"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
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VII Postface


La lecture de ce texte conduit souvent à remarquer que le constat est très pessimiste. C’est exact ! L’analyse n’est pas optimiste, mais si on examine les possibles, la lucidité peut permettre d’avancer. Car même dans ces circonstances peu glorieuses on peut encore penser et agir. Cette démarche est en elle-même un pari sur des issues positives.

Le désespoir peut donner l’énergie pour surmonter ces épreuves. Ce qui laisse entrevoir les lueurs de l’espoir c’est qu’il n’en a pas toujours été ainsi et qu’en conséquence, il est possible de modifier le cours des choses. Évidemment c’est une croyance dans les capacités des humains à prendre en main leur destinée.

Il est assez courant que les défenseurs du système nous disent que nous posons toujours les mêmes questions, parce que nous employons encore des mots comme “ lutte de classe ”, ou exploitation, oppression, féminisme, capitalisme, etc. Il arrive qu’ils nous affublent du qualificatif péjoratif de psycho-rigides parce que nous serions incapables d’évoluer. Pourtant, ces concepts sont toujours valables et il est légitime de les employer parce que la lutte contre la domination continue. Cette lutte ne peut pas se mener exactement de la même façon que par le passé puisque le système évolue, mais s’opposer à la domination c’est toujours affirmer ouvertement un “ non ! ” qui va déplaire à certaines personnes et à l’institution étatique.

Dans la période actuelle, comme dans le passé, beaucoup de personnes réagissent à l’oppression par la maladie, la dépression, voire la fuite, d’autres expérimentent de temps en temps de nouvelles voies et tâtonnent. Pour que l’opposition à la domination s’affirme et se construise, elle a besoin de rencontrer la pensée politique. Les subjectivités ne peuvent pas aller plus loin que ce qu’elles ont à leur disposition pour penser la situation. Il est donc nécessaire de bâtir une cohérence critique sur le plan politique. Pour y arriver, commencer par faire le bilan me paraît indispensable. Pour que les théories critiques atteignent le public, il faut que les questions politiques soient publiques.

Tout le monde peut se sentir concerné-e par ces problèmes et nous avons besoin de toutes les personnes qui souhaitent construire un monde humain et non survivre dans une barbarie absurde. Les solutions expérimentales que nous testons, ou dont nous avons connaissance, nous amènent à dire que nous avons, entre autres, besoin de personnes qui organisent, qui vont de l’avant, qui sont comme des locomotives. Nous avons également besoin de personnes ressources.

Pour que ces personnes ne deviennent pas des chefs ou pour éviter que les groupes ne les transforment en chefferie, le seul garde-fou qui existe c’est le sens critique personnel et collectif. Pour cela il faut porter une certaine attention à l’écoute des maux des humains, il est nécessaire de développer la sensibilité à la souffrance humaine. Ce n’est pas seulement une affaire rationnelle.

Je refuse de transformer cette démarche en une mystique, c’est simplement savoir et rappeler en permanence que nous n’avons aucune garantie contre les dérives, y compris pour nous-mêmes. Se défier des mythes ce n’est pas les nier, c’est savoir que nous en avons besoin. Les déconstruire permet de les tenir à distance pour ne pas devenir otages de ces mythes.

Tout cela conduit à reconnaître le besoin de références, d’autorité fondée sur la compétence parce que nous baignons continuellement dans les affects, les émotions.

Tenter de construire des institutions non oppressives c’est problématique et jamais acquis, mais c’est possible, même si cela est mouvant et éphémère. Cette question n’est pas nouvelle, déjà Erich Mühsam  (i) l’abordait en Novembre 1932 dans son texte “ La société libérée de l’Etat ” : “ Seuls les anarchistes peuvent fonder l’anarchie, ceux d’aujourd’hui doivent, quel que soit leur nombre, mettre de jour en jour et d’heure en heure ces principes en valeur, si l’on veut que la communauté du peuple s’appelle un jour anarchie et les hommes des anarchistes. Ainsi il faut veiller dans les relations entre anarchistes et les accords conclus entre eux en vue de la préparation des nouvelles conditions de vie, à une stricte équité dans le comportement réciproque. Jamais un individu ne doit se laisser entraîner par ses dons privilégiés d’orateur, d’éducateur, d’organisateur ou d’animateur à vouloir prendre toutes les initiatives, jamais une majorité ne doit se permettre de réduire les droits de la minorité. ” (1)

Pour terminer nous rappellerons la phrase de Orwell dans “ La Ferme des animaux ”, Sage l’ancien dit de façon prémonitoire à ses amis : “ Que votre combat ne vous transforme pas en l’image de vos ennemis ! ” (2)

Modifié pour la dernière fois le 31 Décembre 2000 


Notes de bas de page :

1 / Erich Mühsam, « La société libérée de l’Etat », dans le livre La République des Conseils de Bavière, page 167, Éditions La Digitale et Spartacus, 1999.

Contacts : Éditions La Digitale, Baye, 29300 Quimperlé ;

Éditions Spartacus, 8, Impasse Crozatier, 75012 Paris.

2 / Georges Orwell, La ferme des animaux, éditions Folio, Gallimard, Paris, Mars 2000, page 16.



Notes de fin :

I / Erich Mühsam est mort assassiné par les nazis le 9 Juillet 1934. Il avait été arrêté le 13 Avril 1934 le jour de l’incendie du Reichstag. Il a été torturé longuement, les nazis lui ont, entre autres, cassé les doigts afin qu’il ne puisse plus écrire pour protester. Il avait participé activement à la République des Conseils de Bavière en 1919. Il était resté en prison de 1919 à 1924. Son livre est écrit en mémoire de Gustave Landauer autre grande figure libertaire.