La notion de “ biopolitique ” essaie de définir
comment la domination contrôle les populations, les corps et les
esprits, comment la politique et la vie humaine sont liées (selon
le terme grec “ bios ” qui veut dire “ vie ”,
racine que nous retrouvons dans le terme biologie par exemple). Le concept
de biopolitique nous vient de Michel Foucault. Il était employé
par cet auteur pour décrire la gestion des populations et le
contrôle des corps par le pouvoir ainsi qualifiable de “ bio-pouvoir ”,
au sens des opérations qui portent sur la vie collective et individuelle.
La notion de technologies de pouvoir est associée au terme “ bio-politique ”.
Je reprends ce terme à titre d’hypothèse en essayant
de comprendre sa validité dans le contexte postmoderne. Son sens
sera peut-être différent et un peu plus large que celui
de Michel Foucault, le débat reste ouvert.
La notion de “ biopolitique ” a été
utilisée à plusieurs reprises pour commenter les nouvelles
luttes et les nouvelles modalités de l’engagement :
coordination des infirmières, lutte autour du Sida, luttes des
précaires et chômeuses-eurs, lutte des sans-papiers et
sans-papières, etc. Ce terme apparaît parce que ces luttes
ont à faire avec la vie elle-même : santé,
moyens financiers pour vivre quand les humains n’ont pas de travail,
de papiers pour exister, etc. Elles questionnent la société
entière dans son rapport à la vie humaine. Cette approche
est développée, notamment, par Maurizio Lazzarato dans
l’article “ Lutte de “ minorités ”
et politique du désir ” dans la revue Chimères
du printemps 1998 (1).
L’hypothèse de la biopolitique me semble intéressante,
parce qu’elle permet d’expliquer les articulations entre
les différentes sphères concernées par les pouvoirs
capitalistes et certaines de ses évolutions majeures. Plusieurs
auteurs nous incitent à aller dans cette direction. Agamben (2),
en particulier, pense que la biopolitique, la politique qui prend toute
la vie, peut expliquer pourquoi le capitalisme marque à la fois
la subjectivité humaine et l’objectivité des rapports
de pouvoir. C’est à dire les individu-es et le rapport
de force social. Pour lui il y a une articulation entre l’adhésion
subjective au pouvoir du point de vue personnel et le caractère
objectif du pouvoir du point de vue social, institutionnel et symbolique.
Il reconnaît, lui aussi, que nous sommes dans l’ère
de la reproduction et que l’on ne peut plus la distinguer de la
production.
La vie dans son ensemble est prise par le capital. Après avoir
assujetti les humains par le travail physique, il a capté le
travail intellectuel puis le mental humain dans son ensemble. Les idées,
les images, les affects, les opinions servent aujourd’hui à
la valorisation du capital. La biopolitique, ou politique qui soumet
la vie, explique ainsi pourquoi les opérations de pouvoirs sont
liées entre elles, que ce soit :
* sur l’environnement : les manipulations génétiques,
les OGM, la mise sous brevet du vivant, la mise en coupe réglée
de la nature et les conséquences que l’on connaît ;
* sur les corps humains : les recherches sur le clonage, la carte
du génome, la marchandisation des organes, l’utilisation
du corps des femmes pour mettre en scène le désir dans
la publicité, le forçage du corps sportif, la chirurgie
esthétique pour les célébrité-es, la surveillance
et la réadaptation des enfants (les appareils dentaires par exemple),
etc. ;
* sur les esprits : la production des identités psychiques
et sociales et la modulation de ces identités, etc.
Les machines (en particulier les ordinateurs et tous les appareils liés
aux technologies de l’information), le savoir, le symbolique,
le sexuel, l’argent, l’imaginaire, les gens eux-mêmes
sont pris dans les technologies des pouvoirs du capitalisme. Ainsi nous
comprenons pourquoi la capacité à communiquer, la facilité
relationnelle, la souplesse mentale, la capacité à travailler
en équipe, la capacité à être flexible, etc.
sont tant recherchées dans l’employabilité capitaliste.
L’implication de la subjectivité humaine est devenue une
nécessité du capitalisme et de sa reproduction. On se
doit d’être flexible dans tous les domaines : la santé,
l’éducation, les loisirs, la culture, les transports, la
circulation automobile, la consommation, etc.
La servitude volontaire, la servitude “ sans contrainte ”.
Cet aspect de la domination postmoderne, où la subjectivité
humaine est fortement mobilisée, permet de revenir sur la notion
de servitude volontaire, développée par La Boétie,
puisque l’assujettissement aux identités produites par
le système est la règle majoritaire et normale. La soumission
à la domination, comme servitude volontaire, trouve naturellement
des éléments de rationalisation dans le fonctionnement
du système lui-même par l’appartenance identitaire
au monde de la marchandise où le tout Un et la multiplicité
fonctionnent en complémentarité :
- Les images identificatrices (la publicité et la télévision,
par exemple) avec les valorisations multiples de l’individu-e
postmoderne et son économie politique du signe, où les
valeurs du consuméristes et spectaculaires sont fondamentales,
- Les thérapies psychologiques de développement personnel
qui incitent à l’intégration dans le système,
- Toutes les théories philosophiques, sociologiques et politiques
qui légitiment le capitalisme et sa gestion, ce que le Monde
Diplomatique et Serge Halimi appellent “ Les nouveaux chiens
de garde ” en reprenant l’expression de Paul Nizan.
D’ailleurs ce journal n’échappe pas à la règle
puisqu’il prône un recours à l’Etat dans une
pure ligne républicaine inspirée de Bourdieu.
Le second versant de cette servitude volontaire est observable dans
la place que le système donne à chaque personne dans la
soumission des autres par la diffusion massive des micro-fascismes dans
notre société. Les humains trouvent toujours une ou des
personnes à inférioriser pour ainsi accepter de subir
la domination tout en la perpétuant. La chaîne est presque
sans fin, d’où la continuation de toutes sortes d’oppressions
à l’intérieur des groupes les plus pauvres de la
société. Le développement du harcèlement
moral est typique de cette situation (3). La militance associative
et l’engagement politique n’échappent pas toujours
à cette tendance générale, malheureusement.
Peut-être devons proposer de nommer la servitude volontaire “ la
servitude sans contrainte ” pour rendre compte du fait que
la volonté n’est pas en cause. Il s’agit d’un
phénomène inconscient et où la décision
n’est ni rationnelle ni consciente. Je pense que Dominique Quessada
propose une hypothèse intéressante. Selon cet auteur,
les humains échangent de façon inconsciente leur désir
de nom, leur désir de connaissance et de sens contre une place,
un nom dans la communauté humaine, dans la généalogie
de leur groupe et une signification. Ce faisant ils créent la
place du maître et l’agrégation sociale qui lie les
humains entre eux. Le langage est essentiel dans cette articulation,
les mots sont ceux du maître. Quessada explique le caractère
inconscient du phénomène parce que l’échange
passe par d’autres voies que celles de la raison. Les emblèmes,
les images, les drapeaux, les signes, les insignes, les décorations,
les couleurs, les textes fondateurs s’adressent au regard, aux
émotions, l’échange passe par des rituels. Le caractère
énigmatique de la soumission sans contrainte s’explique
parce que cette soumission se produit de façon sociale et ritualisée.
La vigilance rationnelle est hors champ puisque les éléments
de l’échange passent par le regard et les émotions
et non par la volonté et la raison.
Ce genre de phénomène a déjà été
mis en évidence par l’Essai sur le don de Marcel Mauss.
Le don n’est pas lié à un calcul mais à un
échange. Le lien est plus important que le bien. Il y a une intentionnalité
dans ce choix, mais c’est un pari pour transformer l’autre
en ami, pour qu’il ne devienne pas un ennemi. On ne sait pas à
l’avance si le pari va réussir. D’autre part, il
faut remarquer que depuis très longtemps les communautés
humaines ont extériorisé le fondement de leurs lois, de
leurs règles. La capacité de se donner sa loi a été
transférée dans un champ extérieur à l’humanité
et réservé à une petite partie de l’humanité
et cette partie de l’humanité c’est celle des maîtres,
les maîtres politiques, religieux et militaires. Le maître
peut proposer du sens à la société parce que son
pouvoir était fondé sur la transcendance, sur la divinité.
La place de chacun et chacune était donné-e par un ensemble
de significations liée à cette transcendance. Accepter
sa place c’était accepter la hiérarchie. Aujourd’hui
la transcendance n’a plus le même poids que par le passé,
mais la structure du pouvoir s’est maintenue, la hiérarchie
est toujours là et peu d’humains estiment qu’ils
ont la capacité de se donner leur propre loi, ce qui serait la
condition nécessaire pour remettre en cause le fait que cette
capacité est réservée à ce qu’on appelle
“ la classe politique ”, c’est à
dire les politiciens.
L’explication proposée par Dominique Quessada (4)
montre que l’intime de chaque personne est concerné par
l’intégration en soi de la place du maître. On retrouve
ici le même genre de phénomène que pour le genre
masculin ou féminin.
Pour savoir si la structure mentale décrite par Quessada peut
changer, il faudrait pouvoir étudier le psychisme humain dans
une société où l’autonomie aurait remplacé
l’hétéronomie (le fait que la capacité humaine
à se donner sa loi soit extériorisée, l’autonomie
étant basée sur le choix des humains pour se donner leurs
lois de l’intérieur de la société humaine,
sans recours d’une quelconque transcendance ou extériorité).
Cette possibilité n’existe pas actuellement, la domination
organisant notre monde. Dominique Quessada emploie le terme “ colle
sociale ” pour parler de l’agrégation sociétale.
Il se base sur la pensée de Pierre Legendre. Il a tendance à
se lamenter sur la perte de l’autorité (la société
sans pères) et en vient presque à demander un retour à
une autorité forte telle qu’elle existait auparavant. Évidemment
je ne peux le suivre sur ce terrain. Au contraire, il me semble que
la voie qui permettra à l’humanité d’avancer,
c’est d’accepter l’auto-référence, de
mettre en oeuvre notre capacité à nous donner notre loi,
nos règles, même si nous devons les réévaluer
régulièrement. En conséquence je pense que Eduardo
Colombo a raison de dire que : “ Se révolter
contre l’influence de la société exige se révolter,
du moins en partie, contre soi-même ; c’est en cela
qu’il est le moment le plus difficile de la liberté. ” (5)
Décrire le capitalisme
Nous pouvons appréhender la description du capitalisme contemporain
et de sa biopolitique de diverses façons. L’approche de
Jacques Luzi parle de la “ dépossession de soi dans
le sein oppressant du pouvoir capitaliste ”. Pour lui, cet
aspect du réel capitaliste est le prototype même de la
sauvagerie où : “ chacun participe à la
dépossession de tous ” (6).
Ce que confirme un autre point de vue, celui de Denis Duclos, qui parle
de la société “ autophage ” (7),
qui se mange elle-même, comme étant la dernière
version de la loi du profit.
Cette approche est également développée par Dominique
Quessada dans un livre récent intitulé : “ La
société de consommation de soi ” (8).
Dans ce système, selon l’expression de Paul Demare (9),
la “ société du jetable ” est le
pendant du productivisme. Tout le monde peut s’en rendre compte,
il y a souvent plus d’emballage que de produit et les poubelles
sont vite pleines. Comme le note Serge Tisseron : “ Le
mépris des objets est le meilleur allié de la société
de consommation ” (10).
Nous sommes alors autorisé-es à faire un rapprochement
entre le dopage des sportifs et la vache folle, la résistance
aux antibiotiques et les OGM, la viande à la dioxine, les poulets
ou les bovins aux hormones, l’Epo pour les humains, la course
à l’exploit et le profit obtenu par la spéculation
financière. Cette thèse est développée dans
le récent livre des éditions de L’encyclopédie
des Nuisances “ Remarques sur l’agriculture génétiquement
modifiée et la dégradation des espèces ” (11).
Ce productivisme est conjoint de la fin de la place centrale de la valeur
travail, de l’importance de la bulle financière. De la
production alimentaire empoisonnée au capital financier, il y
a bien une continuité et le développement d’une
économie parasitaire, un danger pour l’humanité
elle-même dans ce système.
La liaison entre la subjectivité et le système capitaliste
Nous pouvons observer un double phénomène dans cette domination /
soumission :
- D’un côté l’autorité tend à
s’effacer, à devenir moins visible, mais continue de fait,
s’impose comme incontournable : le marché et son universalité,
l’Etat et son expansion sociale, le patriarcat, etc.
- De l’autre le développement de la singularité
individuelle est encouragé, en particulier sous la forme d’obligations
de réussite.
Nous sommes face à une liaison entre la subjectivité et
le capital. Ce rapport a été relevé par divers
auteurs. Toni Negri analyse cela à deux niveaux : la sujétion
et la subjectivation (12). Au niveau de la personne humaine, il
y a deux domaines dans le sujet même, qui sont marqués
par la domination capitaliste :
1 / la sujétion ou la capacité à être
produit-e par le capitalisme, l’assujettissement par le système,
2 / la subjectivation qui est la capacité de produire du
sujet pour le système, mais aussi la subjectivation comme capacité
à se produire du sujet lui-même (en tant qu’auto-création)
dans la situation du capitalisme.
Il note la montée en puissance du travail immatériel dans
l’évolution capitaliste. Maintenant cet aspect du réel
est une évidence, à mon avis.
Deleuze et Guattari, eux, développent des analyses sur la déterritorialisation
et le lien humain - machine. Il n’est pas anodin que ces deux
auteurs aient insisté avec autant de vigueur sur le rapport entre
le capitalisme et la schizophrénie. Ce thème est souvent
présent dans les constats sur notre situation. Pour eux, le capitalisme
commence par un décodage systématique des territoires
et des personnes pour ensuite opérer un recodage artificiel,
mais compatible avec ses besoins. La notion de codage est une nomination
des phénomènes culturels et symboliques, qui nous lient
à l’ensemble social où nous vivons, qui nous attachent
à une place géographiquement connue et reliée à
certaines moeurs et coutumes. Il est facile de constater que la société
mondialisée tend à bouleverser ce système de codage
et à en opérer un nouveau, où tout se ressemble
(au moins en milieu urbain). Les machines désirantes, que sont
les humains, sont inscrites dans des dispositifs de pouvoir, qui permettent
la reproduction du système à grande échelle. La
loi de domination capitaliste fonctionne à la fois au niveau
familial et au niveau du système, ceci explique la complémentarité
entre l’économie libidinale dans la famille et l’économie
capitaliste (13).
La notion de décodage est une séparation, une déliaison
entre les humains et leur communauté, leur territoire d’origine.
Cette opération porte atteinte aux récits, aux mythes
qui organisaient et donnaient sens à ce lien entre individu-es,
communautés et territoires. Aujourd’hui les néo-fascistes
et les néo-racistes veulent absolument lier territoire et culture.
Cette volonté prouve que la déterritorialisation existe,
puisqu’il faut recoder et insister sur un lien qui n’est
pas évident. Ce souhait montre que le recodage peut fonctionner
de multiples façons, ici, il opère de façon réactionnaire
par une tentative de naturalisation de la culture. Pour le capitalisme
il fonctionne de façon spectaculaire et marchande, pour un certain
nombre de néo-religions comme la scientologie ou le mandarom
il s’agit d’un fonctionnement sectaire et religieux. Peut-être
devons-nous réfléchir au codage libertaire, une voie à
développer et à réinventer.
L’effet de pouvoir de la déterritorialisation est conjoint
de la victoire de l’équivalent général (l’argent),
où tout peut se déplacer, s’échanger.
Félix Guattari précise que “ l’individu
est équipé au niveau du désir ”, il
est compatible avec le capitalisme : “ Le capitalisme
prétend s’emparer des charges de désir portées
par l’espèce humaine, c’est par le biais de l’asservissement
machinique qu’il s’installe au coeur des individus ” (14).
La notion d’asservissement machinique est à entendre au
sens large, c’est à dire comme la description de dispositifs
de pouvoir composés de plusieurs rouages qui sont à la
fois physiques et mentaux, humains et matériels, sociaux et individuels.
La notion de machine désirante, pour décrire les humains
et leurs créations, est une notion conjointe de l’asservissement
machinique. La notion de machine est employée ici dans un sens
métaphorique pour évoquer la complexité des phénomènes
en jeu. Les effets de pouvoir ne sont ni mécaniques, ni automatiques.
D’autre part, la notion de machine désirante permet une
liaison entre l’individuel et le social, entre l’inconscient
personnel et l’inconscient, l’imaginaire d’un champ
social historique, ce que n’accepte pas en général
la psychanalyse.
Il existe, malgré tout, quelques auteurs, qui, en se situant
du point de vue de la psychanalyse, admettent que l’étude
du psychisme humain doit articuler le niveau individuel et le niveau
collectif. Par exemple, Georges Devereux montre que si on essaie de
dresser la liste des fantasmes étudiés par la psychanalyse,
celle-ci correspond point par point à la liste des rites et des
coutumes décrits par les ethnologues. Georges Devereux en arrive
à la conclusion, que la psychanalyse et l’ethnologie donnent
deux éclairages sur une même réalité :
l’une développant la description du “dedans”
de la personne, l’autre celle du “dehors” collectif
et social. (15)
En partant d’une autre approche, celle de la psychanalyse lacanienne,
Régnier Pirard estime que la psychanalyse doit réfléchir
à la concordance entre ses références et le fonctionnement
social : “ Le “ pousse à la femme ”
de certains psychotiques (tous ?) est une notation clinique incontestable,
mais je doute que cette “ féminisation ”
relève de la structure, si ce n’est celle de l’imaginaire
culturel occidental. Qu’en serait-il dès lors d’un
“ pousse à l’homme ” souvent pointé
- au grand dam des féministes - sous la modalité du “ penisneid ” ?
Ne vaudrait-il pas mieux parler structuralement d’un “ pousse
à l’Autre ” puisque de l’un et de l’autre
on nous a appris qu’il n’y a pas de rapport ? La différence
des sexes fait énigme, non parce qu’elle relève
d’une partition naturelle, mais parce que celle-ci “ signifie ”
une indépassable finitude. Penser - et panser - cette finitude
en appelle à des représentations, des “ signifiants ”
qui organisent politiquement l’impossible mais nécessaire
co-existence. L’idéologie patriarcale n’a jamais
cessé d’organiser les rapports sociaux en privilégiant
l’imaginaire masculin. On peut se demander si la psychanalyse
ne continue pas d’en participer. Et peut-être d’autant
mieux que son langage théorique prend bien soin d’élever
au statut d’êtres mythiques le “ Phallus ” ”
et “ La femme ”, tout en leur conférant
une opérativité dans la constitution de toute identité
sexuée, et nous conjurant de ne pas les “ positiver ”
dans des incarnations concrètes. Voudrait-on qu’avec une
telle fantasmatique la psychanalyse conspire à la reproduction,
non certes de l’espèce, mais de l’imaginaire collectif
dans lequel notre société se mire, on ne s’y prendrait
pas autrement. ” (16)
Un autre psychanalyste, Eduardo Colombo, parlant lui d’un point
de vue libertaire cette fois, aboutit à la même conclusion
: “ L’imaginaire collectif d’une société
androcentrique organisée sur la logique inconsciente du primat
du phallus fait que son érotisme garde les anciens privilèges
(fueros) de la domination mâle et que la croyance des hommes et
des femmes maintient l’illusion d’un sexe privilégié.
Croyance que nous appelons illusion “ lorsque dans sa motivation,
la réalisation du désir s’impose, et nous faisons
là abstraction de son rapport à la réalité
effective tout comme l’illusion elle-même renonce à
être accréditée ” ” (17)
Eduardo Colombo avait déjà abordé ce problème
en 1984. Il parle de la “ double articulation du symbolique ” :
“ Nous appelons première articulation la relation
qui s’établit entre la représentation, la chaîne
signifiante et les objets du monde personnel d’un individu. Elle
configure l’ordre symbolique et insère l’individu
dans la signification. Dans la seconde articulation, il s’agit
d’une opération du pouvoir qui, reliant la règle
abstraite à la loi, organise un champ de force au niveau de la
signification : cette articulation institue la domination. ” (18).
En prenant en compte ces différentes analyses nous pouvons comprendre
que nous sommes face à des technologies de pouvoir biopolitique,
des technologies mentales de la discipline.
Dans ce cadre, nous pouvons noter que le lien entre l’individu-e
et l’institution est alors structurel. Agamben nous le rappelle,
il prend l’exemple limite des camps de la mort pour nous inviter
à prendre conscience de : “ l’étrange
relation de contiguïté qui unit la démocratie au
totalitarisme ”.
Pour lui les démocraties occidentales se sont enfermées
dans un piège : “ En gagnant ... des libertés
et des droits dans leurs conflits avec les pouvoirs centraux, les individus
préparent à chaque fois simultanément une inscription
tacite, mais toujours plus profonde dans l’ordre étatique,
offrant ainsi une assise nouvelle et plus terrible au pouvoir dont ils
voulaient s’affranchir ” (19).
La façon dont les institutions traitent les personnes sans-papiers,
par exemple, démontre la dépendance des individu-es par
rapport à l’Etat.
Le privé et le public
Les conséquences de la politique qui prend la vie, de la biopolitique
sont visibles dans la transformation du rapport privé /
public. Ce rapport qui structurait notre univers mental est bouleversé,
le privé a envahi le public :
- authenticité subjective dans la vérité, saturation
de désir sexuel dans la publicité et mise en scène
télévisée de nos vies, etc. ;
et le public se mêle du privé :
- campagnes de préventions (tabac, vitesse, etc.), procréation
assistée, psychologisation des rapports sociaux, etc. .
Ehrenberg estime, lui, que : “ la subjectivité
est devenue une question collective ” (20).
Nous pouvons également aborder l’hypothèse de la
biopolitique au travers du rapport entre territoire et pouvoir comme
le fait Frédéric Gros (21). Le lien entre ces deux
champs est intéressant puisque le système s’est
construit à partir du contrôle du territoire. Il est possible,
dans un premier temps, alors de penser le territoire à partir
du pouvoir, du haut vers le bas en quelque sorte : l’État,
le maillage institutionnel, le panoptique, le savoir sur l’humain,
etc, puis ensuite de penser le pouvoir à partir du territoire,
du bas vers le haut cette fois : la réalité de la
spéculation liée à la bulle financière qui
semble s’être abstraite de tout territoire puisqu’elle
est en partie virtuelle (dans son fonctionnement pas dans ses effets),
le contrôle des frontières physiques et mentales, la gestion
des zones à risque, la gestion de la menace dans ce que Didier
Bigo appelle les États de populations (22), etc.
Cette analyse fonctionne bien, si nous acceptons d’étendre
le territoire aux territoires existentiels et mentaux des humains. D’ailleurs
le développement d’Internet peut être vu ainsi :
comme le développement d’un nouveau territoire, territoire
virtuel et mental, hyper-moderne et ultra-technique, mais souvent très
existentiel lui aussi.
Avec la notion de biopolitique, et les diverses façons dont elle
peut se décliner (cf ci-dessus), je pense que nous pouvons avoir
une assez bonne description de ce qui se passe dans nos pays, puisque
dans ce cadre, le pouvoir ne peut pas être pensé strictement
comme une chose, ou seulement comme une force, il doit être aussi
vu comme une relation, il circule entre les êtres, individuellement
et collectivement. Ce constat met en évidence la continuité,
qui existe entre toutes les sphères de pouvoir, la chaîne
de solidarité entre le haut et le bas et vice et versa, comme
la chaîne de pouvoir entre les pays impérialistes et les
pays dominés. A mon avis, c’est également une des
raisons qui permet d’expliquer pourquoi il est si difficile d’identifier
un ennemi dans cette situation.
Où est l’ennemi ?
La notion d’ennemi a un inconvénient : celui de se
placer sur le même terrain que lui, elle nous installe dans une
dépendance à son égard.
Son avantage c’était celui du sens : quand elle était
utilisée dans une vision globale, elle inscrivait la lutte des
groupes et des personnes dans une cohérence générale
qui donnait une signification.
Notre difficulté de cerner l’ennemi est celle qui est liée
au manque de repères pour comprendre ce monde et le transformer.
Le capital financier semble insaisissable par exemple. Le fait d’avoir
un ennemi identifié et localisé permettait de lui adresser
sa colère voire son désir de destruction, nous savions
sur qui taper.
Maintenant nous avons l’impression qu’il n’y a plus
d’adresse (avec nom et lieu précis) pour la colère
de la lutte de classe, que l’agressivité ne peut pas trouver
d’interlocuteur ni de localisation centrale pour s’exprimer,
cette sensation est un facteur de désarroi et d’impuissance.
Marcuse avait déjà noté cette difficulté :
“ Plus l’administration de la société
répressive devient rationnelle, productive, technique et totale,
plus les individus ont du mal à imaginer les moyens qui leur
permettraient de briser leur servitude et d’obtenir leur liberté. ” (23)
Bien sûr, nous pouvons estimer que c’est à nous de
trouver de nouvelles modalités de luttes, de trouver de nouvelles
voies politiques pour les combats anticapitalistes, si nous ne voulons
plus dépendre de l’ennemi, si nous souhaitons sortir de
l’attitude réactive “ anti ” ceci
ou cela. Mais tant que ces voies ou modalités n’existent
pas ou sont trop faibles, la sensation d’incompréhension
et d’impuissance reste massive.
Nous pouvons donc conclure que la vie entière est prise dans
les filets du système capitaliste. La domination a changé
de méthode, la gestion, l’administration s’est perfectionnée
et complexifiée. Les experts, la science (ou son invocation)
dirigent nos vies ou prétendent le faire en nous disant comment
vivre. Le droit règle les conflits et fait espérer dans
la justice. La subjectivité humaine est mobilisée pour
le fonctionnement du système, l’individu-e, qui se vit
comme une unité autonome, est un mythe nécessaire. Il
ou elle est effectivement équipé-e au niveau du désir
pour être compatible avec le capitalisme.
Le pouvoir s’exerce sur l’espace que constitue le territoire
existentiel de chaque personne, ce que je nomme la domination mentale,
qui peut être aussi vue comme la nécessité d’une
illusion : l’idéologie, illusion pour camoufler le
système du point de vue des dominants et illusion pour aider
à supporter la domination du point de vue des dominé-es.
Tout ceci est invisible ou presque mais tout en étant, de façon
paradoxale, dans le registre de l’évidence, c’est
tellement évident que l’on ne le voit plus, nous sommes
dans la continuité de la transparence du panoptique dénoncé
par Michel Foucault dans “ Surveiller et punir ”.
Nous connaissons les résultats pour nous les humains : la
vie modifiée, la biopolitique en action, la politique dans la
vie, la discipline en grande partie inconsciente intériorisée
au profond de nous-mêmes, la vie dans le capitalisme où
la marchandise et le spectacle sont partout, le lien entre le pouvoir
et l’argent très clair au niveau central.
Pour toutes ces raisons nous ne devons pas nous étonner d’être
individualisé-es, étatisé-es, surveillé-es,
formaté-es, profilé-es, flatté-es, sollicité-es
au niveau du désir, remplis-ies d’images et d’intérêt,
modélisé-es, construits-tes, démocratisé-es,
consulté-es, sondé-es, canalisé-es, fiché-es, ....
Il ne me semble pas aberrant de reconnaître que ce contrôle
biopolitique, ce contrôle sur la vie, cette intégration
de la discipline, est ce qui donne une grande puissance à la
domination capitaliste en plus des méthodes anciennes de domination.
Ceci tend à rendre vains tous nos efforts ou réduit à
néant toutes nos tentatives de changement social et politique.
Par contre-coup ce phénomène explique le poids si important
de l’existentiel dans nos vies militantes ou non.
La fin du mythe du progrès exacerbe cette dimension existentielle
et pose ouvertement la question du pourquoi de cette vie, compte tenu
de l’absurdité ambiante. Il n’y a plus rien qui donne
sens au sacrifice, l’avenir ne peut pas être porteur de
promesses. Nous sommes pris-es dans la biopolitique du capitalisme.
Pourtant, l’humain sort du système de toutes parts et fuit
sans arrêt. De multiples façons, les humains inventent,
construisent des solidarités. La chaleur humaine ne peut se contenter
du vide et du faux, les humains cherchent toujours à réenchanter
le monde. Le système prend toute la vie dans sa toile, mais la
vie déborde du cadre et tente de lui échapper toujours
et encore. La difficulté est liée au fait que sans cesse
la vie humaine est réintégrée au système,
rabattue sur les autorités existantes, recouverte par les idéologies
du système.
La métaphore de l’atome
Cette situation explique pourquoi la métaphore de l’atome
a tant de succès : les humains seraient comme des électrons
qui bricolent des liens, des idées, mais dont toute la vie est
prise et insérée dans les mailles du système.
L’inconvénient de cette métaphore est qu’elle
pourrait laisser croire que le lien entre l’électron, l’atome
et le noyau central - le capital - est direct et unique. Il ne faut
pas oublier toutes les médiations qui relient les personnes au
capital et aux diverses autorités. De plus, l’atome individuel
n’est pas une monade, il est en lui-même un être multiple
que ce soit de part le sexe, l’âge, la classe sociale, la
situation matrimoniale, le parcours personnel, les choix divers et variés,
les affinités électives, etc.
La complexité et la multivalence
Nous savions déjà qu’il fallait déconnecter
la vérité et le bien de la beauté et de la bonté.
En effet une chose peut être vraie sans être bonne ni belle,
et d’autre part une chose peut être bonne sans être
belle, ni vraie d’un point de vue logique, ni moralement juste.
De plus, des conséquences désastreuses peuvent suivre
les bonnes intentions. Une chose peut se transformer en son contraire,
comme le dit la dialectique. Mais la difficulté vient de ce que
cela nous échappe régulièrement, entre autres parce
que les facteurs en jeu sont tellement nombreux et si compliqués
qu’il est impossible à la fois de les connaître tous
et de les maîtriser. Si, de plus, nous admettons que beaucoup
d’éléments restent inconscients, nous ne pouvons
que rester prudents.
L’écart entre les mots et les choses, entre les représentations
et la réalité, entre le signifié et le signifiant
ne peut se combler. L’absence d’écart entre le signifié
et le signifiant est celui de la toute puissance, figure incarnée
pendant longtemps par Dieu, qui dit “ Que la lumière
soit ! ” et la lumière fut.
En conséquence, nous devons admettre aujourd’hui, que nous
sommes obligé-es de vivre et de penser avec la complexité,
le multiple et la multivalence. Il est habituel de voir les êtres
comme univoques ou doté-es d’une seule qualité,
d’une seule étiquette. Cette manière de voir est
dangereuse, elle provoque de nombreuses erreurs. Certaines notions sont
conjointes à la complexité : diversité, incertitude,
paradoxe, ambiguïté, mobilité, instabilité,
variabilité, chaos et auto-organisation, flux, feed-back, réseaux,
systèmes, connectivité, régulation, etc... Ces
termes ne nous sont pas familiers, nous devons faire un effort pour
voir de quoi il s’agit. Je pense qu’il faut nous habituer
à la plurivalence, à la multiplicité, même
si ceci nous est difficile, rend l’analyse délicate et
la prévision quasi-impossible.
Avec le capitalisme contemporain nous sommes dans une totalisation de
fait. La détotalisation théorique est difficile et souvent
impossible. Toute tentative de perspective globale est dévalorisée
par l’idéologie postmoderne. Ce que Bernard Noël nomme
“ La castration mentale ” (24) est un résultat
de tout ce fonctionnement complexe et en constante évolution.
Au fur et à mesure que le monde est construit par cet ensemble
(nommé ici biopolitique postmoderne), il se dérobe à
nous sur le plan de la signification. Notre rationalité est absorbée
par notre survie mentale, elle est orientée vers la rationalisation
a posteriori de nos territoires existentiels.
Rationalité et rationalisation
A ce sujet je pense qu’il faut peut-être essayer de faire
une distinction entre rationalité et rationalisation. De façon
simple il est admis que la raison est une faculté développée
par les humains, la rationalité et la rationalisation sont des
processus qui utilisent cette faculté. Le problème réside
dans le fait que la raison n’existe pas hors de l’humanité
et de sa mise en oeuvre. La raison inclut à la fois le discours
cohérent et la logique (ratio pour les romains et logos pour
les grecs, à la fois calcul, logique et discours). C’est
une énonciation sensée, compréhensible et transmissible
aux autres humains. La rationalité permet d’expliquer et
de justifier ce que l’on nomme vérité ou ce que
l’on croit être cette vérité. D’une
certaine façon, nous pouvons dire que nous essayons de faire
rendre raison au réel et à posteriori il faut être
capable d’en rendre raison, de refaire le raisonnement argumenté,
d’en rendre compte rationnellement, sinon l’espace commun
de discussion ne peut exister. Cette démarche est toujours à
recommencer, la connaissance humaine est relative et sera toujours relative.
La rationalité est une tentative de comprendre le monde avec
la raison, une recherche d’intelligibilité avec une certaine
rigueur démonstrative.
La raison ne peut pas être vue comme une entité extérieure
au processus de rationalité qui se constitue en la constituant.
La raison est une réalité historique, un produit de l’activité
humaine. Cette réalité historique inclut la raison pratique
dans toutes ses dimensions et ce qui est nommé parfois :
les savoirs populaires. Cet aspect de la raison est souvent ignoré
par la tradition savante et rejeté par l’université.
A chaque époque la rationalité a été différente.
Aujourd’hui nous savons qu’il existe dans la personne humaine
des sentiments, des désirs, que nous sommes “ agi-es ”
par de multiples déterminations qui nous échappent. Il
existe de l’inconscient, de l’imaginaire au niveau individuel
et au niveau collectif. L’irrationnel, la fiction sont maintenant
des données humaines banales et admises sur le plan intellectuel,
cela n’a pas toujours été le cas et ne l’est
pas toujours pour l’ensemble de la population. L’horreur
nazie a montré que la rationalité n’était
pas en soi une garantie. Le nazisme a utilisé la rationalité
technique (ou raison instrumentale) à des fins non rationnelles.
D’ailleurs notre civilisation a buté sur ce point, elle,
qui se réclamait de la rationalité et qui n’a pas
pu empêcher cela, ce que Annah Arendt nomme “ La crise
de la culture ” (25). Le stalinisme utilisait lui aussi
la rationalité et justifiait son irrationalité, sa barbarie
par la raison. La même question se pose pour Hiroshima.
Ce qui apparaît comme raisonnable ne l’a pas toujours été
et peut être questionné. Le fait majoritaire peut camoufler
d’autres façons d’aborder les questions. Quand l’étonnement
ne fonctionne plus ou rarement, la domination peut prendre le visage
de la normalité, pourtant, la raison n’a pas peur de la
question “ pourquoi ? ”, c’est même
son point de départ ou ce devrait l’être. Peut-être
est-ce à nous de faire en sorte que cela le redevienne.
La rationalisation dans le sens commun c’est celle qui s’occupe
de moderniser l’économie, l’administration. Elle
est liée à une gestion technique qui cherche à
améliorer ses performances. Cet usage est nommé par l’Ecole
de Francfort : la raison instrumentale (i). Dans notre société
nous sommes régulièrement confronté-es à
cette raison instrumentale, c’est l’usage majoritaire de
la raison, qui peut devenir déraison : “ Il faut
dire que la logique instrumentale a profondément modifié
la nature même de notre connaissance. Nous sommes passés
progressivement du savoir technique à la technicisation de tout
savoir. La technique est devenue l’agent d’une transformation
sociale et civilisationnelle sans précédent en même
temps qu’elle assurait l’évanescence d’un sujet
susceptible de penser cette transformation. La raison est de plus en
plus réduite à sa seule dimension instrumentale. ”
Les concepts de la raison instrumentale “ n’ont pas
à se tenir du côté du bien ou du mal, pas plus qu’ils
n’ont à être vrais ou faux ; ils sont ou non opératoires.
Ils ne possèdent d’autre existence et d’autre légitimité
qu’à travers l’action dans laquelle ils se trouvent
engagés. ” ... “ .... La logique instrumentale
est devenue non seulement le moyen mais aussi la raison de la domination. ”
“ Ainsi science (Hiroshima) et industrie (Auschwitz) se partagent
désormais les procédures de l’anéantissement
moderne. La logique instrumentale garantit un équilibre qu’elle
menace à tout moment de rompre ; la raison instaure la possibilité
d’une déraison toujours plus grande.” (26)
La notion de rationalisation peut avoir un autre sens. Il existe un
autre type de rationalisation : celle qui cherche à légitimer
les actions humaines (individuelles ou collectives). Sur le plan psychologique,
la rationalisation peut très bien advenir après un comportement
pour le justifier. Je pense qu’il ne faut pas confondre les raisons
du comportement (souvent inconscientes sur le moment et liées
à la sensibilité, aux affects, aux émotions, aux
désirs) avec la rationalisation qui opère dans un second
temps. La rationalisation des actes humains existe aussi sur le plan
collectif. Les groupes humains (familiaux, syndicaux, politiques, sportifs
ou autres) utilisent la raison pour justifier leurs actes ou se justifier.
Cette rationalisation doit être déconstruite si on veut
comprendre l’histoire du groupe, son fonctionnement, les tensions
internes, etc...
Sur le plan social, souvent, ces deux termes (rationalisation et rationalité)
semblent équivalents, si bien que l’on parle régulièrement
de rationalisation au niveau des moyens mis en oeuvre avec l’informatique,
par exemple. D’une part cette rationalisation peut très
bien être bureaucratique et autoritaire dans ses méthodes,
d’autre part, la question des fins reste problématique
puisque souvent la recherche du profit est à l’origine
de ce genre d’utilisation de la raison. Dans notre société
la gestion technique, en s’appuyant sur la raison instrumentale,
a tendance à tout rationaliser, y compris les affects, la violence
et la mort, la version bouchère de l’humain (27).
En ce sens notre société est une société
du calcul et cela influe sur les humains. Ceci pourrait nous inciter
à penser que si tout est rationalisable, tout serait rationnel
au sens où tout obéirait à la raison. Il est exact
que la raison peut tout étudier, elle essaie de comprendre. Aller
au delà c’est poser la raison comme un absolu ou identifier
réel et rationnel. La rationalisation ne doit pas faire oublier
que cette méthode ne rend pas la réalité rationnelle
pour autant. Nous devons faire avec nos émotions, l’intuition,
l’imagination, nos passions, la violence et la mort. Quoi que
nous fassions, ces phénomènes restent irrationnels, même
si la raison peut essayer d’en rendre compte.
En conséquence, parce que l’irrationnel, les croyances,
la déraison, la raison instrumentale, la rationalité,
la rationalisation s’entremêlent sans arrêt, parce
que je crois en l’humain et en ses potentiels (notamment la raison),
mais aussi parce que je sais que les dérives sont toujours possibles
(en sachant que personne n’échappe au phénomène),
j’assume le fait de dire que nous sommes toutes et tous des croyant-es.
En conclusion, j’estime, comme beaucoup d’autres, que nous
devons régulièrement examiner, juger avec la raison critique
nos oeuvres pratiques et théoriques, parce que nous n’avons
jamais de garanties. Le “ tenir pour vrai ” est
chargé d’affect, de valeur ou d’existentiel, n’oublions
pas les acquis de Freud et de Nietzsche.
L’influence mentale du système sur la subjectivité
humaine et l’autorité qui s’efface expliquent pourquoi
le contexte postmoderne ne semble plus avoir d’accroche, de lieu
d’opposition ou de lieu central de conflit. Nous avons l’impression
que tout coule, le caractère lisse de ce monde est en lui-même
une clôture où plus aucun point d’appui ne semble
exister pour la visée révolutionnaire. La barbarie est
partout sous des formes différentes (hard ou soft), mais elle
apparaît sous le visage de la normalité, du seul horizon
possible. Ce système est mortifère, il tue perpétuellement,
il détruit continuellement pour mieux se reproduire : “ Dans
une société à transformation incessante, qui accélère
tous les cycles d’obsolescence, cette froideur du jugement économique,
cette indifférence administrative, contamine tous les individus,
qui anticipent ainsi l’oubli immédiat à quoi ils
sont voués, qui l’acceptent comme une vérité
profonde sur eux-mêmes. ” ... / ... “ La
société organisée à l’échelle
mondiale vit désormais dans une ambiance d’état
d’urgence qui certes reflète son état réel,
mais qui est aussi l’atmosphère de catastrophe dans quoi
elle nous fait vivre pour nous imposer ses nouveautés techniques. ” (28)
Le système est mortifère, mais il sait capter le désir
et intégrer la vie dans le spectacle et la marchandise, il semble
savoir et pouvoir tout récupérer. Il a l’apparence
de la vie, la liberté est affirmée et aussitôt niée,
réifiée (ii), réduite aux choix marchand,
spectaculaire et électoral. Le système récupère
tout ou presque. Il absorbe, il recouvre nos vies sans arrêt de
plis et de replis pour éteindre les étincelles de liberté
créatrice. La domination est souple, elle est capable de récupérer
ses erreurs grossières, de disqualifier ses aberrations. Si inter-culturel
il y a, en général c’est un inter-culturel de surface,
parce qu’une seule culture est majoritaire, celle de la marchandise
et du spectacle, les autres sont, en général, cantonnées
au statut minoritaire et condamnées à être récupérées.
Ce constat est encore une fois à nuancer, à comprendre
en terme de tendances. Dans la culture, nous trouvons des oeuvres qui
nous procurent de l’émotion, nous interpellent, nous font
réfléchir que ce soit dans les arts plastiques, le cinéma,
la musique, le théâtre ou la littérature. Pour réaliser
ce travail, je me suis appuyé sur plusieurs ouvrages qui appartiennent
à la culture de ce temps, sur des approches théoriques
faisant partie de notre histoire culturelle. Le fait que cet ouvrage
existe prouve que la production culturelle, même marquée
par le spectacle et la marchandise, peut participer à des processus
critiques. De plus, si on accepte que l’art soit un lieu de vérité,
il est possible de comprendre pourquoi certaines oeuvres artistiques
nous touchent. Elles parlent de l’aventure humaine, de nos vérités,
des difficultés à vivre en ce temps.
La lutte de classe, les luttes de classes continuent
D’une certaine façon, nous pouvons dire, avec l’hypothèse
de la biopolitique, la politique qui prend toute la vie, que nous sommes
face à la continuation de la lutte de classe, des luttes de classes (iii)
; mais cette ou ces luttes de classes ne sont pas celles auxquelles
se réfèrent couramment les révolutionnaires, les
libertaires, ce sont celles qui sont menées du point de vue de
la domination, des dominants. La reproduction des pouvoirs concerne
tous les champs de notre vie : économie, politique, social,
esthétique, symbolique, imaginaire, affectif, etc. La gestion
des différences est l’axe qui accompagne l’apartheid
social. La pluralité des mondes est un des corollaires de la
postmodernité capitaliste. Il y a effectivement réification
et séparation (aliénation) pour toutes les activités
humaines, mais aussi séparation (coupure) entre les groupes sociaux,
les quartiers. La re-production des pouvoirs passe par l’entretien
et la création de ces séparations. La frontière
est aussi mentale et culturelle. La justification de la hiérarchie
sociale et politique s’effectue de plus en plus par le racisme
différentialiste, dont le contenu est culturel et non plus biologique.
Les pratiques discursives entrent en résonance avec la différence
de fait. La fin du grand récit universel, où l’homme
était unique et inscrit dans le sens de l’histoire, est
aussi la porte ouverte à un développement des phénomènes
identitaires. L’identité est un point d’accroche
pour l’existentiel humain dans le contexte où l’universel
est celui de la mondialisation, de la globalisation capitaliste. Nous
sommes face à la fin d’une certaine universalité,
universalité qui était souvent le masque de l’impérialisme,
tendance renforcée par la prétention française
à porter la lumière des droits de l’homme dans le
monde. La fin de cette conception de l’universalité ne
signifie pas la fin de l’impérialisme, elle est seulement
la possibilité de la multiplication du particulier, de la différence
culturelle, y compris dans ses multiples versions nationalistes.
Dans nos pays la gestion de la surveillance accompagne le processus
de gestion de l’apartheid social : vidéo-surveillance,
utilisation massive de fichiers informatiques, agents de sécurité
un peu partout, etc. La gestion est technique ou technicisée,
le risque lui-même est une des composantes de cette gestion de
la reproduction des pouvoirs.
Le sens et l’individu-e
Dans le contexte de la crise du sens, le règne du faux, l’empire
du grand mensonge (je pense que nous pouvons nommer ainsi l’écart
entre les hautes justifications humaines toujours invoquées et
la barbarie de fait), quel sens peut alors avoir l’engagement
politique ?
Le sens reste toujours à construire et à reconstruire
par la liberté pratique, par la critique et l’action politique,
entre autres. Parce que je constate que l’existentiel est fondamental,
parce que nous pouvons tenter d’assumer toutes ces crises, j’en
arrive, comme beaucoup d’autres personnes, à me poser la
question de notre humanité, à soulever le problème
de la subjectivité.
Ehrenberg nous signale d’une autre manière que cet état
de fait est situé dans l’espace et le temps : “ la
subjectivation généralisée est une forme sociale
et politique ” (29).
Pour lui il est clair que : “ Un individu aujourd’hui,
c’est de l’autonomie assistée de multiples manières ” (30).
Cette façon d’aborder l’individu-e est une manière
de parler de bio-politique, même si cet auteur n’emploie
pas ce terme et ne se réfère pas à ce type de pensée.
Le processus de subjectivation est social et politique, l’individu
n’existe pas sans le milieu qui l’assiste. Ou comme le dit
Gérard Larnac : Il ne faut pas “ ignorer la grande
mutation en cours : le pouvoir s’est micro-diffusé
à travers les réseaux technicistes, dans toutes les actions
de la vie privée des individus, il ne possède plus de
lieu, n’appartient à personne. ” (31)
L’hypothèse de la biopolitique, dans le contexte postmoderne,
est un outil conceptuel pour essayer de comprendre pourquoi dans notre
vie, en particulier militante, la tension émotionnelle est si
forte. L’intensité d’implication des personnes dans
un projet commun est telle que la plus petite divergence d’appréciation
se transforme vite en discussion dure, parfois violente. J’ai
l’impression que la sensibilité est à fleur de peau
comme si l’existence de la personne en dépendait, nous
sommes vite dans le réactif et l’identitaire. Il suffit
que notre point de vue ne soit pas partagé-e pour que se sentir
nié-es. Comme dans beaucoup d’histoires d’amour,
la négation de soi est liée aux réactions de l’autre
personne : “ Si tu m’aimes j’existe, je
vais bien et si je t’aime aussi, c’est parfait ! ;
mais si tu refuses mon désir, si tu ne m’aimes pas, je
n’existe plus, au secours je meure ! ”.
A mon avis, la subjectivation généralisée, développée
et amplifiée, par la biopolitique capitaliste, rend difficile
la mise en place des projets alternatifs, des structures collectives
parce que d’entrée nous sommes confronté-es aux
problèmes de personnes et aux enjeux de pouvoir.
Le besoin de reconnaissance, le désir d’amour n’est
pas en soi capitaliste, mais pour le vivre sans domination nous devons
tenter d’opérer une mise à distance des modalités
de la domination que nous avons intériorisée par la construction
sociale de notre genre. Admettre le multiple en pratique nécessite
du temps, de la tolérance, de revenir au calme et, de fait, demande
une grande énergie. Il est toujours délicat de sortir
des îlots isolés les uns des autres pour fédérer
les réseaux de vie et tenter des débats transversaux.
Les espaces communs de discussion sont alors assez rares et très
difficiles à mettre en oeuvre, quand ils existent, en général
ils sont éphémères. Tant qu’on en reste aux
espaces de vie, aux réseaux de socialité, il est encore
possible d’arriver à mettre en oeuvre des solidarités,
des projets collectifs qui durent un peu. Mais si nous abordons la sphère
politique, nous sommes rapidement en difficulté, il est presque
impossible de parler politique sans heurts violents. Nous l’avons
constaté sur la xénophobie d’Etat, sur la guerre,
sur l’impérialisme, sur la fascisation et le racisme. Entre
les anathèmes, l’instrumentalisation, les étiquettes,
les tensions, les affects, la culpabilisation, les attentes, le besoin
de reconnaissance, le chemin libertaire semble toujours à reconstruire
et toujours confronté à la subjectivité, aux subjectivités
existentielles, à cela se rajoutent les conflits entre organisations.
La situation est ainsi souvent assez déprimante et parfois insupportable
à vivre. Elle incite facilement au repli individuel et éloigne
encore plus du collectif.
L’hypothèse de la politique qui saisit la vie, de la biopolitique
postmoderne est aussi une voie pour se poser à nouveau la question
de la subjectivité en politique. Ce point de vue est partagé
par Marco Revelli qui analyse la précarité comme une figure
centrale de notre société : “ Pour la
multiplicité, diverse et atomisée, des figures du monde
du travail qui représentent la force de travail sociale, l’absence
totale de représentation sociale et politique est un problème.
Il y a le risque d’être ballotté de ci, de là;
car il n’y a plus de niveau juridique de contrôle. ... /
... C’est ce qui conduit aussi à une intensification des
conflits horizontaux. Le conflit dans le modèle fordiste était
vertical. Il y avait deux sujets, le Capital et le Travail, et une guerre
permanente entre capitalistes et prolétaires, entre riches et
pauvres, etc.
Aujourd’hui, le processus social global tend à créer
des conflits horizontaux, des conflits entre sujets qui sont au même
niveau social. Par exemple, des conflits entre jeunes et vieux, entre
chômeurs et retraités, entre travailleurs immigrés
et autochtones, entre différents territoires du même pays,
entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest. C’est
particulièrement évident en Italie. En plus de cette intensification
de conflits entre semblables, on a une poussée permanente vers
la fragmentation sociale, le silence des sujets collectifs et une individualisation
toujours plus accrue. On fait tout pour que le conflit ne soit plus
conflit de classes, mais concurrence entre les individus.
Ici se pose la question de savoir comment un sujet peut se constituer
au milieu de cette fragmentation extrême. ” (32)
Pourtant, même avec ce constat pessimiste, il persiste à
penser que tout n’est pas fini, que nous avons encore des cartes
à jouer en partant du problème du sujet : “ Le
post-fordisme est un processus chaotique et contradictoire, et les contradictions
sont ingérables. Nous devons, comme les capitalistes, apprendre
à “ naviguer à vue ”, pour utiliser
aussi bien que possible les situations antagonistes que nous rencontrons.
Nous ne sommes pas arrivés à la fin de l’histoire.
Nous n’en sommes qu’au commencement. ” (33)
Je pense que nous avons ici l’occasion de poser la question d’une
possible biopolitique libertaire au travers de la caractérisation
de l’humain.
Notes de bas de page :
1 / Maurizio Lazzarato, « Lutte de « minorités »
et politique du désir » dans la Revue Chimères n°
33 du printemps 98 « Le désir ne chôme pas ».
Contact : Maison de Toutes Les Chimères, 21 ter Rue Voltaire, 75011
Paris.
2 / Bernard Aspe et Muriel Combes, « Retour sur le « camp »
comme paradigme biopolitique : Homo Sacer de Giorgio Agamben » publié
dans la Revue Futur Antérieur, article disponible sur Internet
sur :
http:///www.ecn.org/cqs:biopol/agamben.htm/
3 / Cf Marie France Hirigoyen, Le harcèlement moral, la violence perverse
au quotidien, Éditions Syros, Paris, 1998.
4 / Dominique Quessada, La société de la consommation de soi,
éditions Verticales, Paris 1999.
5 / Eduardo Colombo, « Anarchisme, obligation sociale et devoir d’obéissance
», dans Réfractions numéro 2 intitulé «
Philosophie politique de l’anarchisme ».
6 / Jacques Luzi, « Mondialisation de la misère » éditorial
de la Revue Agone n° 16, disponible sur Internet :
http://www.culture.fr/culture/paca/agone/16/editi16.html/
également sur : www.lisez.com/agone
Le contact de cette Revue : Agone, B. P. 2326, 13213 Marseille cedex 02
7 / Denis Duclos, « Vaches folles, amiante, trafic d’organes,
pollutions diverses : L'autophagie, grande menace de la fin du siècle
», Le Monde Diplomatique Août 1996.
Sur Internet : Http://www.monde-diplomatique.fr/
8 / Dominique Quessada, La société de la consommation de soi,
éditions Verticales, Paris, Septembre 1999.
9 / Paul Demare, « La société du jetable » dans
la Revue Le Voyeur, numéro 5.
Contact : Le Voyeur, 121, rue Gambetta, Paris 75011.
Article disponible sur Internet : Http://mst.arts.univ-Paris8.fr/levoyeur
10 / Entretien avec Serge Tisseron auteur de « Comment l’esprit
vient aux objets » dans Feuilles de routes de Périphéries
sur Internet article intitulé « On sous-estime la capacité
de l’être humain à se construire sa propre identité
psychique » :
http://www.insite.fr/peripheries/ftiss2.htm
11 / L’Encyclopédie des Nuisances « Remarques sur l’agriculture
génétiquement modifiée et la dégradation des
espèces », Paris, 1999.
Contact : L’Encyclopédie des Nuisances, 74, Rue de Ménilmontant,
75020 Paris.
12 / Toni Negri et Michael Hardt, « Mutations d’activités,
nouvelles formes d’organisation » article publié dans
« Bloc note », numéro 12, Avril - Mai 1996. Disponible
sur Internet sur le site du Cristal qui songe :
http://www.ecn.org/cqs/neuf.htm/
13 / Gilles Deleuze et Félix Guattari dans en particulier L’anti-oedipe,
Éditions de Minuit, Paris 1972, et les cours de 1972 disponibles
sur Internet :
http://www.imaginet.fr/deleuze/
14 / Félix Guattari, La révolution moléculaire, page 84
ou 93, Éditions 10 / 18, Paris, 1980, page 92.
15 / Georges Devereux, Ethnopsychanalyse complémentariste, éditions
Flammarion, Paris, 1672.
16 / Régnier Pirard, La psychanalyse : une clinique de l’histoire
et du désir, édition H. D. R., Nantes, note page 92.
17 / Eduardo Colombo « les théories sexuelles infantiles »
dans Sexualité et érotisme, tiré-à-part, page
46.
Extrait de l’intervention présentée lors des Journées
scientifiques du Quatrième Groupe (de psychanalyse) : Les théories
infantiles sur la sexualité et la mort, tenues à Paris les
30 et 31 Janvier 1999.
La citation contenue dans cet extrait est tirée du livre Sigmund
Freud, L’avenir d’une illusion, écrit en 1927, et publié,
entre autres, dans les Oeuvres complètes, volume XVIII parues aux
éditions PUF, Paris, 1991.
18 / Eduardo Colombo « Le pouvoir et sa reproduction » in Le pouvoir
et sa négation, ACL, Lyon, 1984, note p 78.
Contact Atelier de Création Libertaire, B. P. 1186, 69202 Lyon
cedex 01.
19 / Giorgo Agamben, Homo Sacer, Le pouvoir souverain et la vie nue, Éditions
du Seuil, Paris 1997.
20 / Alain Ehrenberg, L’individu Incertain, Éditions Hachette,
Pluriel, Paris 1996.
21 / Frédéric Gros, « Entre pouvoir et territoire : Deleuze,
Foucault ». disponible sur Internet :
Http://im.edfgdf.fr/im/html/fr/bib/articles/gros.htm
22 / Didier Bigo dans le Monde diplomatique d’Octobre 96 “ L’illusion
maîtrise des frontières ” et “ L’archipel
des polices ”. Sur Internet :
Http://www.monde-diplomatique.fr/
23 / Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel, Éditions de Minuit,
Paris, 1968.
24 / Cité par Gérard Larnac, Après la Shoah, Raison instrumentale
et Barbarie, Éditions Ellipses, collection Polis, Paris, 1997,
page 55
25 / Bernard Noël, La castration mentale, Éditions P. O. L, Paris,
1997.
26 / Hannah Arendt, La crise de la culture, Éditions Folio essais, Paris,
1989.
Gérard Larnac, Après la Shoah, Raison instrumentale et barbarie,
Éditions Ellipses, collection Polis, Paris, 1997, pages 124, 122,
et 55.
Cet auteur se réfère explicitement à Hanah Arendt
et à l’Ecole de Francfort.
27 / Terme utilisé par Pierre Legendre.
28 / Dans le livre de L’Encyclopédie des Nuisances « Remarques
sur l’agriculture génétiquement modifiée et
la dégradation des espèces », page 89 et 92, Paris,
1999.
Contact : L’Encyclopédie des Nuisances, 74, Rue de Ménilmontant,
75020 Paris.
29 / Alain Ehrenberg, L’individu Incertain, Éditions Hachette,
Pluriel, Paris 1996, page 23.
30 / Alain Ehrenberg, L’individu Incertain, Éditions Hachette,
Pluriel, Paris 1996, page 305.
31 / Gérard Larnac, Après la Shoah, Raison instrumentale et barbarie,
Éditions Ellipses, Collection Polis, Paris, 1997, page 128.
32 / Marco Revelli, « La centralité du précariat »,
publié dans la Revue berlinoise Arranca, repris dans le document
intitulé Journées d’été d’A.C.
1999, page 8.
33 / Marco Revelli, « La centralité du précariat »,
publié dans la Revue berlinoise Arranca, repris dans le document
intitulé Journées d’été d’A.C.
1999, page 8.
Notes de fin :
I / L’Ecole de Francfort est un courant d’idée qui,
en philosophie, est représenté par Horkheimer, Adorno et
consorts. Herbert Marcuse a commencé ses travaux avec cette école.
Habermas s’en dit l’héritier. On peut se référer
au célèbre livre :
Théodor Adorno W. et Max Horkheimer, La dialectique de la raison,
Gallimard, Paris, 1974.
II / La réification est un terme venant du latin « res »
: chose. La traduction littérale serait « chosification
», mais ce terme est considéré comme un barbarisme.
La réification transforme en choses la vie sous tous ses aspects,
ici en marchandises. La réification est le concept complémentaire
de l’aliénation (devenir autre) parce qu’elle dépouille
de la vie ce qu’elle atteint.
III / Suite à une remarque des rédacteurs de la revue Temps
Critiques, j’emploie maintenant le pluriel pour les luttes de
classes. Effectivement il y a plusieurs classes et plusieurs luttes,
dont acte !
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