des égards éloquent, en effet, c’est
ici une idéologie mystificatrice qui semble justifier énormément
de situations intolérables et comme dans le système
communiste, c’est en fait une élite (les dirigeants
du parti) qui tire les ficelles et s’octroie l’ensemble
des avantages et fruits générés par la structure
dans son ensemble.
Là encore, l’éviction des gêneurs se
fera de manière subtile et détournée.
Il ne devra jamais y avoir d’attaques frontales, seulement
des attaques par derrière ou sur les côtés.
Il faut frapper sur le point faible de l’adversaire, sans
qu’il ne puisse s’apercevoir d’où provient
le coup. Le seul moyen est donc de lui mettre devant les yeux une
réalité tronquée et de le surprendre, de le
toucher dans son angle mort.
L’objectif est donc de mettre une pression psychologique
importante sur le candidat, avec pour objectif final de le faire
craquer, de le broyer pour ainsi s’en séparer à
moindre coût (l’inciter à la démission).
A cet effet plusieurs techniques sont envisageables :
1ère étape l’isolement :
en lançant une rumeur stipulant que le subordonné
est sur la • sellette et dans la ligne de mire des dirigeants,
on suscite la peur de l’intéressé et dans le
contexte de la paranoïa ambiante, on le transforme en paria.
A cette étape, le doute s’installe de toutes parts,
le regard des individus changent, l’incertitude règne
et devient source de déstabilisation
Seconde étape :
on ne donnant progressivement et sans justification de moins en
moins de travail à l’individu.
Ainsi l’isolement devient visible, la rumeur semble se confirmer,
la pression psychologique augmente. Ensuite on attend une réaction
de l’intéressé pour lui demander de partir.
On lui laisse quelques mois pour se recaser et au delà d’une
certaine période on trouve un arrangement avec lui, si il
n’a pas encore craqué (silence réciproque scellé
par accord).
Cette technique est la plus simple et la moins brutale, car ensuite
on peut toujours lancer une cabale contre l’intéressé,
ternir son image (par le biais de rumeurs notamment), lui donner
uniquement du travail dévalorisant et de grande ampleur et
toujours avec le sourire, l’apparence que tout va bien…
On peut aller très loin dans la guerre psychologique, mais
ceci s’évalue au cas par cas…
Leçon 10 : de l’attitude des dirigeants
Pour que la boucle soit bouclée, que la structure trouve
toute sa justification aux yeux des subalternes il faut pouvoir
intégrer, de manière régulière de nouveaux
dirigeants en provenance du sérail.
Au final, il convient d’accepter parmi le saint des saints
après des années d’épreuves et de souffrances,
un nombre restreint mais réel d’individus pour ainsi
entretenir l’espoir, le mythe, l’ambition des subordonnés
et ainsi continuer de mettre de l’eau au moulin.
Le choix des nouveaux élus est bien entendu crucial. Le
profil doit être le même que le vôtre : des gens
avides d’argent et de pouvoir, prêts à tous les
sacrifices pour arriver au sommet, mais assez malins et sans pitié
pour avoir réussi à se faufiler, à écraser
et tuer quelques camarades en route pour profiter de leur appui
pour s’élever.
Mais même parmi l’élite, la compétition
devra être maintenue pour ainsi éviter tout relâchement,
assurer l’ordre et donc maintenir efficiente la structure
(il faut en fait éviter que les nouveaux dirigeants ne se
relâchent de trop et ne recrachent ces années de turpitudes
en arrivant au sommet).
Ainsi, une hiérarchie doit-elle encore exister parmi les
dirigeants et un semblant de progression parmi elle assuré,
jusqu’à devenir le numéro 1, le Big Brother
qui ne devra être qu’un pantin, articulé, manipulé
par un groupe très restreint de personnes (par exemple les
fondateurs de la structure qui auront digéré complètement
ces quelques leçons). Quelques dirigeants de haute volée
dirigent donc dans l’ombre, sans jamais se dévoiler,
se démasquer au grand jour, car ils ont appris que la gloire
ne se pérennise pas dans la médiatisation, ils auront
totalement compris et intégré les principes fondamentaux
de ce manuel basés sur la manipulation et l’illusion
et sur quelques vérités immuables :
• le pouvoir caché est le plus influent et le plus
efficace des pouvoirs car son action est difficilement perceptible
et donc difficilement contrable
• l’ambition, la cupidité des gens sont les
bases de leur servitude volontaire. La promesse illusoire de la
réalisation de leurs désirs, de leur libido dominandi
est la clé d’une manipulation totale.
Nous terminerons ce bref exposé en rappelant aux dirigeants
que l’apparence, le paraître doit toujours être
une de leur obligation et préoccupation principale. Ils se
doivent de toujours être à l’affût, attentif
à tous ce qui se passe autour d’eux. Ils doivent analyser
toutes les situations, tous les comportements en permanence, ne
jamais rien considérer pour acquis, être sure la défensive
en permanence et prêt au combat. Ils doivent avoir de la minutie
dans les détails car « rien de tout ce qui peut contribuer
à vous faire triompher n’est petit ».
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