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Comment perdre son employabilité en 10 leçons
Didier Cozin

Origine : http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/comment-perdre-son-employabilite-65092


Note du gestionnaire du site – Ph. Coutant :

Ce texte essaie de nous expliquer comment se rendre compatible avec le capitalisme d’aujourd’hui. Ce document est intéressant parce qu’il nous dit ce que le capitalisme postmoderne demande aux salarié/es pour être employables.

Il s’agit toujours de faire croire que c’est le ou la salarié/e qui est responsable de sa situation, c’est lui ou elle qui est incapable de s’adapter au système. Pas question de demander au fonctionnement collectif de tenir compte des humains et de leurs difficultés et limiter le désir de profits des capitalistes
.
* Il faut donc être adaptable.

* Être mobile.

* Toujours enrichir son parcours professionnel.

* Utiliser tous les statuts possibles comme celui de consultant ou d’auto-entrepreneur pour chercher d’autres sources de revenus que ceux du salariat ou des aides sociales.

* Développer ses compétences linguistiques, dans sa propre langue d’abord puis dans une ou deux langues étrangères, en particulier l’anglais.

* Se former aux nouvelles technologies, être capable de travailler en réseaux avec les outils logiciels de gestion de projets.

* Se former régulièrement par soi-même.

* Rester en veille professionnelle, entretenir ses réseaux relationnels.

* Changer de région, de métier, de secteur d’activité si besoin.

* Aller de l’avant, on ne revient jamais en arrière. Parier sur l’avenir.

* L’employabilité cela s’entretient par soi-même, c’est une capacité à rebondir



Nos concitoyens vivent depuis un an une profonde crise professionnelle et sociale. Beaucoup sont interpellés sur leur avenir au travail. Face à ces interrogations légitimes et (parfois) douloureuses, certains réflexes ou a priori, hérités de la défunte civilisation industrielle, sont à proscrire.

1. Ne pas être adaptable :

Le monde change, les anciennes valeurs ou dogmes peuvent se périmer. Dans la société industrielle les positions étaient fortement clivées : les ouvriers et employés peu investis dans le travail luttaient pour des augmentations généralisées de salaire, les travailleurs très qualifiés (cadres, ingénieurs) étaient mobiles, adaptables, investis dans le travail et leur entreprise. Aujourd’hui sans adaptation rapide, sans flexibilité, sans imagination et coopération au travail, celui-ci peut disparaître ou s’envoler pour de lointaines (et plus accueillantes) contrées.

2. Ne pas être mobile (géographiquement, intellectuellement, professionnellement) :

Autrefois la fidélité et stabilité professionnelles était nécessaires et récompensées comme telles par les entreprises (qui cherchaient à conserver leurs travailleurs qualifiés). Aujourd’hui (et encore plus demain) une trop grande stabilité professionnelle pourra faire perdre son employabilité. L’immobilisme dans un environnement rapide où tout change est porteur de risques de déclassement professionnel.

3. Croire que la réussite passée à un concours ou à un examen préservera toujours l’avenir

Notre pays voue un véritable culte aux diplômes, supposés sésames pour toute une vie professionnelle, mais que prouve un diplôme obtenu à 20 ans quand on en a 40 ? Le parcours professionnel devient plus important que le parcours initial et il faudra l’enrichir sans cesse de nouvelles expériences, de nouveaux postes, de nouveaux défis.

4. Ne pas envisager d’autre statut que celui de salarié.

Le salariat n’a pas toujours existé en France, il s’est principalement développé au XX ème siècle (et représentait alors un progrès social). Aujourd’hui le salariat régresse car beaucoup d’entreprises n’ont plus la visibilité nécessaire sur le long terme pour employer durant 40 ans aux mêmes métiers les mêmes personnes. Le statut de travailleur indépendant (ou d’auto-entrepreneur) peut être la solution, provisoire pour certains, définitive pour d’autres, afin de travailler, de se professionnaliser et de percevoir des revenus autres que ceux (précaires) d’aides ou d’allocations.

5. Ne pas développer ses compétences linguistiques :

Pour évoluer dans la société de la connaissance et de l’information il faut être curieux, ouvert aux autres et aux cultures étrangères. La pratique courante d’une (ou deux) langue(s) étrangère(s) devient une nécessité pour être mobile dans une Europe ouverte et entreprenante. La pratique de la langue maternelle doit quant à elle être irréprochable que ce soit à l’écrit comme à l’oral.

6. Négliger les nouvelles technologies :

Les nouvelles technologies constituent notre nouvelle langue commune, un alphabet commun à la terre entière et il est également disqualifiant de ne pas se servir régulièrement d’Internet que de ne pas lire ou écrire au XX ème siècle.

7. Ne pas se former régulièrement.

Depuis 2004 chaque salarié est doté d’un capital formation de 20 heures annuelles. 20 h tous les ans c’est encore trop peu (Jean Boissonnat estimait en 1995 que nous devrions passer 10 % de notre temps travaillé à nous former, le stock de connaissances nouvelles double tous les 7 ans).

Le nouvel analphabète n’est pas seulement celui qui ne sait pas lire ou écrire mais celui qui ne sait pas apprendre, désapprendre, réapprendre.

Les travailleurs non qualifiés doivent s’emparer au plus vite de leur droit à la formation (y compris hors temps de travail) et entrer dans cette démarche continue et humaniste de développements personnels (une formation tout au long de leur vie)

8. Ne pas être en veille professionnelle, négliger l’entretien de son réseau.

L’ancien modèle du travailleur salarié impliquait une installation confiante dans le statut de travailleur protégé derrière le CDI. Mais ce statut (autrefois) protecteur a empêché nombre de personnes de prendre conscience que souvent leur entreprise ou le travail changeaient. Les signaux (parfois forts, parfois faibles) doivent être perçus, interprétés et chacun doit (re)construire son parcours professionnel, y compris en cherchant un travail alors qu’il est encore en poste.

9. Ecouter d’une oreille complaisante ceux qui « vendent » des discours nostalgiques ou incantatoires en proposant un (bien improbable) retour en arrière.

Les 30 glorieuses ne se reproduiront plus de sitôt (heureusement pourrait on écrire puisqu’elles coïncidèrent avec la reconstruction de l’après guerre seconde guerre mondiale). Aujourd’hui plus d’un milliard d’ouvriers chinois et indiens produisent presque tous les biens dont a besoin la planète, plus de 800 000 ingénieurs de haut niveau sortent des écoles chinoises tous les ans. Certaines activités ne reviendront sans doute plus jamais sous nous cieux et il faudra parfois changer de métier, de secteur, de région pour conserver son employabilité.

10. Etre passéiste :

Aucune époque n’est parfaite ou sans défaut et malgré la dureté des temps de nombreuses personnes pourront développer à l’avenir leurs capacités professionnelles et sociales. L’époque est ouverte à tous, il faut être capable de saisir les opportunités qui se présentent et les transformer en challenge personnel et professionnel.

En guise de conclusion

Nos concitoyens (tout comme le reste de la planète) vivent de profonds bouleversements sociaux et économiques. Nous devons prendre conscience que notre employabilité est désormais une quête jamais finie, que sans volonté, persévérance, résilience et forte capacité à rebondir, nous aurons les plus grandes difficultés à construire un avenir professionnel et social dans la société des savoirs et des réseaux du XXI ème siècle.

Didier Cozin
Auteur des ouvrages « histoire de DIF » et Reflex DIF » -
Ingénieur de formation professionnelle.